Limites planétaires : l'eau bleue dans le rouge

L'eau douce est divisée en deux entités : l'eau bleue qui coule dans les cours d'eau et l'eau verte contenue dans les plantes et les sols. ©Getty - Daniel A. Leifheit
L'eau douce est divisée en deux entités : l'eau bleue qui coule dans les cours d'eau et l'eau verte contenue dans les plantes et les sols. ©Getty - Daniel A. Leifheit
L'eau douce est divisée en deux entités : l'eau bleue qui coule dans les cours d'eau et l'eau verte contenue dans les plantes et les sols. ©Getty - Daniel A. Leifheit
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Les neuf limites planétaires décrivent des seuils à ne pas dépasser pour exploiter les ressources de la Terre de manière durable. Une sixième limite vient d'être franchie, celle de l'eau douce.

Avec
  • Agnès Ducharne Directrice de recherche CNRS, UMR METIS - IPSL

Les limites planétaires découlent des travaux de Rome et du célèbre rapport Meadows, nommé "Les limites à la croissance" paru en 1972. Elles marquent des frontières, au-delà desquelles on exploite de façon non durable les ressources de la Terre. Elles sont au nombre de neuf ou dix, selon les définitions — et elles englobent tous les processus qui régulent ensemble la stabilité de la planète — et toutes les pollutions, au sens large du terme, qui les perturbent.

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Sciences Chrono
28 min

Des limites difficiles à caractériser

On y trouve en premier lieu le changement climatique, ensuite les cycles de l’azote et du phosphore, l'acidification des océans, la crise de biodiversité, le changement d’usage des sols, l’eau douce, l’ozone, la pollution chimique et atmosphérique. Comment estimer précisément la limite à ne pas dépasser pour protéger chacune de ces ressources ? Réponse avec Agnès Ducharne, hydroclimatologue à l’IPSL et directrice de recherche au CNRS : "Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que pour l'instant, quand même, ce concept des limites planétaires, ça reste un concept qui est plutôt fait pour penser la durabilité. Et en fait, c'est très difficile à caractériser précisément, notamment avec des chiffres bien quantifiés. Et les auteurs le reconnaissent dans tous leurs articles. Ils essayent de faire cette quantification parce qu'on a l'habitude dans nos sociétés de réfléchir à base de chiffres et que voilà, quand on dit qu'on dépasse une limite, c'est marquant, mais ces limites sont difficiles à caractériser. Alors, le principe général pour toutes les limites planétaires, c'est d'essayer de comparer le fonctionnement actuel, fortement impacté par les activités humaines, avec un fonctionnement plus ancien, a priori pas ou peu impacté par les activités humaines. Ça revient un petit peu à ce qui est fait par le GIEC pour estimer le réchauffement de la planète, et sachant que le réchauffement de la planète, sachant que le changement climatique dû aux émissions à gaz et à effet de serre, c'est une des limites planétaires."

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La Science, CQFD
58 min

Une sixième limite dépassée

Toutes ces études reposent sur de la modélisation — chacune d’entre elles vise à établir la variation d’exploitation de ces ressources et à déterminer si elles sont dépassées. Les données sont donc actualisées en permanence. Deux  études, dont  l’une encore en prépublication, dévoilent que pour la première fois, la limite planétaire de l’eau douce, en particulier l’eau bleue, celle qui voyage dans les cours d’eau, est à présent dépassée.

Agnès Ducharne : "Sur l'eau douce, ils ont comparé le fonctionnement actuel avec le fonctionnement d'il y a 150 ans. Ils ont montré qu'il y a plus de 15 % des surfaces continentales actuelles où les ressources en eau disponibles à l'heure actuelle sont différentes de manière notable des conditions qui existaient avant les interventions humaines sur l'environnement. C'est comme ça qu'ils documentent qu'il y a 15 % de la planète qui a dépassé les limites planétaires, ce qui amène à dire que c'est suffisant pour considérer que finalement la limite planétaire globale est atteinte. Donc ça ne veut pas dire que partout sur la planète, on est rentré dans des gammes de fonctionnement non durables, mais qu'il y a une grande partie déjà, puisque plus de 15 % c'est beaucoup, c'est un sixième en fait, de la planète est maintenant non durable du point de vue des ressources en eau."

La Conversation scientifique
58 min

Une réversibilité inconnue

L’eau bleue est dans le rouge et elle n’est pas la seule. Six des neuf limites sont déjà dépassées — pour faire simple, citons les seules qui ne le soient pas : la couche d’ozone, parce qu’on l’a protégée dans les années 90 et les deux dernières, l'acidification des océans et les polluants de l’air sont encore dans le vert — mais proches des seuils d’alerte.

Ces franchissements sont-ils réversibles ? Pourra-t-on revenir en arrière ? Nous ne le savons pas encore. D’autant que toutes ces ressources planétaires ne se renouvellent pas à la même vitesse, pas aux mêmes échelles de temps. Pour le changement climatique, nous savons d’ores et déjà que sans diminuer considérablement nos émissions de CO2, cette limite restera dépassée pendant des centaines d’années. Pour le cycle de l’eau, en revanche, c'est un peu différent, car c’est une ressource renouvelable rapidement, un levier d’action est donc possible. Mais il faut retenir que les dépassements s’enchaînent sans pour l’instant de retour arrière, ce qui signifie que nous allons dans la mauvaise direction.

La Méthode scientifique
58 min

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