Quelque 700 personnes vivent dans le campement de Loon-Plage, près de Grande-Synthe, dans des conditions sanitaires désastreuses. Crédit : Médecins du monde.
Quelque 700 personnes vivent dans le campement de Loon-Plage, près de Grande-Synthe, dans des conditions sanitaires désastreuses. Crédit : Médecins du monde.

Quelque 700 personnes vivent dans le camp de Loon-Plage, près de Grande-Synthe, sans accès à l'eau potable et dans des conditions d'hygiène désastreuses. Médecins du monde alerte sur une crise humanitaire et des pathologies "liées aux conditions de vie des exilés". Depuis des mois, l'ONG médicale et des associations réclament un accès à l'eau dans le camp mais essuient des refus des autorités. InfoMigrants s'est entretenu avec Diane Léon, coordinatrice du programme Littoral de Médecins du monde (MDM).

InfoMigrants : Vous dénoncez une absence d'accès à l'eau au camp de migrants de Loon-Plage qui a des conséquences sur la santé des exilés. Quelles sont-elles ? Que voyez-vous lors de vos consultations ?

Diane Léon, coordinatrice du programme Littoral de l'ONG Médecins du monde (MDM) : Plus de 90 % de nos prises en charge sur le campement sont liées aux conditions de survie des personnes de façon générale. Et aujourd'hui, elles sont de plus en plus liées à l'absence d'eau potable et d'accès à l'hygiène. On voit une augmentation des pathologies dermatologiques.

On a eu une augmentation de ces pathologies de 36 % en août et de 59 % en septembre, avec une recrudescence de pathologies comme la gale, qui représentait, en octobre, 40 % de nos consultations. Par exemple, lundi 7 novembre, on a vu 18 personnes en consultations et, sur ces 18 consultations, 11 étaient pour des cas de gale. C'est énorme.

On voit également des gales qui sont infectées par manque de prise en charge. Pourtant, c'est une maladie qui n'est pas si compliquée. Au delà du traitement en lui-même, c'est une maladie qui se soigne par un accès à de l'hygiène, c'est-à-dire en pouvant changer de vêtements, de sac de couchage etc. Si on ne change pas tout ça, c'est un cycle sans fin puisqu'on se réinfecte.

Quelles autres pathologies observez-vous ?

On voit également des plaies infectées et surinfectées. On peut désinfecter une plaie et faire un pansement bien propre mais à partir du moment où la personne retourne vivre dans des conditions indignes et sans possibilité de se laver, ça ne peut pas se régler.

On a aussi des problèmes liés au fait de ne pas avoir de toilettes. On a eu cet été une augmentation des problèmes urinaires, notamment chez les femmes qui se restreignaient dans leur consommation d'eau pour ne pas à avoir à aller aux toilettes.

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Ce qui est très frustrant, c'est que toutes ces pathologies sont uniquement liées aux conditions de survie des personnes. Des solutions pourraient être apportées de manière assez simple mais il y a vraiment un manque de volonté politique.

Il n'y a pas de robinet dans le camp donc l'eau est amenée uniquement par les associations, notamment l'association Roots. Nous, on amène aussi des jerricans d'eau et une citerne de façon ponctuelle. Mais boire de l'eau d'un jerrican ou d'une citerne, ce n'est pas pareil qu'un robinet. Les personnes ont parfois des craintes que l'eau ne soit pas potable.

Cet été il y a quand même un jeune homme qui est décédé juste à côté du campement alors qu'il essayait de se laver dans le canal tout proche. L'absence d'eau a des conséquences très concrètes sur la santé des personnes mais aussi sur leur vie.

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Pour quelles raisons les autorités refusent-elles d'installer un accès à l'eau potable sur le camp de Loon-Plage ?

On a échangé avec la communauté urbaine de Dunkerque, dont c'est la responsabilité de nous permettre un accès à l'eau normalement, avec la sous-préfecture et la préfecture. Leur argument c'est de dire que cela créerait un appel d'air. C'est incompréhensible et c'est nier la situation. Aujourd'hui, 700 personnes vivent sur le campement dans une situation indigne avec un non-respect de leurs besoins vitaux. C'est un état de fait.

Des blocs de ciment ont été installés à proximité du campement. Ils empêchent les associations d'apporter de l'assistance aux habitants du campement. Crédit : Médecins du monde
Des blocs de ciment ont été installés à proximité du campement. Ils empêchent les associations d'apporter de l'assistance aux habitants du campement. Crédit : Médecins du monde


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Des solutions techniques pourraient être mises en place rapidement. La communauté urbaine de Dunkerque nous dit être favorable à l'installation d'un point d'eau et avoir les compétences techniques pour le faire mais rencontrer un refus catégorique des autorités préfectorales. Ça, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas entendre en tant que soignants. Ce n'est vraiment pas acceptable.

L'État nous dit qu'il ne veut pas que les personnes rejoignent le Royaume-Uni, mais sans accueil digne, on ne peut pas avancer.

Est-ce que ces conditions de vie ont un impact sur l'état de santé mentale des personnes ?

Oui, les évacuations à répétition et le harcèlement policier ont des effets néfastes sur la santé psychique des personnes. Des tentatives de passage qui ne fonctionnent pas peuvent aussi générer des traumatismes. Et voir leur état de santé se dégrader comme ça, c'est aussi très choquant. L'une des photos que nous avons publiées récemment (voir tweet plus haut), ce sont les mains d'un mineur afghan de 17 ans. C'est choquant de subir ça à cet âge-là.

Il y a aussi des personnes qui vont avoir des troubles du sommeil, des douleurs qui vont être une expression physique d'une souffrance psychique.

Pour tenter de leur venir en aide, on leur propose des activités comme de l'art-thérapie une fois par semaine et des activités psycho-sociales qui sont des moments où les personnes peuvent exprimer, ou non, des choses en groupe.

La clinique mobile de Médecins du monde est présente sur le campement de Loon-Plage tous les lundis après-midi.

Des maraudes sont également organisées les lundi et vendredi après-midi, sur le campement et aux alentours.

 

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