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La "Jeune fille à la perle" recréée par intelligence artificielle fait scandale dans son propre musée

Aux Pays-Bas, un musée a fait scandale en exposant une oeuvre inspirée de “La Jeune fille à la perle” de Vermeer conçue par l’intelligence artificielle Midjourney avec l’aide de Photoshop.

L’intelligence artificielle peut-elle se substituer à l’art? Vous avez une heure. C’est le temps que prendra sans doute le Mauritshuis Museum de La Haye aux Pays-Bas pour répondre à quelques messages véhéments sur les réseaux sociaux.

Car l’établissement a fait face à une vague de contestations des amateurs d’art après avoir choisi d’exposer une œuvre conçue à l’aide de Midjourney, l’outil de création par intelligence artificielle.

Des œuvres pour remplacer un chef d’œuvre

Tout a commencé par le prêt de l’un de ses tableaux les plus célèbres, La Jeune fille à la perle de Johannes Vermeer. L’œuvre est actuellement au Riksjmuseum d’Amsterdam dans le cadre d’une exposition temporaire consacrée à l’artiste. Jusque-là, rien de très original, les prêts étant fréquents entre musées. Ce qui l’est moins, c’est de remplacer une œuvre aussi emblématique en son absence.

Le musée a donc eu l’idée de mettre en place un dispositif plutôt original: il a lancé un appel à projets en demandant aux artistes de tous horizons de créer leur “propre Jeune Fille à la perle” et de gagner ainsi une chance d’être exposé dans un cadre numérique disposé en lieu et place de l’habituelle œuvre.

Le musée a reçu près de 3500 propositions et en a sélectionné 175. Parmi les œuvres retenues, un festival de revisites, de l’épi de maïs orné d’une coiffe à une Jeune fille dessinée sur la carte de Manhattan en passant par une version en laine. Mais surtout un tableau ultra réaliste, réalisé par une intelligence artificielle.

La Jeune fille à l’IA

Car pour les 5 artistes les plus originaux, une version “imprimée” est accrochée au mur du musée, comme une véritable œuvre. Émoi parmi les visiteurs, cris d’effroi des amateurs de peinture et commentaires outrés en ligne en découvrant que l’une des cinq toiles n’est pas le fruit d’un artiste, mais d’une intelligence artificielle. Les commentaires parlent alors “d’insulte", de “concurrent malhonnête" ou encore de non-soutien du musée aux artistes.

Ce qui choque sans doute, c’est que l’œuvre créée à l’aide de l’outil Midjourney est une interprétation de la Jeune Fille à la perle très moderne et ultra reconnaissable. “L'artiste” Julian Van Dieken a dû expliquer, enfin surtout se justifier sur Instagram face aux attaques, qu’il avait créé cette version, non pas pour le concours, mais pour son compte dédié à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans l'art, et qu’il n’avait jamais caché le processus créatif lors de sa candidature.

Le musée a également dû faire son mea culpa, expliquant “ne pas avoir pris en compte les questions éthiques liées à l’IA au moment du choix” et rappelant qu’il n’y a rien à gagner à la clé.

L'IA remporte un concours d'art

Ce n’est pas la première fois qu’art et IA se télescopent. Une œuvre également créée par Midjourney avait même remporté le 1er prix d’un concours d’art du Colorado en août dernier. Ça avait beau être dans la catégorie art numérique, ça n’avait pas plu à la concurrence qui lui avait reproché sa méthode “non conventionnelle”.

Cette affaire relance surtout le débat délicat sur les droits d’auteur et la génération d’images par IA. De fait, une intelligence artificielle ne crée jamais ex nihilo. Elle a été nourrie de millions d’images, pas toujours toutes libres de droits. Reste à savoir qui est véritablement l’auteur du résultat et là, il y a débat.

Melinda Davan-Soulas