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Allemagne : un prince, un ancien colonel, une ex-députée… Le profil du réseau terroriste d’extrême droite démantelé

La justice et la presse ont identifié certaines des 25 personnes arrêtées, mercredi. Une cellule « mue par des fantasmes de renversement violent et des idéologies conspirationnistes ».

Le Monde avec AFP

Publié le 07 décembre 2022 à 10h14, modifié le 08 décembre 2022 à 10h13

Temps de Lecture 4 min.

A Francfort, la police sécurise une zone après l’arrestation de vingt-cinq militants d’un groupuscule d’extrême droite, le 7 décembre 2022.

La justice allemande a annoncé, mercredi 7 décembre, avoir déjoué des projets d’attentats d’un groupuscule d’extrême droite et complotiste qui voulait s’en prendre aux institutions démocratiques du pays et notamment au Parlement.

Une vaste opération de la police allemande a conduit à l’arrestation dans tout le pays de vingt-cinq personnes appartenant à la mouvance des « citoyens du Reich » (Reichsbürger) en Allemagne ainsi qu’en Autriche et en Italie. L’enquête vise au total 52 personnes.

Ces personnes sont notamment soupçonnées « d’avoir fait des préparatifs concrets pour pénétrer violemment dans le Bundestag allemand avec un petit groupe armé », ont déclaré les procureurs dans un communiqué. « Nous soupçonnons qu’une attaque armée contre les organes constitutionnels était prévue », a commenté le ministre de la justice, Marco Buschmann, dans un message sur Twitter évoquant « une large opération antiterroriste ». Les investigations en cours lèvent le voile sur « l’abîme d’une menace terroriste », a commenté la ministre allemande de l’intérieur, Nancy Faeser. La cellule démantelée était « mue par des fantasmes de renversement violent et des idéologies conspirationnistes », a-t-elle ajouté.

Un prince, une citoyenne russe et une ancienne députée arrêtés

Au cœur de cette conspiration criminelle, selon la presse et le parquet : un descendant de la noblesse allemande, d’anciens militaires, une ressortissante russe et une ancienne députée d’extrême droite. La justice, conformément à la politique de confidentialité allemande, cite les meneurs présumés par leurs initiales : « Henri XIII P. R. » et « Rüdiger V. P. ».

Le premier, identifié par la presse allemande comme le prince Reuss, descendant d’une lignée de souverains du Land de Thuringe, est un entrepreneur septuagénaire, avec qui une partie de sa famille a pris ses distances. Arrêté à Francfort, il possédait également un château près de Bad Lobenstein, dans le centre du pays, qui a été perquisitionné.

Le 7 décembre 2022, les forces spéciales allemandes ont arrêté Henri XIII après la perquisition de son domicile à Francfort.

Le second est, selon les médias, un ex-lieutenant-colonel de la Bundeswehr. Commandant d’un bataillon de parachutistes pendant les années 1990 et fondateur d’un commando d’unité des forces spéciales (KSK), il a dû quitter l’armée allemande à la fin des années 1990 après avoir enfreint la loi sur les armes.

Le communiqué mentionne également une citoyenne russe « Vitalia B. », identifiée par la presse allemande comme la compagne de Henri XIII. Elle a, selon les procureurs, servi d’intermédiaire pour tenter de prendre contact avec les autorités russes en vue d’un éventuel soutien. Toutefois, l’ambassade russe à Berlin, citée par les agences de presse d’Etat RIA Novosti et Tass, a démenti tout lien avec des organisations « terroristes » ou « illégales » en Allemagne.

Enfin, une certaine « Birgit M.-W. » a également été arrêtée. Il s’agirait d’après la presse allemande de Birgit Malsack-Winkemann, juge et ancienne députée du parti d’extrême droite AFD qui siégeait au Bundestag entre 2017 et 2021.

Le projet : « Surmonter l’ordre étatique et le remplacer par une forme d’Etat propre »

Quelque 3 000 membres des forces de l’ordre ont été mobilisés à travers l’Allemagne et plus de 130 perquisitions ont été menées. Outre les vingt-cinq arrestations, vingt-sept autres personnes sont visées par l’enquête et soupçonnées d’appartenance à la cellule criminelle, selon le parquet. « La poursuite de l’enquête permettra de déterminer s’il y a des éléments constitutifs du crime de préparation d’une entreprise de haute trahison contre l’Etat », ajoutent les procureurs.

Fondée « au plus tard fin 2021 », la cellule a « pour objectif de surmonter l’ordre étatique existant en Allemagne et de le remplacer par une forme d’Etat propre », un projet ne pouvant être réalisé « que par l’utilisation de moyens militaires et de la violence contre les représentants de l’Etat », selon le communiqué du parquet de Karlsruhe, chargé des affaires concernant la sécurité de l’Etat. Le groupe est aussi connu pour des opérations d’intimidations contre des médecins pratiquant la vaccination.

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Ses membres sont « unis par un profond rejet des institutions de l’Etat et de l’ordre fondamental libéral et démocratique de la République fédérale d’Allemagne, qui a fait grandir chez eux, au fil du temps, la décision de participer à leur élimination par la violence et de se lancer dans des actes préparatoires concrets à cet effet », décryptent les procureurs.

La cellule « s’était dotée d’un conseil avec des personnes déjà désignées pour certains portefeuilles ministériels (...) et d’un bras militaire avec une nouvelle armée allemande », a décrit le procureur antiterroriste Peter Frank, au cours d’un point presse à Karlsruhe. Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, s’est dit « profondément inquiet » face à ce complot, estimant qu’un « nouveau niveau » avait été atteint.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’AfD, parti d’extrême droite, en recul en Allemagne

L’influence du groupe conspirationniste QAnon

Les autorités allemandes ont classé ces dernières années la violence d’extrême droite au premier rang des menaces à l’ordre public, avant le risque djihadiste. Au printemps, les autorités allemandes avaient démantelé un groupuscule d’extrême droite soupçonné d’avoir projeté des attentats dans le pays en plus de l’enlèvement du ministre de la santé, qui était à l’origine des mesures de restriction anti-Covid.

Le 7 décembre, à Berlin, des policiers fouillent une voiture dans le cadre de perquisitions menées contre une cellule armée d’extrême droite.

Sont notamment ciblés les Reichsbürger (« les citoyens du Reich ») qui ont pour point commun de rejeter l’ordre étatique. Ils ne reconnaissent pas ses institutions, n’obéissent pas à la police, ne paient pas d’impôts ou réinventent les plaques d’immatriculation de leurs véhicules.

Sur les quelque 20 000 militants estimés de ce mouvement en Allemagne, une frange s’est radicalisée. Elle comprend des négationnistes et le recours à l’action violente. Dans le cas du groupe démantelé, les membres se réfèrent également aux théories de la mouvance QAnon, un groupe conspirationniste d’extrême droite venu des Etats-Unis, selon le parquet.

« Ils sont fermement convaincus que l’Allemagne est actuellement dirigée par des membres d’un soi-disant Etat profond » et que « l’intervention imminente de l’Alliance, une société secrète techniquement supérieure regroupant des gouvernements, des services de renseignement et des militaires de différents pays, dont la Fédération de Russie et les Etats-Unis d’Amérique, amènera la libération ».

Dans son projet de supprimer l’ordre démocratique, ce réseau est « conscient qu’il y aura aussi des morts », « une étape intermédiaire jugée nécessaire » pour atteindre le « changement de système ». La justice dit avoir identifié une organisation très structurée et hiérarchisée composée d’un « organe central », d’un « bras militaire » et de commissions « justice », « affaires étrangères » ou « santé ». D’anciens militaires comptent parmi les protagonistes.

Très récemment, en octobre, des membres du « bras militaire » ont repéré des casernes de la Bundeswehr, l’armée allemande, afin d’évaluer leur capacité à accueillir leurs propres troupes après leur « coup d’Etat ».

Le Monde avec AFP

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