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Quotidien

Vin, tomates, farine… Un site pour calculer son empreinte pesticides

Des fruits bio sur un marché en plein air à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, le 8 juillet 2023.

Combien de mètres carrés sont arrosés de pesticides pour produire les fruits et légumes que nous mangeons ? Un calculateur en ligne permet désormais de le savoir. Et de choisir les produits les moins nuisibles.

Pour chaque kilogramme de riz bio consommé, 4 m2 de terre sont en moyenne préservés des pesticides. La surface est la même pour chaque kilo de sucre acheté, de 9 m2 pour chaque kilo de farine de blé englouti, de 12 m2 pour chaque litre de vin, etc. Manger bio ne fait pas du bien qu’à votre santé, mais également à la biodiversité.

C’est ce qu’entend rappeler le calculateur d’empreinte pesticides mis en ligne depuis un peu plus d’un mois. Il a été développé par le cabinet d’experts de l’agroécologie Solagro, avec le soutien de la fondation Ecotone — un groupe agroalimentaire pionnier du bio, possédant notamment les marques Bjorg et Bonneterre.

Le calculateur propose, pour une trentaine de produits végétaux (salade, tomate, pomme de terre, farine de blé, riz, huiles, sucre, différents fruits, etc.), d’indiquer la quantité de bio et de non-bio achetée. Particuliers, restaurateurs, entreprises de l’agroalimentaire ou responsables de cantines sont invités à l’utiliser.

On peut y indiquer d’un coup, sur plusieurs lignes, le contenu d’une longue liste d’achats. Il indique alors combien de m2 ont été arrosés de pesticides pour faire pousser les aliments achetés. Ou mieux, combien ont été préservés. « L’idée est que tout un chacun puisse facilement calculer son empreinte, pour se rendre compte de l’effet de sa consommation sur l’utilisation de pesticides, explique Aurélien Chayre, ingénieur agronome chez Solagro. Et donc de l’importance de manger bio. »

Le bio à la peine

Une action loin d’être inutile, puisque la dernière expertise collective publiée en France en 2022 par l’Institut national de la santé et la recherche médicale (Inserm), qui analysait plus de 4 000 études sur les effets des pesticides, a confirmé de manière accablante la pollution de tous les milieux et leurs conséquences dramatiques sur les insectes et oiseaux. « Les études disponibles permettent d’affirmer que les produits phytos sont une des causes majeures du déclin des populations », résumait pour Reporterre Stéphane Pesce, chercheur en écotoxicologie à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

Pour 20 kg de tomates non bio achetées, 16 m² de terres ont été traités avec des pesticides. Flickr/CC BY-NC-SA 2.0/Kate

Malgré cela, « en 2022, seulement 10,7 % de la surface agricole française était cultivée en agriculture biologique pour un objectif de 20 % selon le plan Ambition bio du gouvernement, rappelle Solagro. Alors que la loi Egalim avait fixé un objectif de 20 % de produits bio en restauration collective au 1er janvier 2022, nous n’étions qu’à 6 % selon l’Agence bio. » L’objectif de réduction des pesticides fixé à moins 50 % d’ici 2025 est, lui, un fiasco ; les ventes ayant plutôt augmenté.

Lire aussi : Magasins bio, des fermetures en cascade

Face à ce constat, Solagro a tenté de développer un outil fiable. Si la base de données Agribalyse, de l’Agence de la transition écologique (Ademe), permet déjà de calculer les effets environnementaux des produits alimentaires, elle a été très critiquée, notamment parce qu’elle n’incluait pas les conséquences des pesticides sur la biodiversité. « Dans toutes les méthodes d’analyse de cycle de vie, les pesticides ne sont pas assez pris en compte », regrette Aurélien Chayre. De quoi, donc, corriger le tir.

108 m2 préservés avec de la pomme de terre bio

Les ingénieurs agronomes se sont pour cela appuyé sur une recension de l’utilisation des pesticides en France, commune par commune, qui a donné la carte Adonis. Elle a été croisée avec les « indices de fréquence de traitement » (IFT). « On a la chance en France d’avoir des données sur combien de fois on épand des pesticides pour chaque produit cultivé, explique Aurélien Chayre. Et ceci, pour les produits conventionnels comme pour les produits bio. »

Ne manger que de la pomme de terre bio permet de préserver 108 m2 de terres chaque année. Flickr/CC BY 2.0/allispossible.org.uk

Les traitements effectués avec des produits dits de biocontrôle, c’est-à-dire à base de substances naturelles, ont été retirés du calcul. En parallèle, les ingénieurs ont aussi compilé les rendements des produits bio et non bio pour savoir quelle surface, en moyenne, permet de produire un kilogramme de chaque aliment. C’est l’association de ces deux facteurs qui permet de calculer, pour chaque aliment, combien de m2 sont cultivés avec ou sans pesticides, selon s’il est bio ou non bio. Les données françaises ont été retenues, sauf pour les oranges et les olives, majoritairement importées : là, les données espagnoles ont été utilisées.

Ainsi, selon le calculateur, ne manger que de la pomme de terre bio permet de préserver 108 m2 chaque année (en considérant qu’un Français mange en moyenne 50 kilos de pomme de terre par an), privilégier la pomme bio épargne 54 m2 chaque année (pour 16,6 kilos consommés par an).

L’entreprise Ecotone, qui soutient le projet via sa fondation, a de son côté pu calculer un « indice des pesticides évités », basé sur « le nombre de traitements chimiques évités et le nombre d’hectares préservés », indique son service de presse. Elle aurait ainsi évité l’épandage de pesticides sur 90 000 hectares et 304 609 traitements aux pesticides de synthèse en 2021.

Bientôt d’autres produits de base ?

En utilisant le calculateur, vous remarquerez que certains produits bio ont tout de même une empreinte pesticides. Car certains sont traités. « Cela vient essentiellement du cuivre, utilisé en bio, explique Aurélien Chayre. Aujourd’hui, avec les données dont on dispose, on n’est pas capable de faire la différence entre les différents pesticides. Mais on sait que 50 m2 impactés en bio contre autant en conventionnel, cela ne veut pas dire la même chose. Il y a une différence de toxicité. »

Par ailleurs, en moyenne, les cultures bio reçoivent 0,07 traitement par an (ou par cycle de culture) contre 2,39 en conventionnel, a calculé Solagro [1].

Autre limite, pour l’instant seuls trente produits sont inclus dans le calculateur. Certains aliments de base tels que les pâtes n’y figurent pas, de même que les produits issus d’animaux (œufs, lait, viande).

« Le calcul est plus complexe pour les produits transformés et animaux, justifie Aurélien Chayre. 1 kilo de viande peut mobiliser des surfaces en herbe, en tourteau de soja importé, en maïs… On a fait le choix de commencer avec une première liste de produits pour lesquels on a des données robustes et, si tout va bien, on complétera. »

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