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64% des applis de santé n'ont pas été évaluées scientifiquement avant leur mise sur le marché

Deux tiers des applications de santé n'ont pas fait l'objet d'une évaluation scientifique avant d'être mises sur le marché. Un procédé totalement légal mais potentiellement risqué pour les patients.

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applications de e-santé

Plus des deux tiers des applications de e-santé n'ont pas été évaluées par une étude.

PIXABAY

C'est un flot continu. Chaque jour, 250 nouvelles applications de santé apparaissent sur les boutiques des smartphones, soit pas moins de 90.000 nouvelles applis par an. Destinées à des personnes malades, elles font pourtant rarement l'objet d'une étude scientifique rigoureuse avant d'être mises sur le marché. Un constat réalisé par une équipe française et détaillé dans le Journal of Medical Internet Research (JMIR).

Pour partir à la pêche aux nouvelles applications, l'équipe s'est servie de Linkedin, où elle a élaboré un questionnaire complet à destination des éditeurs d'applications. Ces dernières sont conçues pour le suivi de tous types de maladies : cancer, pathologies cardiaques ou encore douleurs chroniques. 30% d'entre elles étaient liées à la prise de médicaments et à la réduction de la toxicité du traitement, 23% concernaient la détection précoce de la maladie, 16% à l'aide à la décision, 12% à la prévention, 6% aux indications thérapeutiques directes, 2% au triage des patients et 2% pour soulager la surcharge des services d'urgence. Parmi les 90 spécialités, la cancérologie représentait 20%. Ces applications ont pour but de détecter des rechutes, d'évaluer la toxicité d'un traitement ou encore d'accompagner un malade dans la prise de son traitement.

Seules 21% ont réalisé une étude randomisée

En tout, 68 d'entre elles se sont pliées à l'exercice et les résultats ne sont pas enthousiasmants. Avant d'être commercialisées, seules 21% d'entre elles ont fait l'objet d'études randomisées (c'est-à-dire qu'on compare deux groupes, l'un avec un traitement et l'autre sans), ce qui correspond à un niveau de fiabilité satisfaisant pour démontrer leur efficacité d'un point de vue scientifique. 15% des applis ont été évaluées avec des données de santé en vie réelle, c'est-à-dire qu'on observe un groupe de patients avec cet outil mais sans comparer les résultats à ceux de patients qui n'ont pas cet outil. Enfin, 64% des applications, soit plus des deux tiers, n'ont réalisé aucune étude clinique pertinente. "Ajouté à cela, le questionnaire a révélé que les éditeurs de ces applications n'avaient souvent pas de compétences médicales ou ne comprenaient pas de board scientifique", complète le Pr Fabrice Denis, président de l’Institut national de l’e-santé et co-auteur de l'étude.

Comment toutes ces applications de santé ont-elles pu être mises sur le marché sans fournir de preuve de leur efficacité ? "Ce n'est pas du tout illégal", explique la spécialise Denise Silber, fondatrice de Basil Strategies, agence de conseil en communication spécialisée dans le numérique en santé, et co-autrice de l'étude. "Si l’application de e-santé a une finalité médicale, il est un dispositif médical (DM) et doit avoir un marquage CE. Pour l’obtenir, l'éditeur doit constituer une documentation technique présentant les preuves de la qualité et de la sécurité du dispositif. Mais, il y a plusieurs classes de marquage. Les DM de classe I n’étant pas censés présenter un risque important, le marquage se fait en auto-certification." Les conditions sont plus complexes et pointues lorsqu'il s'agit de machines d'IRM, de matériel médical ou de pacemaker. Mais pas pour les applications.

Un possible risque pour le patient

Une application défaillante n'a pas le même impact sur la santé qu'un pacemaker défaillant. Toutefois, "il y a un véritable enjeu de sécurité et de confiance", regrette le Pr Fabrice Denis. "Si les algorithmes de ces applications ne sont pas validés et que les alertes ne se déclenchent pas à temps, cela peut représenter un risque pour le malade. On parle là de toxicité d'un médicament, de complications de maladies, d'infections ou d'erreurs d'orientation."

Pourtant, 56% des prestataires ont déclaré qu'ils avaient pour objectif d'obtenir le remboursement de l'Assurance maladie. Une situation paradoxale quand on sait que deux tiers d'entre eux n'ont pas pris la peine d'évaluer scientifiquement leur produit avant de le proposer à des malades. "C'est le serpent qui se mord la queue. Produire une étude scientifique coûte de l'argent, que les start-up n'ont pas forcément au lancement de leur produit. Certaines n'ont pas encore réalisées de levées de fonds, d'où l'espoir d'être remboursées", nuance Denise Silber. Selon l'étude, seules 18 % des solutions parmi les demandeurs de remboursement ont été évaluées comme ayant "une forte probabilité de remboursement". Réalisée sur seulement 68 applications (parmi les 90.000 créées chaque année), l'étude précise que ces résultats ont des limites. Les applications évaluées étaient toutes françaises et leur recrutement via Linkedin implique un biais de sélection.

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