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La « misogynoire », une discrimination méconnue qui touche les femmes noires

Angry mad african businesswoman feeling crazy furious outraged hates not working stuck laptop online problem, stressed annoyed black woman frustrated about computer failure or data loss at work; Shutterstock ID 1316614250

Des Canadiennes issues des communautés afro-descendantes dénoncent la « misogynoire ».

Photo : shutterstock / fizkes / fizkes

La «  misogynoire  » est une double discrimination, à la fois sexiste et raciste, vécue uniquement par les femmes noires. Peu connu, ce terme a été créé en 2008 par l’universitaire américaine Moya Bailey qui, à l'époque, était une étudiante. Des Canadiennes afro-descendantes dénoncent cette forme de discrimination.

Moya Bailey porte une paire de lunettes. Elle a une écharpe nouée au cou et porte un chandail sombre.

Moya Bailey est professeure associée à l'Université Northwestern, aux États-Unis.

Photo : Mathew Modono

Ayana O’Shun est une réalisatrice, productrice et scénariste. Son documentaire intitulé Le mythe de la femme noire dénonce des stéréotypes qui existent au sujet de la femme noire. Je ne pensais pas que la misogynoire allait prendre autant de place dans le film, explique-t-elle.

Parmi ces clichés reliés à la « misogynoire », elle nomme l’hypersexualisation de la femme noire, qu’on peut voir dans l’industrie du rap, par exemple.

Le Mois de l'histoire des Noirs 2023

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Le mois de l'histoire des noirs.

Son film dénonce également le stéréotype de la femme noire en colère et agressive. La cinéaste note que, dans le contexte américain, la femme noire est présentée comme étant de mauvaise humeur. Il y a aussi la femme noire nounou, celle qui est toujours dans une position de servitude.

Portrait d'Agnès Berthelot-Raffard parlant dans un micro.

Agnès Berthelot-Raffard a aussi participé au documentaire « Le mythe de la femme noire », réalisé par Ayana O'Shun.

Photo : Nelly Abelha

Même son de cloche du côté d’Agnès Berthelot-Raffard, professeure adjointe à la Faculté de la santé de l’Université York. Elle ajoute des clichés tels que la femme noire vue comme une assistée sociale, la welfare queen qui éduque mal ses enfants.

Le terme « misogynoire » est utilisé sur les réseaux sociaux et par des militants antiracistes, mais il n’apparaît pas encore dans les dictionnaires.

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La professeure Berthelot-Raffard explique que la « misogynoire » remonte à l’époque coloniale et esclavagiste. Selon l’experte, les femmes noires sont placées au bas de l’échelle de cette société blantriarcale de l'époque. De plus, elles sont victimes d’une exploitation dont certains mécanismes perdurent de nos jours.

À l’origine de la [théorie de la] construction des races [...], il y a une société hiérarchisée qui a décidé qui étaient les contractants qui pouvaient participer à cette société. Ceux qui n’avaient pas cette possibilité sont ceux qui étaient exploités.

Une citation de Agnès Berthelot-Raffard, professeure adjointe à la Faculté de la santé de l’Université York

Des hommes noirs aussi font preuve de « misogynoire »

Mme Berthelot-Raffard affirme que la femme noire peut aussi vivre la « misogynoire » au sein de sa propre communauté. La misogynoire est aussi le fruit des hommes noirs contre les femmes noires, dit-elle.

Photo d'Anastasia Marcelin.

Anastasia Marcelin affirme avoir réduit ses activités en tant que militante antiraciste parce qu'elle est lassée de subir des attaques répétées de « misogynoire ».

Photo : Anastasia Marcelin

Même réaction du côté d’Anastasia Marcelin, entrepreneure montréalaise d'origine haïtienne. Cette femme d’affaires raconte avoir souvent été victime de « misogynoire » au sein de la communauté afro-descendante. Il ne faut pas voir le racisme seulement. Il y a beaucoup de colorisme dans la misogynoire, dit-elle. Tu ne rentres pas dans le code des Noirs et des Blancs, ajoute-t-elle.

"Va te coiffer!" La phrase parfaite qu’on me dit souvent sur les réseaux sociaux quand je décide de porter mon afro [...]. Mes cheveux crépus font partie de mon identité. 

Une citation de Anastasia Marcelin, entrepreneure

Mme Marcelin ajoute que pour elle, les remarques teintées de « misogynoire » véhiculées par des hommes afro-descendants sont celles qui la heurtent davantage. Ça peut te détruire parce que, pour moi, eux sont censés te protéger.

Impact de la « misogynoire » dans le domaine de la santé

Mme Marcelin explique que les assauts répétés de « misogynoire » l’ont à un certain moment poussée au repli sur sa personne. J’ai dû aller voir un psy [...]. Je ne parle quasiment plus du racisme tandis que c’est une cause qui me tient à cœur, dit-elle.

Selon la professeure Agnès Berthelot-Raffard, la « misogynoire » a un impact négatif dans le domaine médical pour les femmes noires. Concrètement, on va considérer que les femmes noires peuvent davantage supporter la douleur [comparativement aux autres femmes], illustre l’experte.

On va nier les besoins des femmes noires. Par exemple, on sait qu’il y a une prévalence du fibrome [des tumeurs bénignes] chez les femmes noires, mais on ne fait pas de recherche pour améliorer cette situation.

Une citation de Agnès Berthelot-Raffard, professeure adjointe à la Faculté de la santé de l’Université York

Selon la professeure, la « misogynoire » peut avoir des conséquences sur la santé mentale. Ça peut provoquer des arrêts de travail, entre autres, dit-elle.

Un avis que partage la militante montréalaise, Marlihan Lopez, coordonnatrice à l'institut Simone de Beauvoir. Elle déplore que durant la pandémie, le travail des femmes noires ait été occulté dans le milieu de la santé. À certains moments, on peut être hyper visible. À d’autres moments, on peut être invisible, ajoute-t-elle.

On a beaucoup invisibilisé le fait que la majeure partie du travail de première ligne, dans le contexte de la pandémie, a été fait par les femmes noires.

Une citation de Marlihan Lopez, coordonnatrice à l'institut Simone de Beauvoir

Comment éliminer la « misogynoire »?

La meilleure façon d'enrayer la « misogynoire » serait d'assurer une meilleure représentation des femmes noires dans les médias et l'industrie du divertissement.

Quand vous voyez une autre narration, ça permet aussi d'éradiquer les préjugés [inconscients] des gens, croit Mme Berthelot-Raffard.

Même son de cloche du côté de la militante féministe Marlihan Lopez. Il est important d'avoir des représentations plurielles sur les vécus et les expériences des femmes noires parce qu'on n'est pas un monolithe, revendique-t-elle.

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