Drastique et sans précédent. Les premières restrictions sont tombées au printemps, puis se sont généralisées dans le Pays de Fayence.
Aux confins du Var et des Alpes-Maritimes, un chapelet de huit villages (1), et ses 30 000 âmes, a réappris, à ses dépens, le principe de rareté de l’eau en zone méditerranéenne. Situation isolée, ou signe avant-coureur de la raréfaction de l’eau douce, alors que les scientifiques anticipent « un assèchement des sols, en toute saison », avec « une baisse de la recharge naturelle de 10 à 25 % », dès le milieu du siècle (2).
« Si on pensait que cela nous arriverait… on n’en voit pas le bout », maugrée une habitante qui hâte le pas dans les escaliers du village de Fayence. Mais l’averse orageuse d’il y a quatre jours n’a eu « aucun impact sur les sources ». Le directeur de la régie des eaux douche les espoirs : « On l’a vu sur les relevés automatiques. »
200, 150 puis 100
En Pays de Fayence, la première limitation drastique de l’usage de l’eau est tombée en mai 2022 : 200 litres par jour et par personne. Comme un couperet. Le quota fut encore baissé, en plein mois d’août, à 150 litres. Puis à 100 litres mi-octobre - toujours en vigueur. « On a calibré la distribution de l’eau au regard de ce qu’on avait. » Renversement de paradigme.
« L’eau du sous-sol est un bien commun, elle ne peut pas être accaparée par ceux qui ont les moyens de la payer ou de la capter », prévient le directeur des eaux, Éric Martel, assumant d’avoir visé « les 20 % qui consomment 80 % de l’eau disponible. Le gazon vert en plein été, ce n’est plus possible ». Cela suffira-t-il ?
« Aujourd’hui, le partage de l’eau se fait au robinet, mais c’est aussi entre collectivités que cela doit s’organiser. Nous, nous connaissons la pénurie, nous savons ce que c’est. » Sur le ton d’un prophète en son pays.
La pénurie impose une sobriété sévère, à laquelle personne n’était préparé. « On n’avait pas d’autre choix pour repousser le plus loin possible la coupure pure et simple. L’eau, c’est un service public », justifie le maire de Callian, François Cavallier, persuadé que « le système est arrivé au bout ». En prévenant : « Très clairement, ce qui nous arrive préfigure ce qui pend au nez de tout le monde, je l’ai dit au préfet du Var. » Ce « tout le monde » brasse large. En contrebas du Pays de Fayence, le lac de Saint-Cassien est « historiquement bas », mais encore en eau. « Qui a droit à quelle eau ?, interroge François Cavallier. Il faut réactualiser le partage en vigueur. »
Fuites sur le réseau
En plus de la production hydroélectrique par EDF, le lac alimente en eau potable l’est-Var et participe à l’approvisionnement de l’ouest des Alpes-Maritimes. Le projet du Pays de Fayence est de pouvoir se connecter, lui aussi, à cette réserve.
Dans ce contexte, une voix s’alarme de ce qui est laissé à la biodiversité. S’inquiète aussi d’une « eau qui se réchauffe » et d’une apparente mortalité de coquillages d’eau douce dans le lac.
Guide naturaliste, Marjorie Ughetto martèle que « l’eau doit être partagée, pas seulement entre les humains, mais aussi avec le vivant qui fonde notre écosystème ».
Cet été, un débit réservé a continué de couler dans les rivières, « c’est très bien ». Mais l’usage dispendieux de l’eau va-t-il cesser ?
D’autres pointent justement la vétusté des réseaux, comme celui du village de Seillans, dont près de la moitié de l’eau (55 %) fuyait en pure perte. Le rendement a gagné 10 % cet été, assure la régie, admettant de gros efforts à venir.
Le 15 novembre prochain, on saura si l’arrêté sécheresse du préfet (niveau crise) est prolongé. On ne tournera son robinet que s’il se met à pleuvoir.
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