L’intelligence artificielle, capable de se confondre avec les êtres humains, bouleverse le marché du travail. En quelques mois, ChatGPT a révolutionné les pratiques au point de provoquer des licenciements ou chute en Bourse. Au sein même des plus grands spécialistes de l'intelligence artificielle, son développement rapide interroge.
L’intelligence artificielle a fait l’une de ses premières victimes en Bourse. L’entreprise d’aide aux devoirs Chegg a perdu près de la moitié de sa valeur dans la nuit du 2 au 3 mai. Son dirigeant Dan Rosensweig venait d’évoquer "l’intérêt des étudiants pour ChatGPT" pour expliquer la chute de 5% du nombre de ses abonnés au premier trimestre 2023. La réaction épidermique des investisseurs révèle l’inquiétude face à la concurrence qu’exerce l’intelligence artificielle pour de nombreux métiers. 
Ces peurs ne sont pas sans fondement. La moitié des entreprises qui utilisent l’outil ChatGPT, lancé en novembre 2022, affirme que cette technologie a remplacé des travailleurs, selon un sondage mené sur 1000 compagnies américaines par ResumeBuilder, une entreprise spécialisée dans la création automatique de CV. 63% des dirigeants prévoient "certainement" ou "probablement" des licenciements pour cette raison dans les cinq ans à venir. Les tâches évoquées sont l’écriture de code informatique, la rédaction de contenu, le support aux utilisateurs ou encore la synthèse de réunions. 


"30 % des employés administratifs pourraient facilement être remplacés par l’IA"


Les fonctions support comme les ressources humaines sont les principales victimes de l’intelligence artificielle. "Il me semble que 30% (des 26 000 employés administratifs) pourraient facilement être remplacés par l’IA et l’automatisation sur une période de cinq ans", a déclaré Arvind Krishna, le CEO du géant de l’informatique IBM à Bloomberg lundi 1er mai. Un gel des recrutements est prévu dans ces départements. Le développement de l’intelligence artificielle inquiète aussi des métiers créatifs comme celui de scénariste. Des pancartes anti ChatGPT se sont levées à Hollywood dans les manifestations des scénaristes, en grève depuis le 2 mai à pour dénoncer des salaires trop faibles.


L’arrivée de l’intelligence artificielle générative, capable de créer de contenus impossibles à distinguer du travail humain, tel ChatGPT, a changé la donne. Un quart du travail en Europe pourrait être automatisé selon l’étude "Les effets potentiellement importants de l’intelligence artificielle sur la croissance économique"  publiée en mars 2023 par Goldman Sachs Research, la branche de recherche de la banque d’investissement américaine Goldman Sachs. Au niveau mondial, cela concernerait 300 millions d’emplois.


Les regrets du parrain de l’IA


Des voix s’élèvent pour alerter sur les risques d’un développement trop rapide et mal contrôlé de l’intelligence artificielle. "Le problème, c’est que cela fonctionne beaucoup mieux que ce qu’on imaginait", a déclaré Geoffrey Hinton, un des pionniers de l’IA et du Deep Learning, au plateau de la chaîne britannique BBC. En quittant Google Brain pour prendre sa retraite, il a aussi libéré sa parole. Parmi ses inquiétudes, la disparition de certains métiers comme "les parajuristes, les assistants personnels, les traducteurs et autres qui gèrent les tâches par cœur" cite-t-il, indiquant que si l’IA peut décharger les actifs de tâches pénibles, elle peut malheureusement aussi leur retirer des activités plus épanouissantes. 
Le 29 mars, une lettre ouverte "Pause Giant AI Experiments", signée notamment par Elon Musk ou encore Yoshua Bengio, pionnier du Deep Learning, appelait à ralentir les développements de l’IA. "Devrions-nous automatiser tous les emplois, y compris ceux qui sont épanouissants ? Devrions-nous développer des esprits non-humains qui pourraient éventuellement nous surpasser en nombre, nous déjouer, nous rendre obsolètes et nous remplacer ?" interroge la lettre.


Alors que les dangers de l’intelligence artificielle sont de plus en plus décriés, le géant Microsoft, propriétaire d’OpenAI, qui développe ChatGPT, s’est progressivement délesté de son équipe de spécialistes de l’éthique afin de pouvoir passer à la vitesse supérieure. Chez Google, ce sont Margaret Mitchell, la fondatrice de l’équipe de recherche en éthique et la chercheuse Timnit Gebru, première à montrer les biais sexistes des intelligences artificielles, qui ont été licenciées en 2020. Pourtant, les questions éthiques posées par l’intelligence n’ont jamais été aussi nombreuses. Aux États-Unis, une intelligence artificielle vient par exemple de sélectionner 60 personnes à licencier dans l’entreprise Accenture. L’IA, une machine à licencier ? 
Fanny Breuneval
Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes