Accéder au contenu principal

Syrie : après la mort d’un bébé, un stock d’aide attaqué par les déplacés du séisme

Une vidéo filmée le 24 février 2023 par notre Observateur montre des personnes déplacées dans un camp, fraîchement installé dans le nord-ouest de la Syrie, prendre d'assaut un entrepôt d’aide humanitaire après la mort soudaine d’un bébé. “Mort de froid faute d'assistance humanitaire” dit l’un de ses parents, une affirmation rejetée en bloc par le personnel de santé présent sur place.

Un bébé âgé de 7 mois est mort pendant la nuit du 23 au 24 février 2023 à Azaz dans le nord-ouest de la Syrie, alors qu’il était endormi dans une tente de fortune installée par la suite du séisme du 6 février 2023, le pire tremblement de terre dans la région depuis un siècle.
Un bébé âgé de 7 mois est mort pendant la nuit du 23 au 24 février 2023 à Azaz dans le nord-ouest de la Syrie, alors qu’il était endormi dans une tente de fortune installée par la suite du séisme du 6 février 2023, le pire tremblement de terre dans la région depuis un siècle. © Les Observateurs de France 24
Publicité

Notre Observateur à Azaz (50 km au nord d'Alep) nous a envoyé une vidéo montrant un entrepôt de stockage des fournitures humanitaires en train d'être pillé par des habitants déplacés, vivant dans un camp de fortune à proximité. Cet incident a eu lieu dans la matinée du 24 février 2023, quelques heures seulement après que Zuhair Othman, un bébé âgé de 7 mois, a été retrouvé sans vie par ses parents dans leur tente.

Vidéo datant du 24 février 2023 et filmée par notre Observateur qui montre des habitants déplacés dans un camp se ruer vers un entrepôt où sont stockées des fournitures d’aide humanitaire dédiées aux sinistrés du séisme du 6 février 2023. On y voit des personnes piller des matelas en mousse et des couvertures hivernales emballées. L’une des personnes crie : “prenez tout ce que vous voulez !”.
Vidéo datant du 24 février 2023 et filmée par notre Observateur qui montre des habitants déplacés dans un camp se ruer vers un entrepôt où sont stockées des fournitures d’aide humanitaire dédiées aux sinistrés du séisme du 6 février 2023. On y voit des personnes piller des matelas en mousse et des couvertures hivernales emballées. L’une des personnes crie : “prenez tout ce que vous voulez !”. © Les Observateurs de France 24

 

Ce même jour, Mohamed Othman s’était réveillé peu après 6 heures du matin pour trouver son enfant mort selon ses dires. Dans une vidéo glaçante, partagée le 2 mars 2023 pour la première fois sur Facebook, le père apparaît, sous le choc, portant dans ses bras son enfant inanimé. On l’entend dire : “nous sommes restés pendant quatre jours dans l’un des camps de fortune… et ils ne nous ont fourni aucune aide. Ni des matelas, ni des cheminées, ni des couvertures. Je me suis réveillé ce matin pour trouver mon fils mort de froid”. 

Selon le père, sa famille vivait dans une petite maison à Azaz, endommagée par les multiples séismes ayant touché le sud-est de la Turquie et une grande partie des zones rebelles dans le nord-ouest de la Syrie et qui ont fait, en Syrie, près de 6 000 morts.  

Contacté par notre rédaction, Mohamed Othman explique : 

Après le premier tremblement de terre du 6 février, nous sommes restés à la maison croyant que le pire était déjà passé. Mais le 20 février, un deuxième séisme [double séisme de magnitude 6,4 et 5,8 sur l’échelle de Richter, NDLR] a fait d’importantes fissures dans les murs. Craignant qu'ils ne s’effondrent , nous avons décidé de partir nous réfugier dans l’un des camps d'accueil gérés par les autorités locales. Je demandais de l’aide au personnel de ce camp, mais celui-ci ne nous a fourni qu’une tente, très mal isolée, sans rien pour nous y protéger. Le 24 février 2023, quand je me suis réveillé vers 6h30, mon fils ne bougeait pas. Une ambulance présente à proximité du camp m’a aidé à l’emmener aux urgences où ils m’ont informé qu’il était décédé.

“Seule une autopsie est capable de définir la cause de mort” 

D'après le site AccuWeather, la nuit du 23 au 24 février a été très froide à Azaz, avec une température de 1 degré celsius. Cette ville frontalière de la Turquie est sous le contrôle des rebelles alliés de la Turquie et dépend principalement de l’aide et des infrastructures fournies par celle-ci. 

 

Une photo du certificat de décès de l’enfant envoyée à notre rédaction le 6 Mars 2023. On peut y lire que le décès a été engendré par un “arrêt cardiaque”.
Une photo du certificat de décès de l’enfant envoyée à notre rédaction le 6 Mars 2023. On peut y lire que le décès a été engendré par un “arrêt cardiaque”. © Les Observateurs de France 24

 

Si le décès de l’enfant a engendré le pillage de l’entrepôt, les causes de la mort font polémique. La rédaction des Observateurs de France 24 a pu entrer en contact avec Yasser Samm, l’un des deux médecins urgentistes ayant réceptionné le bébé à l'hôpital de la ville le jour de l’incident. 

Vers sept heures du matin, l'enfant est arrivé chez nous, déjà mort. Son corps était froid et les pupilles de ses yeux dilatées. Nous avons essayé de le réanimer, mais en vain. L’électrocardiogramme nous confirmé la mort de l’enfant, dont nous avons informé le père. 

Les causes de ce décès peuvent être nombreuses. Peut-être que l’enfant a étouffé dans son sommeil par exemple. La cause du décès ne peut être connue, sauf lorsqu'il s'agit d'un accident avec des blessures ou des ecchymoses visibles. Il est possible que le froid en soit la cause, mais pourquoi le père insiste-t-il que c’en est  nécessairement la cause ? Seul un médecin légiste pourrait faire une analyse, il faudrait exhumer le cadavre pour le savoir, et il faudrait pour cela que l’autopsie soit ordonnée par la justice. 

Ce constat est partagé par Hassan Al Ibrahim, médecin généraliste et chef du service de santé à Azaz qui a affirmé à notre rédaction qu’il “pourrait y avoir 1000 raisons justifiant la mort de l'enfant, dont le froid, mais l’hypothèse d’une mort causée par le froid reste très improbable”. 

Nassim Farouk, chargé de communication au conseil municipal de la ville d’Azaz qui assure la gestion du camp où le décès a eu lieu, remet en cause, lui aussi, le récit du père. Pour lui, les aides ne manquaient pas, même si l'approvisionnement a été compliqué dans les premiers jours suivant le séisme. 

Dans les heures et jours suivant le premier séisme, il y avait un grand nombre de donateurs, surtout des initiatives individuelles locales. Le problème est que beaucoup de personnes n’ayant pas besoin d’aide l'ont demandée et obtenue. Un élément reste très important à signaler : les organisations humanitaires, bien que présentes et actives, ne savaient pas comment réagir à ce sinistre, ni les services locaux d’ailleurs. Majoritairement, ces organisations disposent des plans d’urgence mais ces plans ont été conçus pour répondre à une situation de bombardement. Aucune d’entre elles n’avait un plan dédié à subvenir aux besoins de la population en cas d’un sinistre de telle ampleur. Même l’aide de l’ONU a tardé à arriver. Il aura fallu attendre pendant sept jours avant qu’une équipe onusienne d’évaluation ne soit dépêchée sur place pour évaluer les besoins. 

“Les camps manquent cruellement de tentes bien équipées”

 

Un petit camp dans la ville d’Azaz installé dans l’urgence à partir des bâches légères pour abriter les personnes déplacées par les séismes s’étant succédé dans la région depuis le 6 février 2023.
Un petit camp dans la ville d’Azaz installé dans l’urgence à partir des bâches légères pour abriter les personnes déplacées par les séismes s’étant succédé dans la région depuis le 6 février 2023. © Ayham Hilal

 

Le tremblement de terre du 6 février 2023 a fait 12 morts et 150 blessés dans la ville d'Azaz et ses alentours. Plus de 380 bâtiments ont été partiellement détruits, et 80 bâtiments sont désormais considérés comme inhabitables. 

Ayham Hilal, journaliste local et habitant de la ville d’Azaz affirme à notre rédaction : 

La réponse immédiate après le séisme a été de mettre en place des camps d’accueil d’urgence, en plus des camps déjà installés depuis longtemps dans la région pour les anciens déplacés. La majorité de la destruction qu’a connue la ville est une destruction partielle des bâtiments résidentiels. Globalement, l’ensemble des organisations humanitaires, ainsi que des individus, ont fourni de l’aide à la population sinistrée, qu’elle soit d’Azaz ou venue d’ailleurs. Mais il y a toujours une pénurie de tentes importante, notamment des tentes bien équipées. Il faut ajouter à cela les prix qui se sont envolés face à la demande croissante. Les tentes de fortune qui ont été construites à la hâte à partir des bâches de 1 à 2 millimètres sont très mal isolées et fragiles face aux intempéries. Beaucoup se sont envolées lors des tempêtes, tandis que les températures varient considérablement d’un jour à l’autre. 

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.