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À Bondues, ici Auschwitz-Birkenau, par Ginette Kolinka

La rescapée d’Auschwitz-Birkenau a longuement témoigné de sa vie durant la guerre et de sa déportation dans le camp de la mort. En prenant à partie les élèves de la Croix-Blanche de Bondues et en nourrissant un riche échange avec eux. La réalité crue…

Temps de lecture: 4 min

Poussée dans son fauteuil roulant par Alexandre Prum, enseignant de la Croix-Blanche, Ginette Kolinka est parée de couleurs vives. Cheveux soigneusement coupés, boucles d’oreille, bracelets, pendentif… Un rien de maquillage. La dame de 98 ans prend soin de son allure. Fouille dans ses affaires. Nature. Le prof la fait applaudir. « Les applaudissements, je les accepte pour ceux qui n’ont pas eu ma chance ou qui ne peuvent plus venir témoigner », dit-elle d’une voix ferme.

Juifs et communistes. L’étoile jaune et la carte d’identité « avec un tampon marqué juif », Ginette Kolinka les arbore sans honte. Mais les juifs n’ont plus le droit d’exercer un métier en contact avec un non juif. « Mes sœurs faisaient les marchés, mon père fabriquait des imperméables. » Ils se retrouvent chômeurs. Ginette a 14 ans, elle se balade avec ses sœurs, elle est contente jusqu’en 1942. La famille Cherkasky est dénoncée parce que communiste.

Arrêtés et déportés

Chaude alerte. La famille choisit de franchir la ligne de démarcation en quatre groupes. Ginette se trouve avec sa demi-sœur. À Angoulême, contrôle d’identité. Les sœurs ont des faux papiers. Mais l’adolescente a gardé la carte d’un centre sportif. « On va déchirer cette carte, l’avaler. La dame devant nous a une petite bouteille de gnôle, elle nous la passe, on avale la boule de papier. Les soldats nous disent qu’on est juives : sous l’effet de l’alcool on ricane bêtement, on nous met en prison, on est tellement détendues qu’on nous relâche. »

Les élèves ont été très attentifs et ont largement participé aux échanges. PHOTO BAZIZ CHIBANE
Les élèves ont été très attentifs et ont largement participé aux échanges. PHOTO BAZIZ CHIBANE

En zone libre. La famille de six filles et un garçon loue l’étage d’une maison près d’Avignon. Elle se débrouille, jusqu’au 13 mars 1944. « C’est une journée printanière, se souvient Ginette. Je rentre à la maison, j’ouvre la porte, et il y a trois messieurs qui sont là. Sur la gauche, deux ont un manteau de cuir, un chapeau de cuir, c’est la Gestapo… Ils emmènent papa, Gilbert et mon neveu Jojo dans la cuisine, pour vérifier qu’ils étaient circoncis. Ils nous embarquent dans leurs Traction Avant. » Après les Baumettes, c’est Drancy, fin mars.

Auschwitz-Birkenau

Le convoi. Il part le 13 avril 1944. « Pour où ? on ne sait pas… On est dans l’obscurité, dans notre wagon… Le train ne s’arrête pas, et la nature est là. Dans son pantalon, mon père a glissé deux couvertures. » Elles dissimulent les besoins naturels. « Le train s’arrête et ça, je ne l’oublierai jamais. J’entends qu’il va falloir marcher et je dis "Papa, Gilbert, prenez le camion". Ils m’ont écoutée. J’ai su après que je les avais envoyés à la mort. »

PHOTO BAZIZ CHIBANE
PHOTO BAZIZ CHIBANE

Le camp. « Quand la kapo nous réveille, il faut tout de suite sortir. On dort sur nos chaussures, sur nos affaires. Le premier appel est à 3 h 30. Même les mortes et les malades doivent y être. » Ginette est travailleuse de force. Avec une autre, elle doit charger une brouette de pierres et courir. « On n’a pas pu la soulever… On était détendues. Ça n’a pas plu à la kapo. Elle nous a parlé en allemand. L’autre lui a dit de parler français. Elle lui a mis une paire de gifles tellement forte qu’elle est tombée par terre. Elle l’a battue à coups de pied et nous a fait courir avec la brouette toute la journée. »

Maman. En novembre 1944, Ginette Kolinka est transférée dans une usine près de Leipzig. Et libérée en Tchécoslovaquie. À Lyon, quelqu’un la reconnaît et l’aiguille vers Paris. « Je reconnais la rue… Ma mère ouvre la porte. Je ne pense pas avoir pleuré. Je dis à maman, de façon brutale, que papa et Gilbert ont été gazés et brûlés. Plus tard, mon fils dans les bras, je réalise que ça a été dur pour ma mère. »

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