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Quotidien

Punaises de lit : comment s’en débarrasser sans insecticides

Les punaises de lit sont difficiles à déloger. Pour autant, utiliser un insecticide est déconseillé. Des alternatives existent, sans que le recours à un professionnel soit forcément nécessaire. Notre guide en six étapes.

Démangeaisons, angoisses, insomnies… Celles et ceux qui ont dû cohabiter avec des punaises de lit témoignent souvent avoir vécu l’enfer. Cet insecte suceur de sang aurait infesté jusqu’à 11 % des ménages français entre 2017 et 2022, d’après une enquête menée par des experts au sein de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Il est aussi devenu la bête noire des hôtels, des locations saisonnières, des cinémas ou encore des hôpitaux.

Des insecticides souvent inefficaces, et dangereux pour la santé

Les soupçons arrivent avec les premières piqûres. Le réflexe des victimes est souvent d’aller acheter un produit insecticide. C’est une erreur pour au moins trois raisons. Primo, les punaises sont peu à peu devenues résistantes à ces biocides, comme l’explique l’Anses dans un avis publié en juillet dernier, et le produit risque d’être inefficace. « Désormais, seuls les insecticides à base de régulateurs de croissance, autrement dit des perturbateurs endocriniens, s’avèrent efficaces », constate Jean-Michel Berenger, entomologiste à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, et spécialiste de l’insecte.

Deuxio, qu’il s’agisse de régulateurs de croissance ou de pyréthrinoïdes, la famille d’insecticides la plus courante, tous présentent des dangers pour la santé en cas de mauvais usage. Entre 2007 et 2021, l’Anses a répertorié plus de mille cas d’exposition à un produit de lutte contre les punaises de lit, dont douze cas d’intoxication grave et un décès, essentiellement à cause de molécules interdites en France. L’entomologiste marseillais estime pour sa part qu’« utiliser des perturbateurs endocriniens dans les logements pose question, notamment si des femmes enceintes ou des enfants y vivent ».

Troisième raison de se passer des insecticides : d’autres solutions, plus écolos, existent. Dans son avis de juillet dernier, l’Anses estime qu’« il est nécessaire de privilégier les méthodes de lutte alternatives aux insecticides chimiques » pour limiter les risques d’intoxication, la hausse de la résistance aux insecticides ainsi que les effets sur l’environnement.

Agir soi-même… à condition d’être motivé et rigoureux

« On n’a pas forcément besoin d’insecticides pour se débarrasser des punaises de lit ni de faire appel à un professionnel de la désinsectisation », assure Jean-Michel Berenger. Il constate que les particuliers réussissent la plupart du temps à les éliminer par eux-mêmes… s’ils sont motivés et rigoureux dans le nettoyage. Catherine Lecourt, gérante de la société de désinsectisation Ô Punaise, à Paris, confirme : « Les gens peuvent réaliser eux-mêmes le traitement, même si ce n’est pas facile et que cela demande d’être très concentré et consciencieux. »

La première chose à faire est de ne pas agir à la hâte. Par exemple, il est fortement déconseillé de jeter son matelas, sous peine de propager la contamination ailleurs dans le logement ou l’immeuble. De la même façon, il ne faut pas se précipiter sur n’importe quelle recette dite « naturelle » sans réfléchir. Les huiles essentielles peuvent ainsi avoir un effet répulsif contre-productif : « Il sera toujours plus facile de se débarrasser de cent insectes dans un lit que de trente insectes dans la chambre, trente insectes dans le salon et encore trente insectes dans la chambre des enfants », explique Jean-Michel Berenger.

Les piqûres des punaises se situent uniquement sur les parties du corps découvertes. La punaise n’ira jamais piquer sous le drap ou sous le pyjama. Flickr / CC BY-NC-ND 2.0 / Michael Hrabar

Pour mettre toutes les chances de son côté, voici un protocole à suivre en six étapes. Attention, omettre l’une de ces étapes peut conduire à l’échec, préviennent les experts.

  • 1re étape — S’assurer que les piqûres sont bien celles de punaises

Cela peut être difficile à établir si aucun insecte n’a été observé. La punaise est discrète en journée. Les « faux positifs » sont fréquents, selon Jean-Michel Berenger. Les piqûres de punaises sont parfois confondues avec celles de pyémotes, un acarien méconnu et invisible à l’œil nu, ou encore avec la gale.

Quelques indices peuvent cependant vous aider à identifier la présence de punaises de lit. Leurs piqûres sont alignées ou regroupées. Elles se situent uniquement sur les parties du corps découvertes. La punaise n’ira jamais piquer sous le drap ou sous le pyjama (contrairement aux pyémotes). Attention, certaines personnes ne développent aucune réaction en cas de piqûres. Des traînées de sang sont parfois visibles sur les draps. Et des traces de déjection peuvent aussi imprégner le tissu ou former « un petit amas plus ou moins pâteux semblable à une tache d’encre », précise l’Institut national d’étude et de lutte contre la punaise de lit (Inelp), structure qui regroupe des acteurs concernés par cette problématique.

Lire aussi : Les punaises de lit, un fléau nocturne qui n’épargne personne

Si aucun de ces indices n’est visible, il est recommandé de faire appel à une société de détection canine, « un outil efficace » juge l’Anses. Le chien, spécifiquement dressé à cette recherche, permettra de savoir s’il s’agit bien de punaises. Ce qui évitera de se lancer dans un traitement inutile.

  • 2e étape — « Fixer l’infestation »

Il faut circonscrire l’infestation à une zone, généralement la chambre — l’endroit préféré des punaises qui se nourrissent uniquement la nuit. Pour éviter qu’elles ne se dispersent dans le logement, une seule solution : ne rien faire sortir ni entrer dans la chambre infestée. « Et il faut surtout continuer à dormir dans la pièce », insiste l’entomologiste. Si on s’installe sur le canapé du salon, les bestioles vont suivre et envahir cette deuxième pièce.

  • 3e étape — Décontaminer les vêtements, les objets et le petit mobilier

Pour cela, il s’agit de les transporter dans des sacs hermétiques ou de les entourer de film plastique. Les vêtements doivent être lavés à 60 °C. S’ils sont fragiles, on peut les passer au congélateur à -20 °C pendant trois jours, comme les petits objets. Il est également possible d’utiliser une chambre froide pour le petit mobilier, voire un caisson chauffant (sorte de tente pliable et démontable) en se rapprochant d’un désinsectiseur.

  • 4e étape — Aspirer méticuleusement et passer un nettoyeur-vapeur

Le matelas, le lit, autour du lit, dans la chambre… tout doit être aspiré. Puis, on enferme soigneusement le sac d’aspiration dans un sac hermétique et on le jette. Il faut ensuite passer un nettoyeur-vapeur dont la chaleur va permettre de tuer les spécimens et les œufs qui ont échappé à l’aspirateur. Les punaises ne résistent pas au-delà de 48 °C. « Il faut passer le nettoyeur seulement après l’aspirateur, quand la plupart des punaises ont déjà été supprimées, car le jet pourrait les propulser plus loin du lieu d’infestation », prévient Jean-Michel Berenger. La vapeur va pénétrer dans tous les interstices où les punaises peuvent se cacher, et les tuer.

  • 5e étape — Utiliser du dioxyde de silicium synthétique ou de la terre de diatomée

Optez pour ces produits en complément du traitement thermique pour atteindre les punaises les mieux cachées. Des études ont montré que les silicates étaient plus efficaces contre les punaises de lit que les pulvérisations à base de pyréthrinoïdes. Par ailleurs, ces produits ne présentent qu’un risque faible pour l’environnement, selon l’analyse de l’Anses, et sont moins dangereux pour la santé que les insecticides classiques, à condition de respecter les conditions d’utilisation du fabricant.

« Je les utilise plutôt en spray qu’en poudre, pour traiter les armatures du lit, les vis, tous les endroits stratégiques », détaille Jean-Michel Berenger. Le dioxyde de silicium va absorber la graisse de la punaise et conduire à sa dessication. La terre de diatomée, elle, est abrasive et va provoquer la mort des punaises par hémorragie. Pour les endroits confinés, comme les prises et les goulottes électriques ou l’arrière des plinthes, on peut utiliser ces produits en poudre. « Attention, on a tendance à trop en mettre, il faut juste en étaler une couche infime à l’aide, par exemple, d’un pinceau à maquillage, type blush », conseille l’entomologiste. Avec des gants et un masque, et en veillant à bien refermer les prises, recoller les plinthes et aspirer l’éventuel surplus de produit.

  • 6e étape — Surveiller

Une fois le protocole appliqué, il faut rester vigilant. Il est conseillé de faire appel à une société de détection canine pour vérifier l’efficacité du traitement.

La tâche vous semble insurmontable ? « Si on ne se sent pas capable de réaliser ce travail, on peut faire appel à un désinsectiseur », dit Jean-Michel Berenger. Il existe désormais de plus en plus d’entreprises qui proposent des prestations sans insecticides. C’est le cas de Ô Punaise. « À titre personnel, je ne voulais pas utiliser de produits chimiques », explique Catherine Lecourt, la fondatrice. Depuis cinq ans, la société ne travaille qu’avec la détection canine et l’action mécanique et thermique, selon un protocole adapté à chaque situation. Du sur-mesure, pas forcément accessible à toutes les bourses.

Si aucun de ces indices n’est visible, il est recommandé de faire appel à une société de détection canine, « un outil efficace » juge l’Anses. SEDCPL

Mais les résultats seraient probants. « Nous avons 100 % de réussite sans avoir jamais eu recours à un insecticide. Plus que les outils, c’est surtout la technique et les connaissances sur la punaise de lit qui comptent. Savoir l’identifier, la tracer… » La plupart du temps, les insectes sont éradiqués en une seule intervention, assure-t-elle. Et si elle utilise de la terre de diatomée, c’est d’abord pour rassurer les clients qui pensent que l’insecticide reste indispensable. Jean-Michel Berenger relève, de son côté, que « la Ville de Marseille a passé un appel d’offres imposant aux sociétés de désinsectisation de ne pas utiliser de produits chimiques ». Signe que les mentalités commencent à évoluer ?

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