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La Russie ouvre une enquête criminelle après le passage à tabac d'une journaliste en Tchétchénie

Elena Milachina, journaliste qui documente les violations des droits humains, est une bête noire de Kadyrov.

Correspondant à Moscou

Elena Milachina est arrivée tôt mardi matin à Grozny par avion. Journaliste à Novaïa Gazeta, elle était accompagnée d'un avocat, Alexandre Nemov, et tous deux venaient suivre le procès, prévu le jour même, de Zarema Musayeva, la mère de deux opposants du président tchétchène, Ramzan Kadyrov. Leur voiture a été suivie depuis l'aéroport et interceptée par trois véhicules, d'où sont sortis des hommes cagoulés de noir.

La journaliste et l'avocat ont alors été violemment passés à tabac. « Ils nous ont plaqués au sol, ont sorti le chauffeur de la voiture, nous ont attrapés et nous ont fait baisser la tête, puis ils m'ont attaché les mains et nous ont fait mettre à genoux, avec un pistolet sur la tempe », racontera plus tard Elena Milachina depuis l'hôpital de Grozny. Frappée à coups de poing, de pied et avec des tuyaux en polypropylène, elle souffre de fractures aux mains et d'un traumatisme crânien. « Les doigts d'Elena Milachina sont cassés, et elle perd de temps en temps connaissance », a précisé l'organisation Memorial dans un communiqué, ajoutant que « tout son corps est couvert de contusions ».

Lui aussi battu, Alexandre Nemov a reçu un coup de couteau à la jambe. En outre, la journaliste a eu la tête rasée et son visage a été aspergé d'un liquide antiseptique de couleur verte. « On vous a avertis. Partez d'ici et n'écrivez rien », lui auraient crié ses agresseurs. « Il ne s'agit pas d'une attaque de gangs, mais d'une attaque pure et simple contre leurs activités », a confirmé Sergueï Babinets, chef du Comité russe contre les tortures.

C'est qu'Elena Milachena est bien connue en Tchétchénie. Âgée de 44 ans, elle documente de longue date pour Novaïa Gazeta, fleuron du journalisme indépendant, la piètre situation des droits ­humains dans la république dirigée d'une main de fer par Ramzan Kadyrov. Un flambeau brandi naguère par une autre journaliste de Novaïa, Anna Polit­kovskaïa, assassinée, en 2006. L'an dernier, Elena Milachina avait dû temporairement quitter la Russie après des menaces émises par Ramzan Kadyrov, qui l'avait qualifiée de « terroriste ».

Les autorités russes ouvrent une enquête

Mardi, la journaliste et l'avocat Alexandre Nemov devaient assister au procès de Zarema Moussaïeva, 53 ans, la femme d'un ancien juge fédéral russe d'origine tchétchène, Saïdi Iangoulbaïev, devenu opposant à Ramzan Kadyrov. Leurs deux fils, Aboubakar et Ibrahim, exilés à l'étranger, sont également deux figures de proue de l'opposition. En janvier 2022, leur mère a été enlevée par des agents tchétchènes alors qu'elle se trouvait à ­Nijni-Novgorod, en Russie, et emmenée en Tchétchénie, où elle est depuis incarcérée.

Mise en accusation aux fallacieux prétextes d'«escroquerie» et de «recours à la force» contre un policier, elle a été condamnée mardi à cinq ans et demi de prison. « La place de cette famille est soit en prison, soit sous terre », avait déclaré Kadyrov. Le tabassage d'Elena Milachina semble avoir cette fois fortement résonné à Moscou. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé une « attaque très grave qui nécessite des mesures vigoureuses ». Une enquête criminelle a d'ailleurs été ouverte. Commentaire de l'analyste politique Arkady Doubnov : « Cette réaction des autorités est une conséquence, inattendue, de la rébellion d'Evgueni Prigojine . C'est l'occasion d'anticiper la menace d'une autre compagnie militaire privée ; en Tchétchénie, cette fois. »

La Russie ouvre une enquête criminelle après le passage à tabac d'une journaliste en Tchétchénie

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3 commentaires
  • Ludwigvon37

    le

    L’ONU ne dit rien ? Pas un mot ? Le « machin » a pourtant été prompt à critiquer le maintien de l’ordre en France. Les mêmes pieds nickelés que LFI et consorts

  • hibiscus soleil

    le

    On entend pas LFI ni Rousseau

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