Une enquête montre que les profs doivent se former seuls et sur leur temps libre

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Une enquête montre que les profs doivent se former seuls et sur leur temps libre

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Beaucoup d'enseignants se forment par eux-mêmes chez eux, après les cours [photo d'illustration].
Beaucoup d'enseignants se forment par eux-mêmes chez eux, après les cours [photo d'illustration].
© Getty - LeoPatrizi

Pour expliquer le manque d'attractivité du métier d'enseignant, le faible niveau des salaires est souvent mis en avant. Mais le manque d'accompagnement explique aussi que les enseignants se sentent seuls et perdent leur motivation. Selon une étude, ils se forment à 80% par eux-mêmes.

La solitude des enseignants. Les professeurs se forment à 80% par eux-mêmes, principalement sur les réseaux sociaux, sur leur temps libre, et à 20% seulement par des formations proposées par l'Éducation nationale, selon une enquête de l'Observatoire Ecolhuma, une association qui accompagne les enseignants et les chefs d'établissements.

Internet et les réseaux sociaux plutôt que l'Éducation nationale

Parmi les pays européens, la France est la plus mauvaise élève en matière de formation continue des enseignants. Avec moins de jours de formation et des délais trop longs. "Ça peut prendre parfois jusqu'à un an parce qu'il faut avoir un certain nombre de candidats pour que notre demande de formation soit validée", précise Francine, professeur en lycée professionnel. "Il faut qu'il y ait parfois un regroupement entre deux établissements, donc les délais peuvent être longs."

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Comme Francine, les professeurs se débrouillent souvent seuls et se forment principalement sur les réseaux sociaux et sur internet. "Je le fais pour des raisons d'efficacité et de rapidité", dit-elle. "On est dans un métier qui nous demande d'être réactifs et parfois on a besoin de réponses immédiates, donc c'est à travers ces supports que je trouve les réponses pour accompagner au mieux mes élèves."

Cette enseignante a même suivi un MOOC, un cours en ligne, de l'université de Laval, au Québec. "Par exemple, par rapport au décrochage scolaire, j'ai eu besoin de chercher des informations, pour pouvoir répondre au mieux à la problématique de mon établissement", détaille-t-elle. "Je me suis aussi formée quand nous avons accueilli un élève qui avait un syndrome bien particulier pour pouvoir l'aider à éviter les situations de stress et ne pas aggraver son mal-être au quotidien, c'est-à-dire lui permettre d'évoluer dans notre établissement dans les meilleures conditions possibles."

La moitié des enseignants se forment le soir ou le week-end

Francine se forme ainsi pendant ses vacances, le week-end ou le soir. Comme la majorité de ses collègues, selon cette enquête de l'Observatoire Ecolhuma. "On a mené cette enquête auprès d'un peu plus d'un millier d'enseignants et la première chose que l'on observe, c'est que les enseignants sont vraiment des experts de la débrouille. Plus de 80% nous disent qu'ils se forment par eux-mêmes et 20% par la voix institutionnelle", souligne la fondatrice de l'Observatoire, Florence Rizzo. "Le deuxième élément, c'est le fait que les enseignants se forment sur leur temps libre : 45% se forment le soir et 55% se forment souvent pendant le week-end. Donc on est vraiment sur un temps qui est un petit peu invisibilisé, pas forcément reconnu et donc non valorisé."

Ecolhuma a également observé que "les enseignants ont vraiment besoin d'avoir des réponses rapides à des besoins immédiats puisque ils se tournent majoritairement à 60% vers Internet et les réseaux sociaux pour trouver des solutions concrètes".

Parmi les thèmes les plus recherchés, "on voit bien que les enseignants ont besoin que ce soit très pratico-pratique, directement utilisable en classe et que cela les aide dans leur exercice quotidien du métier", complète Florence Rizzo. "Donc on est sur des besoins assez spécifiques liés à la motivation, l'engagement des élèves et liés notamment aux enfants à besoins particuliers. Quand on a un enfant dyslexique, un enfant autiste, on a besoin de trouver une réponse pour savoir comment accompagner cet enfant-là, cette année-là."

Manque de souplesse des formations de l'Éducation nationale

"Il faut garder à l'esprit qu’on a besoin d'être formés sur la longueur. Moi ça fait 20 ans que j'enseigne, donc ça fait 20 ans que je me forme. C'est quelque chose qui me tient à cœur, pour continuer à évoluer dans mon métier et faire évoluer mes pratiques", souligne Francine.

Mais la formation continue proposée par l'Education nationale ne répond pas toujours aux besoins et manque de souplesse. "Il y a des formations mais elles pourraient être un petit peu plus variées, un petit peu plus faciles d'accès parce que parfois, je ne sais pas où je vais en formation quand je m'inscris, quel temps cela va me prendre, est-ce que ce sera sur mon temps personnel ou est-ce que ce sera sur mon temps face aux élèves ?" , juge Francine. "C'est une contrainte par rapport à mes élèves, notamment pour les classes à examen. Je dois réaménager mon emploi du temps. À l'inverse, la plupart de mes formations personnelles sont sur mon temps libre."

Des formations essentielles pour la réussite des élèves

L'enjeu est important car toutes les études internationales le montrent : la formation des professeurs est déterminante pour la réussite des élèves. "Les effets concrets de la formation continue, c'est bien sûr de se sentir bien dans son métier, mais c'est aussi l'amélioration des pratiques pédagogiques au service des progrès des élèves", explique Florence Rizzo. "Pour assurer la réussite des élèves, il faut vraiment donner envie aux enseignants de se former."

Pour la fondatrice de l'Observatoire Ecolhuma, "il est urgent de rompre cette solitude des professeurs et de mieux les accompagner dans un développement professionnel tout au long de la vie". Les réformes des dernières années "n'ont pas enrayé ni la baisse du niveau des élèves, ni le mal-être des professeurs", selon elle. "Il y a tout un débat aujourd'hui sur les revalorisations salariales qui sont absolument essentielles et nécessaires mais qui ne suffiront pas à régler le problème et donc il faut accompagner les enseignants tout au long de leur vie pour leur donner envie de rester enseignant."

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