FAKE OFFLe don aux Restos du cœur de Bernard Arnault sera-t-il défiscalisé ? Non

Restos du cœur : Comme pour Notre-Dame, le don de Bernard Arnault ne sera pas défiscalisé

FAKE OFFLa polémique sur la défiscalisation possible du don de Bernard Arnault aux Restos du cœur a très vite enflé sur les réseaux sociaux
Bernard Arnault lors de la présentation des résultats annuels du groupe LVMH, le 26 janvier 2023, à Paris.
Bernard Arnault lors de la présentation des résultats annuels du groupe LVMH, le 26 janvier 2023, à Paris.  - NICOLAS MESSYASZ/SIPA / NICOLAS MESSYASZ/SIPA
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Le don de 10 millions d’euros de Bernard Arnault aux Restos du cœur a beaucoup fait réagir. De nombreux posts pointent que le « geste ne lui coûtera que 3,4 millions d’euros » en raison de réduction d’impôts.
  • Mais ce don « ne donne lieu à aucune défiscalisation », a indiqué Jean-Charles Tréhan, le directeur des relations extérieures de LVMH sur X.
  • Ce qui n’empêche pas le groupe de luxe de bénéficier d’autres réductions d’impôts comme pour la fondation Louis Vuitton.

Certains dons font plus de bruit que les autres. Le milliardaire Bernard Arnault et sa famille ont annoncé lundi 4 septembre verser une aide de 10 millions d’euros aux Restos du cœur, qui connaît des difficultés financières. Mais sur les réseaux sociaux, cette annonce a beaucoup fait réagir en raison de la défiscalisation dont pourrait bénéficier la famille Arnault : « Elle bénéficiera de 66 % de crédit d’impôts payé par le contribuable soit 6,6 millions d’euros. Son geste généreux ne lui coûtera donc que 3,4 millions d’euros pour une couverture médiatique hors de prix. » Cet argument a été repris par des députés insoumis, comme Manon Aubry ou Bastien Lachaud.

En 2019, une polémique du même type

Mais ce don « ne donne lieu à aucune défiscalisation », a indiqué Jean-Charles Tréhan, le directeur des relations extérieures de LVMH sur X (anciennement Twitter). Selon Libération, le don proviendra de la holding familiale Agache, qui contrôle le groupe de luxe. En avril 2019, une polémique du même type avait déjà eu lieu : après l’incendie de Notre-Dame, la première fortune française avait aussi promis 200 millions d’euros, concrétisés par la signature d’une convention en septembre 2019.

Et comme pour les Restos du cœur, il avait été annoncé que ce don ne serait pas défiscalisé. Devant les actionnaires du groupe réunis en AG, Bernard Arnault avait indiqué que « la loi sur le mécénat ne s’applique [rait] pas » aux dons effectués par le groupe LVMH et par la holding familiale Arnault, rapportait Le Monde.

Une loi très incitative qui favorise le mécénat d’entreprise

C’est à travers la loi Aillagon, adoptée en 2003, qu’une telle défiscalisation est possible. Elle permet une réduction d’impôt à un taux élevé (60 %). Ces dons ont une certaine limite : ils ne peuvent pas dépasser sur un exercice un plafond de 20.000 € ou de 0,5 % du chiffre d’affaires annuel hors taxe de l’entreprise donatrice si ce dernier montant est plus élevé. Si le plafond est dépassé, l’excédent peut être étalé au maximum sur les cinq années suivantes, indique le site service-public.fr.

C’est un des mécanismes de mécénat « les plus incitatifs sur le plan international », relevait, en 2018, un rapport sur le soutien public au mécénat d’entreprises de la Cour des comptes. La défiscalisation à hauteur de 66 %, comme mentionné dans les posts sur les réseaux sociaux, s’applique aux particuliers qui donnent à des organismes d’intérêt général ou reconnu d’utilité publique.

La fondation Louis Vuitton, « un cas exceptionnel par son ampleur »

Si les dons à Notre-Dame ou aux Restos du cœur ne sont pas défiscalisés, le groupe LVMH bénéficie de la défiscalisation par ailleurs. Un cas « exceptionnel par son ampleur » a été scruté par la Cour des Comptes en 2018, celui de la fondation d’entreprise Louis Vuitton, créée par LVMH. La fondation utilise un des mécanismes de la loi Aillagon, « qui permet à un groupe de sociétés de faire des dons à sa propre fondation et d’avoir des réductions fiscales du fait de ses dons », explique Elise Van Beneden, présidente de l’association Anticor.

Selon le rapport 2018 de la Cour des comptes, la fondation Louis Vuitton a bénéficié « de 518,1 millions d’euros [d’exonération fiscale] pour les onze premiers exercices, soit 47,1 millions d’euros par an en moyenne », ce qui représenterait en ordre de grandeur « environ 8,1 % de la dépense fiscale totale de l’Etat au titre du mécénat des entreprises sur la période ».

« Un système d’optimisation interne à un groupe d’entreprises »

« C’est un système d’optimisation interne à un groupe d’entreprises, souligne Elise Van Beneden. Dans le groupe LVMH, vous allez avoir chaque société qui donne ce qu’elle veut, qui bénéficie d’une réduction d’impôt très importante et qui peut aussi avoir un échelonnement de l’avantage fiscal sur cinq ans. »

L’association avait essayé d’avoir accès aux comptes de la fondation Louis Vuitton, mais sa demande a été rejetée par le Conseil d’Etat en octobre 2022. L’institution a estimé que la protection de la vie privée s’appliquait aux personnes morales. N’ayant reçu aucune subvention publique, la fondation n’a pas à communiquer ses comptes. « Un paradoxe » regrette Anticor, qui estime que les dons à la fondation octroyant une réduction fiscale, « c’est parce que son activité est d’intérêt général et non privé ».

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