Sida : 40 ans de fausses informations autour du VIH

Publicité

Sida : 40 ans de fausses informations autour du VIH

Par
Le préservatif évite la transmission du VIH [photo d'illustration].
Le préservatif évite la transmission du VIH [photo d'illustration].
© AFP - FRISO GENTSCH / DPA / dpa Picture-Alliance

Le VIH a été découvert le 20 mai 1983, il y a quarante ans. À cette occasion, retour sur les fausses croyances et rumeurs qui ont entouré la maladie, de la campagne de désinformation du KGB jusqu'aux théories complotistes actuelles.

La prise de la pilule du lendemain efficace pour empêcher la transmission du VIH ? "Oui", répondent 23 % des jeunes de 15 à 24 ans en France, selon un sondage de l'Ifop publié en mars pour le Sidaction. Sauf que c'est faux. Cela fait partie de la mésinformation et de la désinformation qui entourent le sida depuis la découverte du VIH, il y a 40 ans.

Les fausses croyances ont toujours circulé sur le virus et la maladie, depuis la campagne de désinformation menée par le KGB en 1983 jusqu'aux faux remèdes promus aujourd'hui sur Internet. Efficacité de la pilule et du paracétamol, transmission par les moustiques et les baisers... certaines rumeurs ont la vie dure et des théories révisionnistes connaissent même une recrudescence depuis l'épidémie de Covid. "La science progresse, les connaissances progressent, mais les mentalités ne progressent pas et cette peur est restée", souligne la directrice générale de Sidaction, Florence Thune.

Publicité

Or, ces idées reçues freinent le dépistage : selon Sida Info Service, un tiers des personnes contaminées n'ont pas été dépistées. Ces rumeurs font aussi "perdurer les discriminations contre les personnes séropositives", note la directrice générale. Tour d'horizon des fausses infos et rappel des faits.

Non, le sida n'a pas été créé par des laboratoires américains

Dès 1983, en pleine guerre froide, le KGB monte l'opération "Infektion", visant à faire croire que le sida a été développé dans un laboratoire secret aux États-Unis. Cette rumeur sera diffusée dans le monde entier pendant près de dix ans.

En réalité, le virus a été découvert par une équipe de l'Institut Pasteur, à Paris. "L'isolement" du nouveau virus est signalé le 20 mai 1983 dans un article publié par le magazine américain Science.

Non, le sida n'est pas le "cancer gay"

En 1983, lorsque le VIH est découvert, certains journaux font leur Une sur le "cancer gay". Or non, ce n'est pas un cancer. "Il y avait à la fois le fait qu'on ne comprenait pas ce qu'il se passait avec cette maladie et le fait que les premiers cas constatés étaient chez des personnes gay. Il y a eu le cumul avec l'homophobie, les discriminations et des mots très forts ont été posés sur ce virus", rappelle Florence Thune.

Le VIH et le sida, ce n'est pas pareil

L'une des méconnaissances qui persistent autour du virus est que le VIH et le sida seraient la même chose. Ce n'est pas le cas, "le VIH, c'est le virus. Le sida, c'est la maladie ", rappelle la directrice générale de Sidaction. "On est au stade sida quand on n'a pas eu accès au traitement, que l'immunité de la personne a complètement dégringolé et qu'elle n'est plus en mesure de se protéger de certaines maladies dites opportunistes, qui sont parfois gravissimes et entraînent le décès."

Non, les homosexuels ne sont pas les seuls à pouvoir avoir le sida

"Tout le monde" peut contracter le virus, souligne-t-elle. "Aujourd'hui, en France, sur les 5000 diagnostics du VIH chaque année, on a un peu plus de 50% de personnes hétérosexuelles. Cela concerne aussi tous les âges. On parle beaucoup des jeunes mais on a plus de 20% des personnes qui découvrent leur séropositivité qui ont plus de 50 ans. On est tous concernés."

Seule la trithérapie est un traitement efficace face au sida

"Dès le début de l'épidémie, il y a eu des fausses croyances sur les traitements : les fruits, la façon de manger, la prière, etc. Ces traitements 'miracles' perdurent. Mais le seul traitement qui permet aux personnes de rester en vie, c'est bien la trithérapie. Malheureusement, des gens meurent aujourd'hui parce que certains arrivent à les persuader qu'en arrêtant leur traitement et en consommant de telle ou telle façon, ils pourraient guérir du VIH", rappelle Florence Thune.

Non, une personne porteuse du VIH sous traitement ne peut pas transmettre le virus

"Dès 2010-2011, les scientifiques ont pu prouver que lorsque les gens sont sous traitement, ils n'ont pas de risque de transmettre le VIH", indique Florence Thune. "Le traitement, dès son entrée dans le corps, a pour objectif de réduire la quantité de virus dans le sang", cette quantité "devient tellement faible qu'on a une charge virale indétectable et cette faible quantité ne peut plus être transmise", explique la spécialiste.

Le sida n'a pas disparu

Pour autant, le VIH et donc le sida n'ont pas disparu. En France, chaque année, 5000 personnes découvrent leur séropositivité. C'est 1,5 million dans le monde. "Il continue à faire des ravages", indique Florence Thune, soulignant qu'il y a "encore 650.000 morts du Sida chaque année dans le monde et aujourd'hui, en France, encore quelques personnes meurent du sida parce qu'elles n'ont pas été se faire dépister".

Non, on ne peut pas guérir du VIH

"L**e virus ne peut pas être éradiqué, on doit prendre un traitement à vie. En revanche, si on commence à déclencher des premières maladies opportunistes, liées à un sida, aujourd'hui, les traitements sont suffisamment puissants" pour pouvoir être en meilleure santé, explique Florence Thune.

De très rares cas de guérison ont été observés ces dernières années. "Ces personnes, en plus de leur séropositivité, avaient développé une leucémie. Et c'est au travers d'une greffe de moelle osseuse que le VIH a complétement disparu de leur corps", souligne-t-elle. Mais ce sont des cas extrêmement rares et "les personnes séropositives aujourd'hui n'ont pas envie d'avoir une leucémie pour être guéries !" Toutefois, ces cas offrent aux scientifiques de nouvelles pistes de recherche.

Non, on ne peut pas contracter le sida par le toucher

Encore aujourd'hui, entre 12 et 17% des personnes sondées par l'Ifop estiment "qu’on peut contracter le VIH en entrant en contact avec la transpiration d’une personne séropositive, en buvant dans son verre, en lui serrant la main ou en l’embrassant". Pourtant c'est faux, les seules manières de contracter le sida sont :

  • lors de rapports sexuels non protégés par un préservatif (interne ou externe) avec pénétration vaginale et/ou pénétration anale et lors d'une fellation ;
  • par voie sanguine, par exemple lors de piqûres avec une aiguille ;
  • de la mère à l'enfant, pendant la grossesse, l'accouchement ou l'allaitement.

Oui, on peut attraper le sida dès le premier rapport sexuel

"Le professeur Willy Rozenbaum [qui a travaillé sur le sida, ndlr] rappelait souvent qu'il suffit d'une fois", souligne la directrice générale de Sidaction. Mais l'inverse n'est pas vrai : ce n'est pas parce que la transmission n'a pas eu lieu lors du premier rapport sexuel que cela ne va pas se produire lors des suivants.

Les moustiques ne peuvent pas transmettre le sida

La transmission par le moustique n'existe pas car "le VIH ne va pas survivre à l'intérieur du moustique ", explique Florence Thune.

Deux préservatifs, ce n'est pas une bonne idée

"Un seul, bien utilisé, ça suffit !" rappelle Florence Thune. "Mettre deux préservatifs est inutile voire risqué. Les frottements des préservatifs entre eux peuvent en effet entrainer une déchirure et donc un risque de contamination", rappelle Sida Info Service, qui conseille également de n'utiliser que des lubrifiants vendus en pharmacie ou en grande surface - et pas de la margarine ou du beurre.

Non, la pilule ne protège pas du VIH

La pilule tout comme la pilule du lendemain ne permettent pas de se protéger du VIH. En revanche, "on a ce qu'on appelle un traitement post exposition, qui peut être délivré dans les services d'urgence par exemple, si on pense avoir pris un risque. Il doit être pris dans les 24 heures et durant un mois" , indique Florence Thune.

Non, le paracétamol n'empêche pas la transmission du virus

"Le paracétamol n'est pas efficace", souligne la directrice générale de Sidaction. Mais il existe un traitement préventif, "la PrEP, qui est pris avant les rapports sexuels".

Si, on peut avoir des enfants quand on est séropositif

"Une femme séropositive peut avoir des enfants sans risque de transmission, si elle est sous traitement", indique Florence Thune. "Les quelques cas qu'on a encore aujourd'hui en France de naissance de bébés séropositifs, c'est parce que leur maman a découvert son statut sérologique trop tard, au moment de la grossesse."

pixel