Eric Fottorino : "Longtemps l'effort c'était de chercher l'information, maintenant c'est de la hiérarchiser"

A l'occasion de la 34e semaine de la presse et des médias dans les écoles dont le thème est cette année "l'info sur tous les fronts", France Inter interroge le rapport des jeunes à l'information.

Eric Fottorino, journaliste, cofondateur du "1 hebdo", de "Zadig" et de "Légende", ancien directeur du journal "Le Monde"

Ce qui me gêne dans la logique des jeunes c'est les paradoxes : ils sont 3% à lire la presse papier et sont 75% à considérer que c'est elle la plus fiable. Et ils sont 80% à être sur les réseaux sociaux et 42% à leur faire confiance. Pour les jeunes il y a trois temps : celui de l'effort, du temps et celui de la sémantique. L'effort maintenant c'est de hiérarchiser l'information. Vient ensuite la question du temps qu'on va passer. Et puis la sémantique, la question du statut de ce que l'on lit.

Pour moi le savoir c'est le discernement : qui me parle ? Avec les médias numériques c'est difficile. Il y a ensuite le souci du contradictoire : qui dit la vérité ? Il faut le regard à la fois sensible et le regard savant. Les grands textes sont souvent des textes d'actualité. Il faut toujours aller chercher plus profondément ce que nous apprend le bruit de surface.

J'ai vu monter la défiance vis-à-vis des journalistes. Depuis cinq ou six ans, on a vu la confiance devenir une forme d'interrogation. Mais il y a une forme de modération à apporter : les référents sont les parents. Notre rôle de parent pivot est très important.

Hugo Travers, fondateur de média sur les réseaux sociaux HugoDécrypte : 3,2 millions d'abonnés sur Instagram, 4 millions sur TikTok

On a le réflexe de sortir notre smartphone plutôt que de lire le journal. On n'a plus le réflexe d'acheter ces journaux et il y a aussi une question de fond sur le manque d'accessibilité des informations. Typiquement la réforme des retraites peut ressembler à une série qu'on prend en cours de route. Il faut prendre le temps de revenir à la base. La question du 49.3 a fait beaucoup réagir.

On voit sur les réseaux sociaux avec à la fois des formats très courts : jusqu'à une minute, puis une vidéo Youtube de plus de 10 minutes. On a eu par exemple 1,5 million de vues pour une vidéo de 45 minutes pour un documentaire sur l'Ukraine. C'est une question d'usage. On est une vingtaine dans l'équipe dont les deux tiers de journalistes. On est suivis par des millions de personnes, faisons en sorte d'avoir une information de qualité sur les réseaux, c'est une grosse responsabilité.

Cécile Dunouhaud, professeure d'histoire-géographie au lycée Marguerite Yourcenar à Morangis

C'est très compliqué de faire ouvrir un journal aux élèves. Concernant la réforme des retraites, j'ai eu spontanément une discussion cette semaine avec mes élèves. Par exemple, ils ont directement fait le lien entre le 49.3 et Napoléon III ! Il faut leur expliquer et prendre le temps. Il faut apprendre aux élèves à faire le tri entre les informations. Cela se fait notamment dans le cadre de la semaine de la presse avec les documentalistes : montrer ce qu'est un journal sérieux, ce qu'est une ligne éditoriale.

Il y a une défiance vis-à-vis des journalistes toujours présente : "les médias nous mentent", disent certains adolescents qui sont souvent dans la provocation.