Guerre en Ukraine

"Je veux pouvoir danser aux mariages de mes filles !" : l’Ukraine face au défi des amputés

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Par Quentin Warlop avec Alice Debatis, Marco Saccomanno, Garry Wantiez et Nadyia Pavlova

Il vient d’arriver du front. Amputé. Mais en vie. Alexander était à Bakhmout et se battait dans les violents combats de rue contre les Russes. "J’ai été touché par une mine russe. Je n’ai rien pu faire", explique le dernier arrivé dans le Superhumans Center, un tout nouveau centre mis en place pour permettre aux soldats amputés d’apprendre à vivre sans leur membre.

"Le problème, c’est que la route pour évacuer les blessés est trop longue, explique Volodymyr Govatckiy, médecin chef de la clinique. Dès qu’un soldat est blessé à un membre, il se pose un garrot. Mais parfois, dès son arrivée à hôpital, il est déjà trop tard. Le membre est mort. Et il faut l’amputer."

Sans jambes et sans sa fille

Commence alors un autre combat : celui de vivre sans ce membre, déchiré au combat, qui a fait partie intégrante de leur vie. "Il faut aller de l’avant. On n’a pas le choix", explique Olexy. Ambulancier sur le front, l’homme de 42 ans a perdu ses deux membres inférieurs en tentant d’évacuer des blessés sur le front. "Je veux juste réapprendre à marcher je ne veux rien d’autre. Je veux juste retrouver mon quotidien, dans la mesure du possible."

Iulia, sa femme, vient ici dès qu’elle le peut. "C’est difficile de tenir. Mais nous avons une fille. Elle est avec ses grands-parents. On doit penser à lui donner le meilleur et s’occuper d’elle. Mais on est focalisé sur la rééducation de mon mari. Et c’est ça qui est difficile. Mais le principal, c’est qu’il soit vivant. On va se débrouiller."

Ils ont passé huit mois à chercher des prothèses. Kharkiv, Kiev et puis Lviv. Enfin. L’émotion se lit dans leurs yeux à l’idée d’évoquer ce qu’ils ont traversé. "Maintenant, c’est plus facile. Mais le premier mois, quand tu ne comprends pas ce qu’il se passe, quand il passe ses journées dans son lit, pendant 8 mois, c’est difficile. Aujourd’hui, ici, chaque pas est une victoire !", explique la jeune femme.

Olexy est accompagné par son épouse Iulia dans son combat pour marcher à nouveau.
Olexy est accompagné par son épouse Iulia dans son combat pour marcher à nouveau. © RTBF

Ce centre est unique en Ukraine. Ils fabriquent les moules des prothèses, ils aident les blessés à apprendre à marcher avec des prothèses en plastique dans l’attente des prothèses définitives.

Des prothèses testées, ajustées et créées sur place par Dimitri, prothésiste au Superhumans center. "On prend la forme. On fait un prototype en plastique et le patient essaie la prothèse en plastique sur un appareil pour vérifier si la pression sur la cicatrice n’est pas trop importante."

À l’étranger au début de la guerre, il a décidé de revenir pour servir son pays. "J’aurais pu poursuivre mes études et ma formation en Allemagne. Mais j’ai décidé de venir ici pour me sentir utile. Il va y avoir de plus en plus d’hommes amputés au front et ils ont besoin de moi."

Le Superhumans Center vient d’être inauguré il y a deux mois.
Le Superhumans Center vient d’être inauguré il y a deux mois. © @RTBF

Un centre unique en Ukraine

Aussi, ce centre forme les professionnels ukrainiens du pays. "Ici, des formations sont mêmes données aux médecins et prothésistes actifs dans d’autres régions du pays", se réjouit Volodymyr Govatckiy, médecin chef de l’hôpital.

Impossible de savoir combien d’amputés compte l’Ukraine depuis le début de la guerre. Mais plusieurs sources évoquent plusieurs dizaines de milliers de soldats et de civils touchés et amputés. Inauguré il y a tout juste deux mois, le Superhumans Center tente d’aider ces blessés de guerre. Un centre financé par l’aide internationale et les dons venus de l’étranger.

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