Pauvreté : un Français sur trois s'est déjà privé de repas faute de moyens, selon une étude

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Pauvreté : un Français sur trois s'est déjà privé de repas faute de moyens, selon une étude

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Les antennes du Secours Populaire font face à une explosion du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire en 2023, de 20 à 40% selon les lieux.
Les antennes du Secours Populaire font face à une explosion du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire en 2023, de 20 à 40% selon les lieux.
© Radio France - Valérie Mosnier

L'inflation alimentaire, qui dépasse les 11% entre août 2022 et juillet 2023, d'après l'Insee, contraint de plus en plus de Français à réduire leur nombre de repas ou à acheter moins de viande ou de fruits et légumes frais, selon le baromètre Ipsos pour le Secours populaire, publié ce mercredi.

Quand manger trois fois par jour devient impossible. Selon le baromètre* réalisé par l'institut Ipsos pour le Secours populaire et publié ce mercredi, 32 % des Français ne sont pas toujours en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour, et 15% déclarent même ne plus pouvoir assurer régulièrement petit-déjeuner, déjeuner et dîner, faute de moyens.

La précarité alimentaire continue de progresser, révèle ce baromètre, qui fait alors écho à la situation des  Restos du Cœur, contraints de réduire le nombre de bénéficiaires de leurs distributions en raison de difficultés financières et de l'explosion de la demande.

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"On est loin du stéréotype de l'homme ou de la femme qui fait la manche et ne mange pas à sa faim", réagit Jean Stellittano, secrétaire national du Secours Populaire. "Quand 15% des Français déclarent sauter des repas régulièrement, on est sur un segment beaucoup plus large de la population, qui touche aussi les classes moyennes inférieures, des étudiants. Un peu comme quand la mer monte, ceux qui avaient les pieds au sec il y a encore deux ou trois ans sont aussi touchés par la marée. Cela veut dire que chacun d'entre nous, dans son entourage, connaît quelqu'un qui se prive."

Près d'un Français sur deux se prive de viande ou de fruits et légumes frais

La grande majorité des Français interrogés (84%) recherchent systématiquement les petits prix et les promotions dans les rayons pour faire des économies, et deux-tiers vont faire leurs courses dans des enseignes de hard discount.

Leur réfrigérateur est aussi moins rempli : 43% déclarent avoir des difficultés financières pour manger des fruits et légumes frais tous les jours, soit 16 points de plus qu'en 2018, avant la crise sanitaire et l'inflation due à la reprise économique et la guerre en Ukraine. Près d'un Français sur deux ne prend pas régulièrement (16%) ou parfois (31%) de viande dans son caddie, pour des raisons financières. Les résultats du baromètre "confirment les constats récents des acteurs de la grande distribution", ajoute Jean Stellittano. "Dans les rayons, c'est l'arbitrage permanent. On prend de la viande une fois par semaine au lieu de deux."

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La proportion de Français obligés de se priver est encore plus forte chez les plus précaires, dont le revenu mensuel net du foyer n'excède pas les 1200 euros. Deux sur trois ne consomment pas de fruits et légumes frais tous les jours, une part en hausse par rapport au baromètre 2022. Et 57% d'entre eux ne gagnent pas assez pour se procurer une alimentation saine leur permettant de faire trois repas par jour, soit 10 points de plus que l'an dernier.

Une augmentation des difficultés à prendre en charge les dépenses quotidiennes

Au-delà de l'alimentation, près d'un Français sur deux déclare aussi avoir du mal à faire face aux dépenses pour ses enfants (fournitures scolaires, vêtements, cantine, loisirs...), à payer ses factures d'énergie ou encore certains actes médicaux pas totalement pris en charge par la Sécurité sociale. Des chiffres jamais vus depuis la création du baromètre de la pauvreté et de la précarité, au milieu des années 2000.

"Supermarchés de la pauvreté"

Face à ce constat, Jean Stellittano appelle les pouvoirs publics à agir, en simplifiant notamment le recours aux aides sociales et en rétablissant le bouclier tarifaire sur l'énergie pour les plus précaires. "Ce n'est plus le problème des associations humanitaires là pour aider ponctuellement les personnes en difficulté", souligne le secrétaire national du Secours populaire. "On est dans une problématique sociétale, structurelle. Des salariés ne sont plus en capacité de vivre dignement. Ils ne peuvent même plus se rabattre sur les enseignes de hard discount. Nous, associations, devenons les supermarchés de la pauvreté, et nous n'avons pas la capacité de l'être."

Après l'appel à l'aide des Restos du Cœur, le ministère des Solidarités a tenu à préciser que l'État a consacré 156 millions d'euros à l'aide alimentaire en 2023, dont 6 millions destinés au Secours Populaire. Du palliatif, du saupoudrage selon Jean Stellittano, qu'il faudra sûrement renouveler l'année prochaine, pour soutenir les associations confrontées à l'afflux de nouveaux bénéficiaires.

*Le 17e baromètre de la pauvreté et de la précarité a été réalisé par l'institut Ipsos pour le Secours populaire, auprès d'un échantillon de 996 personnes représentatives de la population française, les 17 et 18 juin 2023, par téléphone.

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