Près d’un Européen sur dix ne peut pas s’offrir un repas équilibré régulièrement

En 2022, 8,3 % de la population de l'UE n'étaient pas en mesure de s'offrir un repas équilibré de façon régulière. [addkm / Shutterstock]

En 2022, 8,3 % de la population de l’UE n’étaient pas en mesure de s’offrir un repas équilibré de façon régulière, selon un sondage. Face à cette situation, la Fédération française des Banques Alimentaires demande à la Commission européenne de mettre en place une aide d’urgence.

« Le nombre de personnes se trouvant dans l’incapacité de s’offrir un repas convenable de façon régulière a augmenté en Europe », peut-on lire dans les résultats de la dernière enquête Eurostat publiée le 10 juillet dernier.

L’institut de sondage s’est basé sur la capacité à s’offrir un repas avec de la viande, du poulet, du poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours, un indicateur européen permettant de calculer le taux de privation matérielle et sociale sévère.

Ce type de privation est ainsi passé de 7,3 % de la population de l’UE en 2021 à 8,3 % en 2022.

C’est en Irlande que le taux est le plus bas (1,4 %), suivi du Chypre (1,5%) et de Luxembourg (1,8%). La Roumanie, la Bulgarie et la Slovaquie ferment le ban avec respectivement 22,1%, 21,6% et 15,8% de leur population. La France ? 9,5 %, légèrement au-dessus de la moyenne européenne.

« Cela confirme ce que nous constatons sur le terrain, c’est à dire une augmentation de la précarité alimentaire depuis 2020 », précise à EURACTIV Barbara Mauvilain, responsable du service des relations institutionnelles à la Fédération française des Banques Alimentaires.

Inflation alimentaire

Ces difficultés à se procurer une alimentation équilibrée sont directement liées à l’inflation qui a suivi la crise du Covid et la guerre en Ukraine notamment. En 2022, l’inflation alimentaire s’est élevée à 12,68 % en France, avec une moyenne européenne de 18,2 % selon Eurostat. En Hongrie, l’inflation alimentaire a même atteint 45 % en un an.

Cette baisse de pouvoir d’achat a entraîné un afflux de personne dans les banques alimentaires. Depuis 2020, la Fédération française des Banques Alimentaires compte 30 % de demandeurs supplémentaires, et 9 % entre 2021 et 2022. L’association accompagne 2,4 millions de personnes, sur les 5 millions qui ont recours à l’aide alimentaire en France.

Un phénomène perceptible dans toute l’Europe. Selon l’organisme Pour la solidarité, près de 16 millions d’Européens sont en situation de dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire fournie par les diverses organisations caritatives.

La capacité de s’offrir un repas convenable fait pourtant partie des objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations Unies en 2015, rappelle la Commission européenne dans sa communication.

Populations plus hétérogènes

Le sondage Eurostat montre également que la part de personnes « à risque de pauvreté » alimentaire – par rapport au reste de la population – a également augmenté ces dernières années, passant de 17,3 % à 19,7 % en Europe.

Si les pays comme la Bulgarie (44,6 %) ou la Roumanie (43 %) affichent des proportions élevées, la France (24,5 %) et l’Allemagne (24 %) figurent parmi les 10 pays où cette pauvreté est la plus prononcée, du fait de l’accroissement de la précarité sociale et professionnelle.

Pour Barbara Mauvilain, la perte d’un emploi devient la cause principale de l’accès à l’aide alimentaire, qui s’ajoute aux causes déjà connues des services sociaux et alimentaires – séparation, divorce, maladies.

« Nous accueillons de plus en plus de personnes qui ont un emploi et un logement. Et parmi eux, 60 % ont un CDI, généralement à temps partiel », ajoute Mme Mauvilain.

Selon une étude de l’institut CSA publiée fin février, plus d’un tiers des personnes accueillies dans les banques alimentaires s’y rendent depuis moins de six mois. L’alimentation est devenue le deuxième poste de dépenses des personnes accueillies, derrière le logement, et désormais devant les factures d’eau et d’énergie.

Soutien européen à l’aide alimentaire et REACT-UE 2

Fin octobre 2022, la Commission européenne a adopté un nouveau programme de Soutien européen à l’aide alimentaire (SEAA) du Fonds social européen plus (FSE+).

Ce programme de 647 millions d’euros sur la période 2022-2027 permet aux États de lutter contre la précarité alimentaire. En France, c’est le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l’Agriculture (FranceAgriMer) qui fournissent des produits aux quatre associations habilitées : Croix rouge, Banques alimentaires, Restos du cœur et Secours populaire.

« C’est un outil précieux », insiste Barbara Mauvilain. 20 % des produits des Banques alimentaires sont de cette manière financés par l’UE, le reste est assuré par divers acteurs nationaux (État, grande distribution, industriels, producteurs, particuliers).

« Ce financement pluriannuel apporte une stabilité, et une visibilité concernant les produits que l’on pourra distribuer dans l’année », ajoute-t-elle.

Malgré une légère augmentation du budget de 587 millions d’euros (2014-2020) à 647 millions (2022-2027), celui-ci n’est pas suffisant pour certains, à l’instar de l’eurodéputé Emmanuel Maurel qui a récemment demandé à la Commission européenne de l’augmenter.

« La précarité alimentaire a triplé en 10 ans, 2,4 millions de personnes en souffraient en 2022. L’Europe peut – et doit – faire plus pour leur venir en aide ! » a-t-il exprimé sur Twitter.

De son côté la Fédération française des Banques Alimentaires souhaiterait que l’UE renouvelle le plan de relance mis en place pour lutter contre les conséquences de la crise Covid, REACT-UE, qui s’est achevé en 2022. Le Fonds social européen avait alors apporté 182,3 millions d’euros à la France dont une partie pour l’aide alimentaire.

« La situation est au moins aussi importante, voire plus que pendant le Covid, les chiffres d’Eurostats le montrent. Il serait donc légitime de lancer un REACT-UE 2, notamment pour lutter contre la précarité alimentaire en Europe », conclut Barbara Mauvilain qui estime les besoins à 150 millions d’euros pour les quatre grands réseaux associatifs.

Selon les dernières projections de la banque de France, l’inflation alimentaire devrait baisser progressivement jusqu’à 4 % au dernier trimestre 2023, avant un retour à 2 % d’ici 2025. Pas de quoi rassurer les acteurs de l’aide alimentaire qui rappellent que les prix ne vont pas diminuer pour autant.

Coûts de l'alimentation : une étude révèle les inégalités entre les consommateurs de l'UE 

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