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Un an après son adoption par le Salvador, la population boude le bitcoin

A ce jour, seulement 20% des Salvadoriens continueraient d'utiliser le portefeuille "Chivo" qui permet de payer avec la reine des cryptomonnaies.

Un an après l’adoption du bitcoin comme monnaie légale au Salvador - le 7 septembre 2021 plus exactement - c'est l’heure du bilan. A ce jour, les entreprises ont l'obligation d'accepter le bitcoin comme moyen de paiement sauf en cas de "problèmes techniques". Dans ce pays, où 65% de la population n'est pas bancarisée, le bilan en terme d'adoption reste mitigé, par exemple à l'égard du portefeuille "Chivo" lancé par le gouvernement et qui permet de payer en bitcoin.

"Le succès est au rendez-vous, puisque le nombre de personnes ayant téléchargé Chivo est supérieur à celui des personnes possédant un compte bancaire", souligne néanmoins l'analyste Marion Labouré dans une étude publié mardi par la Deutsche Bank.

En janvier, le président du Salvador Nayib Bukele Ortez a tweeté que Chivo comptait près de 4 millions d’utilisateurs (sur une population de 6,5 millions), soit plus de 60% de la population. Mais dans les faits, la réalité est tout autre selon une enquête du bureau national de recherche économique (NBRE), un organisme privé américain cité par Deutsche Bank. L'organisme a réalisé une étude auprès de 1.800 ménages salvadoriens, sur leur rapport à la reine des cryptomonnaies. Selon ce rapport, 40% de tous les téléchargements de Chivo auraient eu lieu en septembre 2021, contre "presque aucun" en 2022.

Seulement 20%

D'ailleurs, la principale source de motivation à télécharger l'application a été la prime de 30 dollars offerte par le gouvernement au lancement de l'application, bien loin d'une adoption du bitcoin pour sa philosophie donc. Par ailleurs, si la plupart des répondants expliquent avoir dépensé ce bonus, seulement 20% continueraient depuis à l'utiliser depuis. Il faut dire que l'application n'a pas une expérience utilisateur parfaite, entre des problèmes techniques et d'ursurpation d'identité rapportés par la population locale. En plus de ça, un problème de taille s'ajoute: seulement 64,6% de la population a accès à un téléphone mobile avec internet, nécessaire pour télécharger le portefeuille Chivo.

De même, le bilan du côté des entreprises est mitigé. A ce jour, seulement 20% des entreprises accepteraient le bitcoin comme moyen de paiement, principalement les grandes entreprises. "Nous constatons que seulement 11,4% des entreprises réalisent des ventes positives en bitcoins", souligne le NBRE. De même, seules 5% des ventes auraient été effectuées par le biais du portefeuille Chivo, et "tout comme la plupart des ménages utilisant Chivo préfèrent garder leur argent en espèces plutôt qu'en bitcoins, 88% des entreprises convertissent leurs bitcoins en dollars".

Les bénéfices ne dépassent "pas encore" les coûts

Si le gouvernement salvadorien se heurte donc à un problème d'adoption du côté des ménages comme des entreprises, un autre souci se fait sentir depuis plusieurs mois: la dégradation des finances du pays. En guise de cadeau d’anniversaire plutôt "malvenu", l’agence Fitch Rating a récemment dégradé la note de crédit du Salvador de CCC à CC2, rappelle Deustche Bank. En effet, malgré l'adoption du bitcoin qui voulait être une révolution culturelle, sociale et économique, les bénéfices à court terme grâce au bitcoin ne dépassent, selon les analystes de la banque, "pas encore" les coûts à court terme.

"En janvier, le FMI a estimé que les gains à court terme représentaient 0,25 % du PIB salvadorien, soutenus par le tourisme, l'augmentation de la consommation et la baisse des frais de transfert de fonds", souligne le rapport de Deutsche Bank.

Mais en parallèle, "selon les estimations du FMI, les coûts budgétaires à court terme s'élèvent à 1% du PIB pour 2021-2022", en raison notamment des difficultés connues sur le marché des cryptomonnaies, qui reste très volatil. De même, "les dettes fiscales ont également été exacerbées par les achats de bitcoins par le gouvernement, exposant son bilan à une volatilité importante", pointe le rapport.

Pauline Armandet