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Climat

Polémique sur les déplacements en avion du PSG : l'impact écologique démesuré des jets privés

La sortie de l'entraîneur du PSG Christophe Galtier qui a proposé que son équipe fasse ses prochains déplacements en "char à voile", plutôt qu'en avion comme elle l'a fait ce week-end pour se rendre à Nantes, a beaucoup fait réagir lundi 5 septembre 2022, en pleine polémique sur les jets privés et leur impact sur le climat. En effet, le marché de l’aviation dite "d’affaire", en plein essor ces dernières années, explose l’empreinte carbone de la minorité de la population qui en fait l’usage.  

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Le marché des jets privés est en plein essor, au détriment de l'environnement.

WOLFGANG MINICH / PICTURE ALLIANCE / DPA PICTURE-ALLIANCE AFP

"Récap du mois : 18 vols, 46 heures, 176 tonnes de CO2. C’est 17 ans d’empreinte carbone d’un Français moyen". Ce lourd bilan n’est autre que celui des trajets effectués par le jet privé de Bernard Arnault sur le seul mois de mai 2022. Il a été dévoilé sur Instagram par le compte "L’avion de Bernard". Grâce à des données publiques et connaissant sa plaque d’immatriculation, le compte s’amuse à compiler chaque mois les allers-retours de l’avion privé du directeur général de LVMH.

"Les jets privés sont 50 fois plus polluants que les trains"

Pour arriver au chiffre de 176 tonnes de CO2 pour le seul mois de mai, les internautes sont allés chercher la consommation moyenne de carburant du jet privé grâce à la fiche technique du constructeur Bombardier. On y trouve les informations suivantes : “un Bombardier Global Express (le modèle de jet privé de Bernard Arnault), consomme 3.507 kg de carburant pour 2.408 km”, soit 1,456 kg de carburant par km. Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale, 1 kg de carburant brûlé émet 3,16 kg de CO2 dans l’atmosphère.

Pour un jet privé comme le Bombardier Global Express, on arrive donc à une empreinte carbone moyenne de 4,60 kg de CO2 émis dans l’atmosphère pour chaque km de vol parcouru. Et c’est énorme. En comparaison, les voitures thermiques émettent en moyenne 176 g de CO2 par kilomètre, selon l’ADEME, soit 26 fois moins qu’un jet privé.

Sans surprise, le train reste le moyen de transport le moins polluant et de loin : "Notre rapport constate que les jets privés sont 50 fois plus polluants que les trains", indique la Fédération européenne Transport et Environnement, qui regroupe une cinquantaine d'ONG. Un constat d’autant plus accablant quand on sait, d’après l’ONG, que des liaisons ferroviaires à grande vitesse existent sur 70 à 80% des 10 itinéraires de jets privés les plus populaires.

Comparaison des émissions de CO2 des jets privés (g/personne/km) par rapport à d’autres modes de transports (avion commercial, van, train). Crédits : Transport et Environnement 

L'aviation privée de plus en plus pointée du doigt

En pleine crise climatique, alors qu’on demande aux citoyens de fournir des efforts à leur échelle pour réduire leur empreinte carbone, la pollution disproportionnée des jets privés passe mal.

Pour sa défense, l'association commerciale de l'industrie représentant les constructeurs d'avions, la GAMA, affirme dans un rapport que les émissions de CO2 du secteur ne représentent qu’une faible part des émissions de CO2 mondiales.

Selon le World Resources institute, l’aérien représente 2,1 %  des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Et l’aviation d’affaires représenterait 8% de ce trafic, selon la GAMA. Un chiffre qui peut paraître dérisoire.

Charlène Fleury, porte-parole d’Alternatiba, explique pour Sciences et Avenir qu'au-delà de ce chiffre, c’est la responsabilité morale des plus gros pollueurs vis-à-vis des citoyens qui est en réalité en jeu  : "Le problème des émissions des jets privés comme Bernard Arnault c’est qu’en émettant autant qu’un Français en 17 ans, il sape l’action collective. Comment demander à des gens comme vous et moi de changer leurs habitudes de consommation, de faire des efforts si à côté de cela il y a des gens exempts de ces efforts, qui continuent à voler et à cramer la planète comme avant." Pour la militante, la transition écologique ne sera donc pas efficace si elle n’est pas juste.

La tendance n’est pas près de s’arrêter

En Europe, les émissions de CO2 de l’aviation privée ont augmenté de 31 % entre 2005 et 2019. Isabelle Clerc, conseillère en aviation privée pour le N°1 de la location de jet privé AEROAFFAIRES, confirme cette tendance pour Sciences et Avenir"La location de jets privés connaît un rebond extraordinaire depuis deux ans, caractérisé par un niveau d’activité supérieur à celui d’avant la crise. En 2020, les compagnies aériennes ont enregistré des hausses de 15 à 20% des demandes d’aviation d’affaire. Aujourd’hui, la location de jets privés représente environ 17% des vols européens en circulation, lorsqu’elle en représentait 7% en 2019. En France, le marché est en plein essor."

aviation privée Crédit : Transport et Environnement

L’été dernier, alors que la plupart des Européens étaient cloués au sol, les vols privés ont retrouvé leur niveau d’avant la crise du Covid-19. Crédits : Transport et Environnement 

L’aviation privée affirme fournir des efforts pour limiter au maximum son impact sur le climat. "Il faut noter que depuis quelque temps, des tentatives technologiques émergent pour développer des jets plus performants, mais surtout plus durables et beaucoup moins polluants", assure Isabelle Clerc.

Une récente déclaration du secteur assure que l’aviation d’affaire s'est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050 : "Désireux de contribuer davantage aux efforts d'action climatique, la communauté mondiale de l'aviation d'affaires s'engage à atteindre des émissions nettes de carbone nulles d'ici 2050".

Les biocarburants : la solution ?

Parmi ces mesures : l’utilisation de Carburants d'aviation durables (SAF) ou biocarburants. "Par respect pour l’environnement, le marché de l’aviation adopte de plus en plus les biocarburants car ils représentent une alternative durable à l’utilisation du kérosène. Ils sont composés de matières organiques, non fossiles et généralement végétales", explique la conseillère d’AEROAFFAIRES.

Mais pour la porte-parole d’Alternatiba, ces biocarburants sont loin d’être très utilisés par l’aviation privée : "avec les moteurs d’avion qu’on a actuellement, l’incorporation des SAF ne peut se faire que dans des proportions infimes et les objectifs que se donne le secteur aérien (commercial et privé) sont systématiquement non atteints. La proportion est ridicule par rapport à ce qu’ils annoncent chaque année".

Le secteur de l’aviation privée l’admet lui-même dans un de ses rapports : pour atteindre la neutralité carbone les biocarburants et autres mesures ne suffiront pas. "Les analyses indiquent cependant que (...) les compensations, seront probablement nécessaires pour atteindre notre objectif en 2050."

La compensation : une fausse bonne idée ?

A défaut d’utiliser en masse les biocarburants, les compagnies de jets privés assurent compenser leur empreinte carbone. "Parce que l’écologie est une responsabilité, chez AEROAFFAIRES, nous nous engageons dans une démarche plus respectueuse de notre planète. Grâce à notre programme SkyCO2, 100 % des émissions de CO2 produites par chaque vol privé sont compensées en soutenant la préservation des forêts", assure Isabelle Clerc.

Mais ces bonnes intentions ne convainquent pas Charlène Fleury, pour qui la compensation est un leurre. "Les projets comme les plantations d’arbres ne suffisent pas. Quand on prend l’avion, le carbone est émis dans l'atmosphère pour une bonne centaine d’années. Alors que dans les plantations d’arbres, on n'est pas sûr que les arbres survivent. Parfois on détruit même des écosystèmes pour pouvoir faire ces plantations. Il y a également tout un problème d’accès aux terres, souvent volées ou accaparées à des populations qui n’en ont plus la jouissance. C’est un achat d’indulgence des plus riches pour continuer à polluer sans revoir son mode de vie, tout en ayant bonne conscience."

De nombreuses mesures sont proposées par des ONG comme Alternatiba pour limiter la pollution de l'aviation privée, comme supprimer un certain nombre de vols inutiles  : les vols remplaçables par le train en moins de 4h30. "C’est ce qu’avait proposé la Convention citoyenne pour le climat mais qui a été “saboté” par le gouvernement", précise Charlène Fleury. Autre proposition : taxer le kérosène "pour que l’aviation paye sa part".

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