Rapatriement des enfants de djihadistes : « Chaque jour passé dans un camp syrien est de trop » rappelle une responsable d’Amnesty international

Rapatriement des enfants de djihadistes : « Chaque jour passé dans un camp syrien est de trop » rappelle une responsable d’Amnesty international

La France a procédé, le 24 janvier, à une nouvelle opération de rapatriement de femmes et d’enfants détenus dans les camps de prisonniers djihadistes en Syrie. Ce nouveau rapatriement collectif, 32 femmes et 15 enfants, semble confirmer la rupture de la politique du « cas par cas » qu’opérait le Quai d’Orsay depuis 2019.
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Pour Tchérina Jerolon, responsable du programme Conflits, Migrations, Justice auprès d’Amnesty international, ce rapatriement est une bonne nouvelle qui va dans le sens des familles, des associations et des instances européennes et onusiennes, « Ce qu’on demande à l’Etat, c’est de poursuivre ces efforts. »

« Avec son refus de rapatriement, la France s’était isolée »

Pour mémoire, à la chute de Daech en 2019, la France avait fait le choix de ne pas rapatrier ses ressortissants prisonniers des camps syriens, alors même que plusieurs de ses voisins européens entamaient des procédures de retours.

Mais après plusieurs condamnations internationales, la position française était difficilement tenable. Le 16 janvier dernier, le Comité contre la torture de l’ONU a condamné la France pour son refus de rapatrier des familles de Syrie, s’ajoutant aux deux condamnations de 2022 par le Comité des droits de l’enfant, puis par la Cour européenne des droits de l’Homme. « Cela fait plusieurs mois qu’on alerte la France de la nécessité de rapatrier ces enfants », rappelle la responsable d’Amnesty, « Avec son refus de rapatriement, la France s’était isolée, tant sur le plan européen, alors que des pays comme la Belgique, la Suède ou encore le Danemark procédaient à ces rapatriements ; qu’au regard des instances européennes et internationales qui ont condamné la position française à plusieurs reprises. »

Détention des enfants en Syrie : « Ces enfants sont livrés à la misère »

Ce rapatriement semble confirmer la volonté de la France de se mettre en conformité avec les instances internationales, et notamment l’ONU qui l’a une nouvelle fois commandée le 16 janvier dernier. « En l’espèce, le Comité onusien contre la torture a condamné la France car il estime qu’elle a parfaitement connaissance des conditions de détention délétères dans lesquelles les enfants des camps syriens évoluent. Il n’y a pas d’accès à la nourriture, à l’eau potable, aux soins de santé, à l’éducation. Ces enfants sont livrés à la misère. Ils vivent dans un environnement d’insécurité général et permanent. Cela impacte sur leur croissance et sur leur construction en tant qu’individu. Il s’agit en ce sens bien d’une privation arbitraire de liberté dans des conditions inhumaines » explique Tchérina Jerolon « Toutes les condamnations de la France vont dans la même direction : les enfants des camps syriens sont en proie à une forme de misère qui met en péril leur avenir et leur capacité à se défaire de traumatismes de la guerre. Chaque jour passé dans un camp syrien est de trop. Pour nous c’est le sens de ces décisions : la France doit s’y conformer. »

« On estime qu’il y a encore une centaine d’enfants et une cinquantaine de mères dans les camps »

Le 5 octobre 2022, 15 jours après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme, Éric Dupond-Moretti était auditionné au Sénat. Le ministre de la Justice avait défendu une position « parfaitement équilibrée » de la France indiquant que 225 enfants de djihadistes avaient déjà été rapatriés. En juillet 2022, une première opération de retour massif avait été menée, faisant revenir 16 femmes et 35 mineurs sur le territoire français. En octobre 2022, 15 femmes et 40 enfants ont été de nouveau rapatriés, peu de temps après la condamnation de la France par la CEDH. « Cette nouvelle décision de rapatriement par la France va dans le bon sens. Mais l’Etat doit continuer ses rapatriements dans les meilleurs délais considérant l’insalubrité et la violence auxquelles les enfants sont exposés. Ce qui doit primer dans toute procédure de rapatriement, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant et la protection de ses droits » précise Tchérina Jerolon « A ce jour, on estime qu’il y a encore une centaine d’enfants et une cinquantaine de mères dans les camps du nord de la Syrie. »

 

 

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