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L’université d’art de Téhéran impose un voile plus couvrant et menace ses étudiantes

"Nous n'avons rien d'autre à vous dire que 'non'": c’est le message adressé par les étudiants de l'Université d’art de Téhéran après la décision de l'établissement d’imposer dans son enceinte le port de la "maqna'a", un voile plus couvrant qu'exigé par la loi iranienne. La mobilisation de ces étudiants, dont plusieurs ont été arrêtés, a déclenché une vague de soutien à travers l’Iran. 

Les 12 et 17 juin, des étudiants de l'université d'art de Téhéran ont manifesté contre de nouvelles règles relatives au port du voile imposées par leur établissement.
Les 12 et 17 juin, des étudiants de l'université d'art de Téhéran ont manifesté contre de nouvelles règles relatives au port du voile imposées par leur établissement. © Observers
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Lundi 12 juin, des étudiantes de l'Université d'art de Téhéran ont reçu un SMS : "Les étudiantes doivent porter une maqna'a à partir du 17 juin si elles veulent assister aux cours de l'université". La "maqna'a" est un type de voile islamique qui couvre non seulement la tête, mais aussi les épaules. Dans l'espace public, les Iraniennes doivent porter un foulard couvrant les cheveux et le cou. Cependant, depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022 et le mouvement de protestation massif qui en a découlé, de plus en plus d’Iraniennes sortent désormais ouvertement sans voile. 

Une étudiante avec qui notre rédaction a pu échanger rapporte que les étudiantes qui refusaient de porter le voile dans l’espace public se sentent "prises en otage" par l'imposition stricte de cette règle au moment des examens de fin d’année. Des étudiants ont entamé un sit-in en signe de protestation.

Des étudiants de l’Université d’art de Téhéran en train de faire un sit-in le 12 juin.
Plusieurs étudiants de l'Université d'art ont été frappés et arrêtés le 17 juin, à l'extérieur de l'université.
Plusieurs étudiants de l'Université d'art ont été frappés et arrêtés le 17 juin, à l'extérieur de l'université.

L'université d'art de Téhéran est réputée pour être une institution relativement libérale en Iran. Parmi ses étudiants, nombreux sont ceux qui ont participé aux manifestations du mouvement "Femme, vie, liberté" depuis septembre 2022. Ils ont notamment réalisé des "clips musicaux révolutionnaires" durant les premiers jours des manifestations, et certains sont devenus des hymnes à la résistance.

La chanson "Levez-vous pour Femme Vie Liberté",composée par des étudiants de l'université d'art de Téhéran, est devenue un hymne des manifestations.

 

"Ce 'non' est devenu très populaire parce qu'il s'agit d'une réponse simple que presque tout le monde en Iran partage"

"V" étudie à l’Université d’art de Téhéran et a pris part aux manifestations. 

Notre université, contrairement à d'autres universités en Iran, n'a pas de contrôles de sécurité à l'entrée. Les étudiants peuvent porter les vêtements qu'ils souhaitent, plus que dans d'autres universités. Lorsque les universités ont rouvert leurs portes après l'ère Covid, un contrôle de sécurité a été mis en place à l'entrée principale, mais il n'y a pas eu de véritables contrôles ni de harcèlement des étudiants en raison de leur tenue vestimentaire.

Cependant, il y a quelques semaines, on a vu qu’un nombre plus important d'agents de sécurité avait été déployé, dont certaines femmes qui vérifiaient le hijab des étudiantes à l'entrée. C’est là que le harcèlement a commencé. Lorsque nous avons reçu le SMS indiquant que les filles devaient porter la maqna'a, nous avons compris que l'administration de l'université avait décidé de changer les règles. Nous avons appris ensuite lors des réunions avec l'administration de l'université que c’était le représentant spécial du Guide suprême dans notre université qui avait proposé ce changement [Ali Khamenei, le Guide suprême de l'Iran, a un représentant dans toutes les administrations universitaires, NDLR].

Reprise de la chanson de Pink Floyd "Another brick in the wall" en persan, en soutien à la grève des étudiants. Elle aurait été réalisée par des diplômés de l’université.

Nous avons donc décidé d'entamer un sit-in comme forme pacifique de résistance. Ils ont commencé à menacer les étudiants qui protestaient, puis ils ont bloqué notre accès aux toilettes et aux points d’eau. Ils ont même confisqué des repas que nous nous étions fait livrer et nous ont interdit de manger et de boire.

Ils ont menacé de nous tuer avec la "Douchka" si la grève continuait ! [D’autres étudiants confirment que l’université a menacé d’utiliser cette mitrailleuse de l'ère soviétique, déjà utilisée par les forces de l’ordre contre des manifestants, NDLR]. Nous avons mis fin à la grève à 4 heures du matin le mardi 13 juin.

 

Des forces de sécurité devant l'université d'art de Téhéran le 17 juin.

Le samedi 17, des dizaines d'étudiants qui avaient participé à la manifestation ont été arrêtés chez eux ou près de l'université, tandis que d'autres ont été frappés par les forces de sécurité aux portes de l'université. "V" reprend :

Nous avons ensuite écrit cette lettre ouverte. C'est notre seule réponse à vos restrictions, violences et menaces : "non". Ce "non" est devenu très populaire sur les réseaux sociaux parce que je pense qu'il s'agit d'une réponse simple que presque tout le monde en Iran partage contre l'État. Peu importe ce que vous dites, ce que vous faites ou à quel point vous êtes bruyants, nous n'avons qu'une seule réponse à vous donner : “non".

De nombreux Iraniens ont affiché un "non" sur les réseaux sociaux en signe de soutien aux étudiants de l’Université d’art de Téhéran.

Jusqu'ici, nous avons réussi notre coup : les étudiantes continuent d'aller à l'université sans voile et nous allons passer nos examens de fin d'année. Et s’ils veulent vraiment insister sur le port de la maqna'a, les étudiants feront une nouvelle grève, c’est sûr, parce que nous sommes tous déterminés et unis.

Tous les étudiants arrêtés jusqu'à présent ont été libérés et ceux qui avaient été frappés ont également quitté l'hôpital. Cependant, selon nos sources à l'université, les forces de sécurité tentent à nouveau d'intimider les étudiants en les menaçant par téléphone et en les convoquant pour des interrogatoires.

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