Oxycodone : "On voudrait éviter que la situation s'emballe" en France, alerte un professeur de médecine

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Oxycodone : "On voudrait éviter que la situation s'emballe" en France, alerte un professeur de médecine

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L’oxycodone présente des effets similaires à la morphine, mais peut être encore plus addictogène.
L’oxycodone présente des effets similaires à la morphine, mais peut être encore plus addictogène.
© AFP - Patricia Rehe

La consommation d'oxycodone augmente en France. Il s'agit du médicament à l'origine de la crise des opioïdes aux États-Unis, qui a tué plus de 500.000 Américains. Rien de comparable mais la Société française de pharmacologie appelle à la vigilance. Trois questions à un spécialiste.

On est très loin de l'image choquante, outre-Atlantique, de ces consommateurs, piégés suite à une prescription, qui meurent d'overdose ou qui errent sur les trottoirs en quête d'un cachet d'oxycodone. La consommation de ce puissant antalgique a augmenté ces dernières années. Les prescriptions augmentent et il faut agir avant qu'il ne soit trop tard, prévient le professeur Francesco Salvo, qui dirige le centre de pharmacovigilance de Bordeaux.

Le professeur a constaté une augmentation de 25% du nombre de patients traités en Nouvelle-Aquitaine entre 2017 et 2021, pour atteindre 900 patients pour 100.000 habitants. C'est la région la plus touchée avec la Bretagne.

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FRANCE INTER : Pourquoi et quand l'oxycodone est prescrit ?

FRANCESCO SALVO : "Ce médicament en douleur post-opératoire ne devrait pas être donné en première intention. La morphine et l'oxycodone sont deux opiacés. Dans l'esprit des prescripteurs, ce sont deux médicaments qui ont le même profil. Pour eux, 10mg de morphine, ça revient à 5mg d'oxycodone pour le traitement de la douleur. La morphine, c'est un médicament compliqué, dérivé de l'opium. Depuis qu'il est commercialisé, les chercheurs travaillent pour trouver une alternative plus sûre. Dans la culture médicale, on se méfie à juste raison de ce médicament. Le souci, c'est que l'alternative que l'on propose, est bien plus dangereuse car elle agit plus sur le circuit de la récompense."

Qui sont les patients concernés par ces prescriptions ?

"Ce sont des patients qui souffrent de pathologies douloureuses. Ce sont des douleurs post-opératoires. Après une opération chirurgicale, s'ils se sont par exemple cassé un bras, on peut, dans des contextes très spécifiques, quand notamment la douleur devient sévère ou insupportable, prescrire des opioïdes. L'oxycodone est un médicament de deuxième intention. C'est une alternative à la morphine, une fois que la morphine ne marche pas. On constate chez ce type de patients une explosion sur ce type de médicament dans un contexte post-opératoire. Ce sont des prescriptions, pour l'essentiel, de chirurgiens ou d'anesthésistes."

Quelle est la situation en France par rapport aux États-Unis ?

"On ne passe pas en situation de crise d'un jour à l'autre. La crise des opiacés aux États-Unis s'est installée après des années de mauvaises prescriptions et de pression de l'industrie pharmaceutique. Les crises opioïdes s'installent avec le temps. Ce que l'on voudrait éviter, c'est que la situation s'emballe c'est-à-dire que les prescriptions augmentent, que les patients reviennent pour avoir de nouvelles prescriptions, qu'ils changent de médecin et donc que la situation s'emballe. Nous sommes très loin de la situation américaine. N'oublions pas que ce médicament peut être utile mais il faut l'utiliser à bon escient. C'est par exemple une alternative thérapeutique importante pour les patients atteints de cancer."

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