Le Parlement européen a adopté mardi 13 septembre la première loi au monde visant à mettre fin à la déforestation importée pour plusieurs produits comme la viande, le soja ou encore l’huile de palme. Un vote historique qui intervient au moment où un nouveau rapport alerte sur l’état de dégradation de la forêt amazonienne, la plus grande forêt tropicale humide au monde. Celle-ci se transforme peu à peu en savane avec des conséquences sur le climat, mais aussi la pluviométrie dans la région.

C’est un vote historique. Le Parlement européen a adopté mardi 13 septembre un règlement contre la déforestation importée, une première mondiale. Les entreprises européennes importatrices de viande, soja, maïs, huile de palme, café, cacao, ou encore caoutchouc devront veiller à ce que ces produits ne soient pas issus de la déforestation ou de la dégradation de forêts ou de terres boisées. Les institutions financières devront également veiller à ce que leurs activités ne contribuent pas à la déforestation. La consommation européenne est à l’origine de 16 % de la déforestation mondiale par le biais des importations, faisant de l’Union européenne le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine.
“C’est un changement majeur, qui poursuit l’agenda du Green Deal et celui de l’Europe puissance verte”, a réagi l’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement. “Enfin ! Après des années d’alerte des scientifiques et de mobilisation citoyenne, devant la multiplication des catastrophes, les députés européens viennent de voter un texte pionnier et ambitieux contre la déforestation. (…) Ils envoient un signal clair au Conseil européen qui avait affaibli le texte en juin dernier. Aux chefs d’État et de gouvernement d’entendre maintenant leur message !”, a également commenté Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France.

Plus d’un quart de la forêt amazonienne fortement dégradé


L’Amazonie est l’écosystème le plus touché. Selon de nouvelles données publiées la semaine dernière par un regroupement d’organisations environnementales amazoniennes (RAISG) et la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (Coica), la plus grande forêt tropicale humide au monde aurait atteint un point de non-retour. Ils estiment que 26% de la forêt est dans un état de déforestation ou de dégradation avancée. Les experts calculaient que le point de non-retour serait franchi entre 20 et 25 %. Dès lors, la forêt commence par endroits à se transformer en savane, un écosystème plus sec, qui capte moins de CO2 et entraîne un déficit de pluie.
Amazonie point de non retour 3
“Les gouvernements ont dit qu’ils sauveraient l’Amazonie, mais au vu de ces chiffres, force est de constater qu’ils ne tiennent pas leurs promesses”, a affirmé Gregorio Mirabal, à la tête de la Coica. “La température va augmenter de deux degrés si la déforestation se poursuit à ce rythme”, a-t-il averti. À la COP26 sur le climat de Glasgow, organisée en fin d’année dernière, plus de 100 dirigeants mondiaux ont promis de mettre fin à la déforestation d’ici 2030 alors que les forêts reculent à un rythme alarmant sur la planète.
L’objectif proposé par les organisations à l’initiative de ce nouveau rapport est de parvenir à 80 % de terres intactes ou peu dégradées d’ici 2025. Cela revient à restaurer 54 millions d’hectares de terres en trois ans, soit la superficie d’un pays comme la France… Cela suppose aussi de réduire considérablement la pression de l’industrie agricole, responsable à elle seule de 84 % de la déforestation de la forêt amazonienne, loin devant l’industrie minière (17 %) ou pétrolière (9,4%).

Les élections d’octobre : une raison d’espérer ?


Ce n’est pas la voie choisie par l’actuel président du Brésil, Jair Bolsonaro, candidat à sa réélection le mois prochain, face à l’ex-président Lula, qui avait réussi à réduire drastiquement la déforestation de 80% pendant son mandat. A contrario, depuis l’entrée en fonction du président d’extrême-droite en janvier 2019, la déforestation moyenne annuelle en Amazonie brésilienne a augmenté de 75 % par rapport à la décennie précédente.
“Jair Bolsonaro a une vision archaïque qui date des années 70 : pour amener le développement économique, il faut déforester. Il a remis en cause les données d’estimation de la déforestation, et a réduit de plus de 50 % le budget de l’agence environnementale qui avait en charge le contrôle de la déforestation. En l’espace de cinq ans, le Brésil est ainsi arrivé à battre des records de déforestation qui datent d’il y a quinze ans. On dépasse chaque année le million d’hectares déforestés“, déplore Plinio Sist, écologue au Cirad, dans une interview à Libération. Les élections brésiliennes se tiendront les 2 et 30 octobre prochains.
Concepcion Alvarez @conce1

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