Charles Compagnon, chef du groupe d’opposition « Libres d’agir pour Rennes » (droite et centre) a interpellé ce lundi la majorité, lors du conseil municipal, au sujet des emprunts que la Ville a contractés auprès de la Nouvelle économie fraternelle (Nef).
Cette « banque solidaire » est citée dans un rapport de la Miviludes, publié en décembre, pour ses liens historiques avec l’anthroposophie, un mouvement qui mêle religions traditionnelles et pseudosciences.
Charles Compagnon a regretté le choix d’une « structure bancaire militante à la santé fragile » qui occasionnerait « une dépense supplémentaire de 175 000 euros » par rapport à d’autres banques. Surtout, il s’étonne « fortement » « qu’une ville comme Rennes qui met en avant la laïcité comme une de ses valeurs principales emprunte à une structure qui flirte avec ce type d’organisme ou du moins qui en finance les écoles ».
Critères éthiques
Fin 2020, soit deux ans avant la sortie du rapport polémique, la Ville a contracté un emprunt de 4 millions d’euros auprès de la Nef. Cet emprunt représente 1,29 % de l’encours total de la dette pour la Ville de Rennes.
Un choix la collectivité a alors justifié par des critères éthiques. La Nef prête volontiers à des entreprises écologiques et solidaires, publie chaque année la liste de ses financements, et se tient à l’écart des paradis fiscaux.
Face aux critiques, Nadège Noisette, adjointe déléguée aux Finances et à l‘administration générale, a tenu à préciser : « C’est un certain nombre de grandes banques qui attaquent une toute petite banque. » « Un de nos critères de choix est que c’est une banque qui ne finance pas les énergie fossiles, contrairement à d’autres. On lui reproche sa transparence ! La somme qu’on a pu emprunter à la Nef sont quand même négligeables. » Interrogée début janvier par le Mensuel de Rennes sur ce sujet, la collectivité a expliqué qu’elle n’allait pas recourir de nouveau à la Nef. Pour des raisons qui seraient sans rapport avec ces soupçons, mais purement légales : l’encours maximum de la Nef auprès d’une même collectivité est de 5 millions d’euros.
« Influence prépondérante »
La polémique a germé fin 2022, quand la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a mentionné dans son rapport annuel que la Nef était soumise à « l’influence prépondérante » de la Société anthroposophique universelle. Un groupe qui promeut la doctrine de l’occultiste autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), cofondateur des cosmétiques Weleda.
La Nef a effectivement été fondée en 1979 par des adeptes de l’anthroposophie. Elle affirme aujourd’hui que ces racines se sont diluées dans la diversité des 41 700 sociétaires qu’elle revendique.
La coopérative a déjà soutenu des projets en lien avec les principes de l’anthroposophie, comme des écoles privées dont l’enseignement est irrigué par les préceptes du fondateur autrichien. Tout comme le font « d’autres banques qui ne publient pas la liste de leurs financements », rétorque la Nef dans un communiqué publié sur son site, et qui fait office de ligne de défense. La banque y explique qu’elle « reste bien sûr attentive aux risques de dérives sectaires identifiés par rapport aux écoles Steiner-Waldorf, qui restent néanmoins à ce jour reconnues et autorisées par l’État ».
Lisez l’intégralité de notre enquête sur ce sujet dans le numéro de février du Mensuel de Rennes, en kiosque vendredi 3 février.