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Extrême droite

Les derniers fans de Pétain rejouent le sketch de la commémoration à l’île d’Yeu

Une poignée de militants d’extrême droite se sont réunis samedi à Port-Joinville pour rendre hommage à Philippe Pétain, le jour anniversaire de sa mort. La funeste opération de réhabilitation du symbole de la collaboration rassemblait nostalgiques de Vichy, antisémites et catholiques intégristes.
par Maxime Macé et Pierre Plottu
publié le 24 juillet 2022 à 14h49

C’est une cérémonie dont les habitants de l’île d’Yeu (Vendée) se passeraient bien. Chaque année, le 23 juillet, tout ce que la France compte encore de pétainistes se rend là-bas pour rendre hommage au maréchal déchu, à la date anniversaire de sa mort, et devant sa tombe située dans le petit cimetière de Port-Joinville où il a été inhumé en juillet 1951. Cette année, cette commémoration nauséabonde coïncide avec celle des 80 ans de la rafle du Vél d’Hiv, la plus grande arrestation de juifs en France lors de la Seconde Guerre mondiale (plus de 13 000 personnes dont 4 115 enfants), menée pour le compte de l’occupant allemand par la police française.

Samedi, les maréchalistes étaient représentés par les Nationalistes d’Yvan Benedetti (resucée de l’Œuvre française dissoute après le meurtre de Clément Méric) avec pour mot d’ordre «maréchal toujours là», les membres de l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain, ainsi que les nationaux-catholiques de Civitas qui ont carrément organisé «un pèlerinage» pour l’occasion. Une gerbe a été déposée sur la tombe de l’ancien dirigeant de l’Etat français (1940-1944) et artisan de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Cette même sépulture sur laquelle est inscrit «Philippe Pétain, maréchal de France», pourtant frappé d’indignité nationale à l’issue de son procès à la Libération et démis de la dignité du maréchalat.

«Pas les bienvenus à Yeu»

Ces groupuscules et associations d’extrême droite militent, entre autres, pour la réhabilitation complète de Philippe Pétain et son transfert à l’ossuaire de Douaumont où reposent les restes entremêlés de soldats français et allemands tombés lors de la bataille de Verdun en 1916. Une revendication qui n’est pas nouvelle et qui avait donné lieu en 1973 à la rocambolesque affaire du vol du cercueil de l’ancien maréchal.

Si la cérémonie, qui s’est déroulée en petit comité, n’a pas donné lieu à des troubles à l’ordre public, des opposants à cette commémoration se sont toutefois manifestés pour marquer leur désapprobation. Ainsi on pouvait lire sur des affiches, représentant un Philippe Pétain barré d’une croix, accolées aux panneaux municipaux de l’île d’Yeu : «Pétain était un salaud, ceux qui viennent le commémorer sont des FACHOS et ils ne sont pas les bienvenus à Yeu.» En 2017, l’opposition avait été plus marquée, puisque la nuit précédant la cérémonie, un conteneur de poubelles avait été incendié sur la tombe.

«Ne pas oublier ces crimes»

Ce rassemblement de nostalgiques de la collaboration intervient une semaine après des passes d’armes numériques entre députés de la majorité et de la Nupes sur fond de commémorations de la rafle du Vél’d’Hiv. «Il y a 80 ans, les collaborationnistes du régime de Vichy ont organisé la rafle du Vél’d’Hiv. Ne pas oublier ces crimes, aujourd’hui plus que jamais, avec un président de la République qui rend honneur à Pétain et 89 députés RN», twittait ainsi la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot. En effet, en 2018, Emmanuel Macron avait qualifié Pétain de «grand soldat» durant la Première Guerre mondiale, même s’il a ensuite «conduit des choix funestes». «Il y a deux Pétain, celui de la Première Guerre mondiale et celui de la Seconde Guerre mondiale», avait répondu Ludovic Mendes, député Renaissance, sur BFM TV.

Un début de réhabilitation qui ne saurait que réjouir les tenants du «travail, famille, patrie», qui usent de cette ficelle depuis plusieurs décennies pour tenter de remettre en selle la figure déshonorée du maréchal et une certaine idée de la «révolution nationale».

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