Rose Lamy : "Tous les hommes bénéficient d’un système qui tolère ou excuse les violences sexistes"

L'auteure Rose Lamy, créatrice du compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre" - Éditions Lattès
L'auteure Rose Lamy, créatrice du compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre" - Éditions Lattès
L'auteure Rose Lamy, créatrice du compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre" - Éditions Lattès
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Connue pour son analyse du discours sexiste dans les médias, Rose Lamy a découvert récemment dans sa propre histoire familiale les racines de son engagement. Dans son nouveau livre, elle casse le mythe du bon père de famille.

Après avoir travaillé dans la musique et la communication, Rose Lamy a créé en 2019 le compte Instagram « Préparez-vous pour la bagarre », suivi aujourd’hui par près de 230 000 personnes. Son premier livre, Défaire le discours sexiste dans les médias (Lattès, 2021 ; Points, 2022), a rencontré un large succès commercial et critique. Elle revient aujourd'hui avec un nouveau livre plus personnel, En bons pères de famille (JCLattès).

Rose avait 4 ans quand son père est mort d’une maladie cardiaque. Elle n'a pas de souvenir, seulement une image vague d'un bon père, d'« ouvrier en galère qui a réussi à avoir sa boulangerie » comme le dit sa nécrologie. Son père, un bon père de famille, un homme statistiquement normal qui battait sa femme.

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Que cache la formule "bon père de famille" ? Pourquoi cette expression est utilisée autant dans les médias quand on parle d'un homme violent ou de violeurs ?

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L'histoire de Rose Lamy

Il y a encore trois ans, Rose Lamy travaillait pour la SNCF. Aujourd'hui, elle est militante féministe, gère la page Instagram Préparez vous pour la bagarre et a écrit deux essais féministes.

Elle a été très engagée dans le féminisme avant d'apprendre que son père était violent, comme si elle s'était armée pour affronter une vérité douloureuse, sans le savoir. Elle raconte dans l'émission : "Mon père est mort d'une maladie cardiaque quand j'avais quatre ans. Et ce que je raconte dans le livre, c'est que moi, je n'ai pas de souvenir de lui. J'ai un récit qu'on a fait de lui par mes proches et on en a fait une description d'un héros. J'avais un article de presse dans l'album de famille, qui avait été écrit le jour de son décès pour dire à quel point il était apprécié de la communauté, à quel point c'était un bon père de famille et, moi, j'ai grandi avec cette image-là toute ma vie. (...) Et puis de fil en aiguille, j'apprends qu'il avait été violent avec ma mère et effectivement, la question de parler des morts se pose. Parce que si ma mère n'en avait jamais parlé avant, ni à moi ni à mes sœurs, c'était un peu par loyauté aussi." Elle ajoute : "Pour pas que j'en aie une mauvaise image, pour que personne n'ait une mauvaise image. Et puis elle devait nous entendre avec mes sœurs en parler comme d'un héros. Et elle a dû se dire 'Maintenant, c'est trop tard, laissons-la dans cette vérité'." Puis elle a été d'accord pour en parler et a même grandement contribué au livre de Rose Lamy.

En bon père de famille

Dans ce récit à la première personne, Rose Lamy décrit à travers son père, ces hommes qui ne sont ni des monstres, ni des héros. Elle montre comment les bons pères de famille, en tant qu’individus et en tant que classe sociale, maintiennent le silence autour des violences intrafamiliales. Elle fait l'hypothèse que les violences des bons pères de famille sont toujours présentées comme des anomalies, des dérapages, des accidents et que ça nous permet, en tant que société, de ne pas regarder les violences faites aux femmes, les violences intrafamiliales en face.

Pourtant, dans Le Parisien, en 2021, Gérald Darmanin annonçait que la première cause d'intervention du GIGN et du RAID en France était pour libérer des enfants et femmes, "pris en otage par des bons pères de famille". Le ministre de l'Intérieur parle aussi du fait que les violences intrafamiliales, ce sont 45 interventions de la police par heure en France, donc une toutes les 30 minutes. Rose Lamy n'a jamais compris que ces chiffres ne fassent pas scandale, que le pays ne s'arrête pas de tourner.

Ce qu'elle décrit spécifiquement dans le livre, c'est un soutien implicite aux pères de famille qui, quand ils sont violents ou quand ils font du mal, ont juste dérapé. Rose Lamy explique : "C'est un groupe d'hommes qui a potentiellement rien en commun sur l'échiquier politique, sur les valeurs, mais qui se retrouvent pile-poil au même endroit pour avoir un discours de résistance au féminisme et à MeToo. (...) En fait, une des théories principales de ce que j'appelle le discours des bons pères de famille, c'est de dire les violences sexistes, ce n'est pas nous, ce sont les autres et les autres, ce sont les monstres, les rôdeurs de parking, les tueurs de joggeuses, enfin des monstres sauvages qui s'attaqueraient aux personnes aléatoirement dans l'espace public. Et donc encore une fois, statistiquement, ce n'est pas ce qu'on observe depuis MeToo. Ce ne sont pas du tout les témoignages qu'on. Ce sont deux visions des violences qui s'affrontent."

Elle précise : "Je ne dis pas que tous les hommes, individuellement, sont violents. Par contre, tous les hommes bénéficient d'un système ou d'une ambiance ou d'un climat qui tolèrent ou excusent pour certains les violences sexistes. Et donc je pense qu'on a tous une responsabilité, les femmes aussi, de s'interroger sur la violence de genre à plus grande échelle que juste soi, et je pense qu'on peut tous potentiellement être violents."

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

  • Question qui fâche : peut-on mal parler des morts quand leur corps est encore chaud ?

La question d’aujourd’hui revient à chaque fois qu’une mort médiatique survient. À l’âge des réseaux sociaux, on ne peut pas vraiment reposer en paix.

On se souvient de l'hommage polémique rendu à Silvio Berlusconi une fois celui-ci décédé, de Gérard Darmon dénonçant l'antisémitisme du metteur en scène Jean-Luc Godard tout juste disparu, ou des moqueries visant feu la reine d’Angleterre sur Twitter, trois secondes après sa mort. Et plus récemment encore, Nahel, qui n'a pas pu se reposer deux minutes sans que sa vie soit décortiquée sur Internet.

Alors qu’on vit dans une société qui nie de plus en plus la mort, que la grande faucheuse n’a plus le respect qu’elle mérite : Est-il vraiment indispensable de cracher sur les morts, alors que la terre qui les recouvre est encore chaude ?

On répond à cette question avec une femme qui a fait de la mort une de ses spécialités : on l’appelle Jack Parker ou Taous Merakchi, et elle est la productrice du   podcast “Mortel” chez Nouvelles Écoutes. Pour elle, la mort n'est pas un totem d'immunité.

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