Les professeurs vivent sous la pression constante d’atteintes à la laïcité. On s’en doutait déjà, mais la dernière enquête de l’Ifop – réalisée pour le Comité national d’action laïque – le confirme. Face à des attaques en hausse (+ 130 %) par rapport à septembre, près de la moitié du corps professoral dit s’autocensurer. C’est bien plus qu’il y a cinq ans. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, les enseignants sont à la fois plus déterminés et plus inquiets que jamais. La bonne nouvelle, c’est qu’ils se sentent plus accompagnés et mieux préparés. Eux-mêmes le reconnaissent : l’État n’a pas ménagé sa peine pour leur fournir des outils et des formations. C’est à mettre au crédit de Jean-Michel Blanquer, impeccable et courageux sur ces sujets.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’en face les intégristes ne désarment pas. À Nice, ce sont des gamins qui cherchent à faire des prières à l’école. Ailleurs, des lycéennes manipulées par des influenceuses TikTok qui leur demandent de venir en cours en abaya. Si certaines y cèdent par provocation, ceux qui les manœuvrent savent très bien ce qu’ils font. L’intention est clairement prosélyte et tombe sous le coup de la loi de mars 2004, qui proscrit : « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ».

C’est l’autre bonne nouvelle : nul besoin d’écrire une nouvelle loi et de s’écharper dessus pendant des mois. Il suffit d’une déclaration claire et nette du ministre de l’Éducation nationale pour appliquer la loi à cette tenue couvrante qu’est l’abaya. Mais c’est là que le bât a blessé. Depuis sa nomination, conformément à ce que l’on craignait au vu de ses écrits universitaires, Pap Ndiaye a tout fait pour fuir les sujets qui fâchent. Il a fallu lui tordre le bras pour obtenir les chiffres des atteintes à la laïcité. Puis il s’est tordu le nez pour les commenter. Lorsque le problème des abayas est devenu impossible à ignorer, il a renvoyé la balle aux directeurs d’établissement, comme Lionel Jospin en 1989, à propos du voile et de l’affaire de Creil.

Les mêmes lâchetés produisant les mêmes effets, la balle est revenue en boomerang. Le ministre de l’Éducation nationale a pondu une circulaire, que même un jésuite ne serait pas fichu de décoder. Il a fallu l’enquête du Parisien, les critiques de laïques, les questions insistantes et plus certainement la perspective d’un prochain remaniement, pour qu’il concède, du bout des lèvres, que les abayas sont « concernées ». On progresse, mais pourquoi tant d’autocensure ?

Être un bon ministre de l’Éducation demande des convictions, et non pas d’être en représentation. Tout homme ou femme publique ayant osé être courageux contre le séparatisme a fini déchiqueté, caricaturé en fasciste ou en « islamophobe » par la presse autruche et les zèbres de l’accommodation, qui sévissent en politique et à l’Université. Tout ce petit monde ne voit jamais rien mais sort régulièrement du bois pour lyncher ceux qui voient et ripostent. C’est le sort de ceux qui osent défendre la laïcité. Et le meilleur atout dont disposent les intégristes pour l’attaquer.