En 1962, la seule fois où une motion de censure fut adoptée contre un gouvernement

  • De G à D: Le Premier ministre Georges Pompidou , le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe, le Ministre d’État chargé de la Recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales Gaston Palewski , le secrétaire d’Etat aux rapatriés François Missoffe et le ministre du Travail Gilbert Grandval.
    De G à D: Le Premier ministre Georges Pompidou , le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe, le Ministre d’État chargé de la Recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales Gaston Palewski , le secrétaire d’Etat aux rapatriés François Missoffe et le ministre du Travail Gilbert Grandval. AFP
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Philippe Rioux
@technomedia

Depuis que la motion de censure a été inscrite dans la Constitution de 1958 à l’article 49, les députés l’ont utilisée 60 fois. Du 28 avril 1960, où elle visait le gouvernement de Michel Debré à propos de la crise agricole, au 15 février 2022 contre la politique générale d’Elisabeth Borne. Toutes ces motions de censure ont été rejetées ; toutes sauf une qui visait Georges Pompidou en 1962 sur un texte déterminant pour notre vie politique.

Cette motion de censure avait, en effet, été déposée contre le gouvernement par les députés qui s’opposaient à la réforme que voulait faire le général de Gaulle : l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Jusqu’alors, le Président était élu pour sept ans « par un collège électoral comprenant les membres du Parlement, des conseils généraux et des assemblées des territoires d’outre-mer, ainsi que les représentants élus des conseils municipaux ». De Gaulle voulait changeait ces dispositions qui étaient inscrites dans l’article 6 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Après l’attentat du Petit Clamart, le 22 août 1962, le général de Gaulle avait annoncé, dans une allocution télévisée le 20 septembre 1962, la tenue d’un référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct, selon la procédure de l’article 11 de la Constitution. « Forfaiture » avait lancé Gaston Monnerville, président du Sénat au Congrès du parti radical le 30 septembre.

"allez dire à l’Élysée que cette assemblée n’est pas assez dégénérée pour renier la République"

Le 2 octobre 1962, le général de Gaulle adresse un message au Parlement. Mais il ne convainc pas les députés. À l’Assemblée nationale, la séance, suspendue à 16 h 10, est reprise à 19 h 30 pour la prise d’acte du dépôt d’une motion de censure avec comme premiers signataires Paul Reynaud (indépendant), Guy Mollet (socialiste), René Simonnet (MRP) et Maurice Faure (radical). « C’est notre honneur de parlementaire qui est en cause… allez dire à l’Élysée que cette assemblée n’est pas assez dégénérée pour renier la République », lance Paul Reynaud à Georges Pompidou, comme le rappelle le compte-rendu des débats sur le site de l’Assemblée.

Pompidou rappelle que « la Constitution de 1958 a voulu faire de l’élection présidentielle quelque chose qui intéressât l’ensemble du pays, dépassant largement le cadre du Parlement et des états-majors en faisant appel à un grand nombre d’élus locaux. […] pour que demain les présidents puissent à leur tour se fonder sur l’assentiment populaire afin d’y trouver la force et le courage de remplir leur lourde tâche, il n’est pas de meilleur moyen que l’élection au suffrage universel. »

La motion de censure est votée, l'Assemblée est dissoute

À 4 h 45, le 5 octobre 1962, la motion de censure recueille 280 suffrages, la majorité requise étant de 241. L’Assemblée nationale est dissoute le 9 octobre. La démission du gouvernement, remise dès le 6 octobre par Georges Pompidou au président de la République, ne sera acceptée que le 28 novembre, au lendemain des élections législatives.

« Au référendum du 28 octobre, le oui recueille 62,25 % des suffrages exprimés. Les élections législatives des 18 et 25 novembre voient le succès de l’UNR-UDT qui obtient 233 sièges (+ 56) au détriment des indépendants (- 86) qui forment, autour de Valéry Giscard d’Estaing qui avait fait campagne pour le oui, le groupe des républicains indépendants (35 élus), allié à l’UNR-UDT », rappelle l’Assemblée. Paul Reynaud est battu au premier tour, le parti communiste peut à nouveau constituer un groupe (+ 29 sièges) et François Mitterrand, qui avait appelé à voter non, retrouve les bancs de l’Assemblée nationale comme député de la Nièvre. En 1965, il sera le candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle qui mettra De Gaulle en ballottage.