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Salaires : Gattaz appelle à la modération
Pierre Gattaz revient sur sa proposition d’un salaire transitoire inférieur au smic et prône une modération salariale de deux ou trois ans pour préserver le bénéfice des allégements de charges.
L'Usine Nouvelle - Votre proposition d’un salaire transitoire inférieur au smic a choqué. Pourquoi avoir mis cette question sur la table ?
Pierre Gattaz - Il y a 3 millions de chômeurs en France, dont une bonne partie de longue durée, et 150 000 jeunes qui sortent du système sans qualification. À la suite de Pascal Lamy et de trois économistes réputés de gauche, j’ai donc proposé de s’interroger sur le niveau du salaire minimum en France. Le smic chargé est de 1 700 euros aujourd’hui en France et j’ai effectivement dit que c’était sans doute une marche d’escalier trop élevée pour recruter des personnes sans qualification. J’ai donc posé une question et proposé une piste de solution : est-ce que l’on pourrait mettre en place un smic transitoire pour certains métiers, permettant aux entreprises de recruter ces personnes sorties du marché du travail tout en garantissant, via un abondement de l’État par exemple, un revenu minimum à ces populations. Cela se fait déjà en Allemagne et aux États-Unis. Pourquoi pas chez nous ?
Avez-vous été blessé par les critiques, y compris dans votre camp, comme celles de Laurence Parisot ?
Pas blessé, mais plutôt choqué. La réaction de Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, m’a marqué : pour lui, le seul fait d’évoquer le sujet constitue un acte de guerre, et il a menacé de mettre tout le monde dans la rue. Dans les entreprises, on fait des brainstorming, on met sur la table toutes les idées, même les plus folles, et après on trie. En France, on est dans la posture, on refuse d’échanger sur des idées. Ma proposition sur le smic, en réponse à la question d’un journaliste, a été caricaturée comme un nouveau "smic jeunes". On a évoqué Balladur, Villepin, on aurait pu remonter à la guerre de 14-18, à la Révolution française... Nous sommes au XXIe siècle, il faut faire preuve de pragmatisme économique. Ces gens qui critiquent si facilement ont-ils créé ou développé une entreprise ? Ont-ils été voir comment les autres pays fonctionnent ? Font-ils des propositions ? C’est dramatique de s’interdire d’étudier des solutions. Moi, j’essaie d’être constructif.
La proposition faite par Manuel Valls de réduire à zéro les charges sur le smic ne répond-elle pas à votre proposition ?
C’est une mesure qui va permettre de créer très vite des emplois dans des secteurs très sensibles au coût du travail comme la grande distribution ou les services à la personne. Ce sont des emplois "tactiques", à création rapide. Mais il faut aussi travailler sur le coût du travail des emplois "stratégiques", ceux qui exigent des techniciens, des managers, des ingénieurs ou des docteurs. Sur ces postes, la France a un coût du travail encore supérieur à ses voisins, malgré le crédit d’impôt recherche.
Il y a donc un problème de salaires en France ?
Nous avons l’un des coûts horaires les plus élevés d’Europe. La France est à 35,30 euros, l’Allemagne à 32,70 euros, l’Espagne à 20,90 euros. Il y a dix ans, ce coût du travail était de 8 % inférieur à celui des Allemands. Nous avons décroché en compétitivité au sein même de l’Europe, c’est cela notre préoccupation.
Est-ce dû à l’augmentation des cotisations ou à la politique salariale menée par les entreprises françaises ?
Les deux tiers de ces écarts sont liés aux augmentations consenties par les entreprises françaises, ainsi qu’à la modération allemande sur les salaires. Le tiers restant est dû à la hausse des cotisations. Notre obsession au Medef, c’est l’emploi qui donne du pouvoir d’achat aux ménages, de l’épanouissement et de la dignité humaine par le travail. Nous prônons la baisse du coût du travail pour remettre l’entreprise à flot. Il faut prendre des mesures pour qu’à long terme l’entreprise se redéveloppe en France. Mais nous oscillons, y compris dans nos entreprises, entre le court terme et le long terme. Nous sommes pris en étau entre la question du pouvoir d’achat immédiat, en augmentant immodérément les salaires, et celle de l’emploi, en jouant la compétitivité à moyen terme. Là où les Allemands ont été bons, c’est qu’ils ont accepté collectivement une modération salariale qui leur a permis de gagner en compétitivité et donc de créer davantage d’emplois à terme.
Demandez-vous aux entreprises d’en passer par une phase de modération des salaires ?
Ces dernières années, les salaires en France ont augmenté plus vite que l’inflation et que la productivité. Petit à petit, nous avons ainsi "mangé" notre avantage compétitif par des augmentations. S’il n’y a pas de modération salariale aujourd’hui en France, les efforts faits sur les baisses de charges n’auront servi à rien. Cette modération n’est pas que de la responsabilité des entreprises. C’est aussi celle de l’État et des syndicats. Si les entreprises doivent faire attention à ne pas investir leurs gains de compétitivité en salaires, l’État, lui, doit être attentif à la fiscalité.
Quand l’État supprime les heures supplémentaires défiscalisées, quand il soumet la complémentaire santé à l’impôt sur le revenu, passe le forfait social sur les rémunérations complémentaires de 8 à 20 %, il nuit au pouvoir d’achat et donc à la modération. Dans ces cas précis, les salariés se retournent naturellement vers leurs employeurs pour compenser leur baisse de pouvoir d’achat. Enfin, les syndicats doivent aussi être raisonnables et ne pas demander l’impossible. Le bénéfice des efforts consentis sur le Cice et les nouveaux allégements ne doivent pas s’évaporer dans des hausses de salaires. La modération salariale pourra être compensée par une fiscalité améliorée pour nos salariés. C’est de la responsabilité du gouvernement.
Vous prônez une modération de dix ans, comme en Allemagne ?
Non, je pense que c’est une question de deux ou trois ans. Je suis optimiste : si la confiance revient parmi les entrepreneurs, nous allons réenclencher un cercle vertueux et nous retrouverons des marges de manœuvre.
Sur les salaires, seriez-vous partisan d’une initiative interprofessionnelle ?
Non, les salaires, c’est de la compétence et de la responsabilité des branches. Nous alertons sur une responsabilité collective de modération salariale. Pour la suite, nous restons dans l’esprit du pacte. Nous proposons trois nouvelles négociations avant la fin de l’année : une sur la simplification du dialogue social dans l’entreprise, une sur le marché du travail et une dernière sur l’intéressement et la participation.
Cette modération des salaires que vous prônez concerne-t-elle aussi les patrons ?
C’est évident. Il y a une exigence d’exemplarité. On ne peut pas demander des efforts aux salariés et ne pas se l’appliquer soi-même. Les patrons de PME et d’ETI que nous représentons le font naturellement. Après, il y a la question des patrons des grands groupes internationaux. Parfois, leurs activités en France ne sont pas en grande forme alors qu’ils ont de bonnes performances à l’international. Moi, je pense que même s’ils sont internationalisés, même si la France ne représente plus qu’une petite part de leur activité, ils doivent modérer leur rémunération par solidarité, parce qu’ils sont à la tête d’un groupe français et parce que l’on demande des efforts à nos concitoyens.
Propos recueillis par Anne-Sophie Bellaiche et Thibaut de Jaegher
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