Médecine

Obésité et surpoids : près d’un Français sur deux concerné

À l’initiative de la Ligue contre l’obésité, des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier ont mené un état des lieux sur l’obésité en France. Annick Fontbonne et Karine Clément commentent les résultats de l’étude Obépi 2020 et les perspectives de traitement.

Propos recueillis par Sean Bailly
POUR LA SCIENCE N° 546
Obésité population française

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L’obésité est un problème de santé publique mondial, qu’en est-il en France ?

A. F. : Entre 1997 et 2012, le laboratoire Roche a financé un suivi de l’obésité avec un sondage tous les trois ans. Il était important de faire le point sur l’évolution de cette maladie. En 2020, avec 9 598 participants de plus de 18 ans, un nouveau sondage a été effectué. On constate que 30,3 % des personnes présentent un surpoids, c’est-à-dire un indice de masse corporelle (ou IMC, qui est égal au poids en kilogrammes divisé par la taille en mètres au carré) compris entre 25 et 30. L’obésité, avec un IMC > 30, touche 17 % des sondés.

Si la part des personnes en surpoids reste stable depuis 2012, l’obésité, elle, progresse. Elle était de 8,5 % en 1997 et de 15 % en 2012. Presque toutes les tranches d’âge sont touchées. À noter que chez les 18-24 ans, elle est passée de 2,1 % à 9,2 % entre 1997 et 2020.

Comment expliquer cette évolution ?

A. F. : Nos comportements de vie ont considérablement changé, notamment en matière d’alimentation, d’activité physique. On est beaucoup plus sédentaire et on passe un temps non négligeable devant les écrans. On constate aussi que l’obésité touche plus fortement les couches sociales défavorisées, probablement encore une fois parce que la nourriture la plus abordable est de moindre qualité. Si alimentation et activité physique sont deux facteurs importants, il y a bien d’autres dimensions. Ce problème est multifactoriel.

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K. C. : En effet, l’obésité est une maladie très complexe et elle ne se réduit pas à « trop manger et ne pas se dépenser ». Ce résumé simpliste est d’ailleurs néfaste. Il a un effet stigmatisant pour les personnes qui en souffrent. À la liste des causes de cette pathologie, on peut rajouter le stress, le fait de ne pas dormir assez, d’être exposé à des polluants, dont des perturbateurs endocriniens. Il y a aussi des facteurs génétiques que l’on commence à bien connaître.

Quels sont les risques de l’obésité ?

A. F. : L’obésité est associée à de nombreuses comorbidités et une mortalité élevée. On constate une augmentation des risques cardiovasculaires, de diabète ou de certaines formes de cancers (colon, sein…).

Qu’en est-il des traitements ?

K. C. : La réponse est multiple et doit être adaptée au patient. Dans tous les cas, la coopération de plusieurs soignants est souvent bénéfique ; nutritionnistes, diététiciens, coachs sportifs et parfois psychologues. Pour les cas les plus sévères, il y a la chirurgie bariatrique (qui modifie l’anatomie du système digestif). Mais nous avons été longtemps sans solution médicamenteuse. C’est en train de changer.

Dans les années 1960-1970 et jusqu’au milieu des années 1990, on avait recours à certaines molécules. Elles visaient la voie de la sérotonine ou de la dopamine dans le cerveau, influant sur la sensation de faim ou le circuit de la récompense. Mais ces approches avaient de graves effets secondaires, cardiovasculaires ou neuropsychiques.

À la fin des années 1990, les chercheurs utilisant l’hormone intestinale GLP1 pour traiter le diabète ont constaté qu’elle avait d’autres effets intéressants qui conduisaient à une baisse de poids. Depuis, des traitements, par injection hebdomadaire, ont été mis sur le marché. On observe une perte de poids jusqu’à 10 % en un an. D’autres traitements sont en phase de test où une molécule de type GLP1 est combinée à d’autres hormones. Les données suggèrent que la perte de poids peut atteindre 20 %. C’est une bonne nouvelle de voir arriver des approches thérapeutiques différentes. Il faut souligner que ces traitements impliquent un suivi et il est impératif de bien former les soignants à ces nouvelles approches.

Obésité et surpoids : près d’un Français sur deux concerné

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Annick Fontbonne

Annick Fontbonne est épidémiologiste à l’Inserm.

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Karine Clément

Karine Clément est médecin, professeuse de nutrition à Sorbonne Université et chercheuse à l’Inserm.

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