Les oubliées de la Révolution : Olympe de Gouges pour une "Déclaration des droits de la femme"

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Les oubliées de la Révolution : Olympe de Gouges pour une "Déclaration des droits de la femme"

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Portrait d'Olympe de Gouges, révolutionnaire et féministe d'avant-garde, Aquarelle anonyme du XVIIIe siècle, Musée du Louvre
Portrait d'Olympe de Gouges, révolutionnaire et féministe d'avant-garde, Aquarelle anonyme du XVIIIe siècle, Musée du Louvre
© AFP - Photo Josse / Leemage

Pionnière du féminisme en France, Olympe de Gouges est connue pour ses combats d'avant-garde pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle est parmi les premières révolutionnaires à afficher son engagement politique par sa "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" .

Une féministe avant l'heure qui participa à tous les débats qui cristallisèrent la révolution, avant de s'engager dès la fin de l'année 1792 contre la dérive terroriste d'une révolution qui rendit toute personne en marge des idées des députés Montagnards suspecte d'être contre-révolutionnaire.

Son premier combat contre l'esclavage

Olympe naît à Montauban le 7 mai 1748. Elle a beau être issue de la petite bourgeoisie montalbanaise peu éclairée, elle décide de faire fi des traditions patriarcales de l'époque pour entreprendre une vie indépendante à la hauteur de ses ambitions. Bien que mariée contre son gré, elle parvient à gagner Paris par ses propres moyens. Olympe se rêve femme de lettres et n'entend compter que sur elle-même pour réussir. Elle monte en 1782 sa toute première pièce de théâtre "Zamor et Mirza", dans laquelle elle dénonce l'esclavage des Noirs. Elle prend déjà très tôt des risques politiques considérables en faisant de la question des Noirs et de l'esclavage, le premier grand combat de sa vie. Elle rédige de nombreux textes et brochures sur le sujet, et va même jusqu'à demander un débat à l'Assemblée nationale pour que la traite des Noirs soit abolie en France.

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Pour une déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne

Elle profite des trois premières années de la Révolution, entre 1789 et 1791, pour multiplier les apparitions sur la scène politique, prendre la parole et donner toute la mesure de son engagement politique, inédit dans l'histoire de France. Elle est la seule femme à s'investir autant dans la chose publique. Elle fréquente de nombreux clubs révolutionnaires, notamment la Société des amis des Noirs, le Club des Jacobins et le Club de la Société patriotique des Amis de la vérité, exclusivement féminin celui-là, en plus de suivre la plupart des débats de l'Assemblée nationale législative. Elle considère que la liberté est beaucoup trop inégale entre les hommes et les femmes, et que ces dernières devraient participer plus significativement à la vie politique. Très tôt, elle revendique une réforme du mariage (pour que de religieux, il devienne avant tout civil), le droit au divorce par consentement mutuel, l'égalité en matière de succession, que la Révolution met rapidement en place. Mais si les femmes obtiennent un certain nombre de droits entre 1789 et 1793, les révolutionnaires restreignent le corps politique aux seuls hommes, et excluent les femmes du statut de citoyennes.

Elle, souhaite que soit formulée et codifiée une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui reconnaisse que la femme naît elle aussi naturellement libre et demeure l'égale de l'homme en droit. C'est ainsi qu'elle fait imprimer en septembre 1791 la fameuse "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" (en reprenant la structure de celle d'août 1789) qu'elle adresse d'abord à la reine Marie-Antoinette dans l'espoir ensuite de la présenter à l'Assemblée législative. Mais elle ne veut rien entendre. Olympe de Gouges revendique un traitement égalitaire envers les femmes, son émancipation dans tous les domaines de la vie publique et privée, et donc "que les hommes reconnaissent les droits naturels et inaliénables de la femme égale à l'homme en droits ; Que toutes les Citoyennes, égales à tous les Citoyens, doivent être admissibles à toutes places et emplois publics ; Que nulle femme n'est exceptée par la loi et a le droit de monter sur l'échafaud comme à La Tribune ; Que la femme est libre de ses pensées et de ses opinions".

Un extrait de "La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" réalisée par Olympe de Gouges, 1791
Un extrait de "La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" réalisée par Olympe de Gouges, 1791
- Gallica / BNF

Après la liste des 17 articles de la déclaration, elle rédige un postambule dans lequel elle écrit : "Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits […] Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption, vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l'homme […]"

Autant en emporte l’Histoire
50 min

Contre la mort du roi et l'extrémisme révolutionnaire

La Révolution se radicalise de plus en plus avec la chute de la royauté en août 1792 et la naissance de la Première République. Sans compter l'exacerbation des émotions populaires liées à la guerre extérieure et le coup de force des Montagnards du 31 mai-2 juin 1793 qui pilotent l'arrestation des députés les plus modérés de l'échiquier politique, accusés de trahison contre-révolutionnaire. Un climat de Terreur politique contre lequel Olympe se dresse aussitôt et qui la conduit à soutenir les députés Girondins, stigmatisés par la toute nouvelle Convention Montagnarde, menée par Marat, Robespierre et Danton.

D'ailleurs, elle s'oppose à la mort du roi, comme à tout facteur susceptible de plonger la République dans la guerre civile. Elle propose même de devenir le défenseur officiel du roi pour obtenir un sursis à sa mort, pour exploiter la personne du roi autrement, et mettre les monarchies européennes sous pression. En vain, puisque le roi est condamné à mort par la représentation nationale, et guillotiné le 21 janvier 1793. Par conséquent, Olympe se retrouve très vite stigmatisée et pointée du doigt par les révolutionnaires montagnards au pouvoir qui amalgament toutes celles et ceux qui se sont opposés à la mort de Louis XVI, qu'ils considèrent comme des traîtres en connivence avec les royalistes.

En réaction à l'adoption de la toute nouvelle Constitution de l'an I (1793) sur laquelle les Montagnards souhaitent faire reposer le socle institutionnel de la Première République, Olympe rédige une nouvelle affiche de protestation "Les trois Urnes ou le Salut de la Patrie" juste après l'assassinat de Marat, ce qui lui vaut d'être arrêtée et interrogée le 20 juillet 1793. Une affiche considérée comme attentatoire au régime et à la souveraineté du peuple dans un contexte troublé de guerre civile. Olympe est retenue captive à la prison de l'Abbaye à Saint-Germain-des-Prés jusqu'à son procès expéditif devant le tribunal révolutionnaire qui a lieu le 2 novembre 1793. Sans compter que, dans la foulée, le 30 octobre de la même année, la Convention dissout tous les clubs et sociétés populaires de femmes, systématisant clairement l'exclusion des femmes de la vie politique révolutionnaire.

Olympe de Gouges est guillotinée le 2 novembre 1793. Avec ces affiches qu'elle faisait placarder dans les rues signées courageusement de son nom, elle a inventé une forme inédite d'expression politique tant qu'elle est la première à avoir défendu l'engagement politique des femmes dans l'histoire de la République.

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