L’étymologie du mot “travail” divise les spécialistes et il y a tout un débat pour savoir s’il vient de tripalium, un instrument de torture, de trabs, la poutre qui entrave, ou du préfixe tra, qui suggère une idée de mouvement. Trois conceptions bien différentes de ce que serait le travail. Dans le débat français sur les retraites, tripalium l’emporte, et de loin. Le travail ne serait que souffrance.

Le ministre [du Travail, Olivier Dussopt], qui défend la réforme, s’est même vu traiter d’assassin au Parlement et un historien résumait ainsi l’enjeu sur une chaîne de télévision :

“Ça veut dire, pour des millions d’hommes et de femmes salariés de ce pays, deux ans de plus livrés à l’exploitation capitaliste…”

Le progrès social serait donc de travailler moins, ce que réalisa avec superbe François Mitterrand en 1983, en faisant passer la retraite de 65 à 60 ans, sans trop s’encombrer de détails comme la durabilité du système ou la question de l’allongement de l’espérance de vie. Toute atteinte à cet acquis, comme les 62 ans de Sarkozy en 2010 ou les 64 ans du gouvernement actuel, serait donc une régression.

Impasse idéologique

Mais d’où vient que la France est à la fois le pays, en comparaison internationale, où on travaille le moins et celui où on se plaint le plus des conditions de travail ?

Travailler moins ne rend pas heureux, ce n’est pas la clé du progrès social. La revalorisation des bas salaires, le respect des travailleurs âgés, la qualité du dialogue social, voilà trois domaines où la France, pour parler franc, ne fait pas figure de modèle. Mais pour mener ces combats, il faut sortir de l’impasse idéologique dans laquelle une partie de la gauche s’est fourvoyée et qui ne voit dans le travail qu’un instrument d’aliénation. Non, quand il est exercé dignement, le travail est libérateur.