Neurosciences

Un programme fitness… pour le cerveau !

Un entraînement cérébral individualisé associé à un traitement de neurofeedback – le « brain fitness program » – remet efficacement en forme les neurones et améliore ainsi les troubles de l’humeur, de l’attention, de la mémoire, du sommeil…

CERVEAU & PSYCHO N° 158
entrainement cérébral

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À ce jour, il n’existe malheureusement aucun médicament à la fois universel et efficace contre l’hyperactivité, les pertes de mémoire, le stress et l’anxiété, les troubles du sommeil. Et pourtant, ces symptômes que chacun peut connaître dans sa vie sont exacerbés avec l’âge et chez les personnes atteintes de maladies psychiatriques, que ce soit de troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), de dépression, de stress post-traumatique, mais aussi de maladies neurodégénératives, comme Alzheimer, ou victimes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Alors pourquoi ne pas se tourner vers des approches non médicamenteuses pour traiter ces symptômes mentaux ?

C’est ce que prônent Majid Fotuhi, de l’université George-Washington, et ses collègues en révélant que leur brain fitness program, ou programme de remise en forme cérébral, à raison de deux séances par semaine pendant trois mois, est efficace chez tous les volontaires (au total 223), âgés de 7 à 80 ans, qui ont bien voulu l’expérimenter : 60 à 90 % des participants ont amélioré leurs performances à des tests des fonctions cognitives et tous ont constaté une diminution de leurs troubles mnésiques, attentionnels, émotionnels ou du sommeil. Parmi les sujets, 71 (adultes et enfants) souffraient de TDAH, 88 de symptômes cognitifs persistants plus de trois mois après une commotion cérébrale ou un AVC, comme des troubles de l’attention, anxieux et de l’apprentissage, et 64 de troubles mnésiques liés au vieillissement cérébral, sans que personne ne présente de maladies psychiatriques graves, comme la schizophrénie, la démence ou les troubles autistiques.

Jeux et neurofeedback

En quoi consiste le programme fitness pour le cerveau ? D’abord, les chercheurs ont évalué les fonctions neurocognitives des sujets : tests de mémoire verbale, d’attention, de vitesse de traitement et de fonctionnement exécutif (planification et raisonnement). Les participants ont aussi rempli des questionnaires scientifiques concernant leur sommeil, leur humeur, leur stress, leur alimentation et leur exercice physique, et leur diagnostic psychiatrique a été confirmé. Ils ont aussi été soumis à des enregistrements de leur activité cérébrale par électroencéphalographie (EEG), avant, pendant et après le programme fitness.

Chaque séance de la semaine consistait, d’abord, en 45 minutes de coaching cérébral personnalisé ; certaines séances – de psychoéducation – visaient à ce que chacun adopte un meilleur comportement au quotidien vis-à-vis de l’alimentation (par exemple, en suivant un régime méditerranéen), du sommeil, de l’exercice physique, ainsi que de la gestion du stress, par exemple avec la pratique de la méditation. D’autres séances étaient consacrées à des entraînements cognitifs grâce à des jeux cérébraux sur ordinateur ou réels, ayant pour objectif d’améliorer l’attention, la mémoire, la vitesse de traitement ou les fonctions exécutives, comme la planification ou l’inhibition. Selon les troubles rencontrés par chaque sujet, il s’agissait de jeux d’échecs, de dames, de Sudoku, Scrabble, Memory… ou bien d’exercices de mémorisation de listes de 100 mots, entre autres.

Puis ce coaching et cet entraînement cérébral étaient suivis de 45 minutes de thérapie par neurofeedback où, grâce à l’EEG, chaque participant était capable de visualiser son activité cérébrale en temps réel pour apprendre à la « maîtriser ». Ainsi, si une personne était atteinte d’un trouble anxieux, elle voyait sur un écran les ondes cérébrales correspondant à cet état et s’efforçait de les « faire disparaître » en temps réel, par exemple en pratiquant des exercices de respiration. De même, pour un patient souffrant d’un trouble de l’attention : il observait les fréquences cérébrales associées tout en réalisant un jeu nécessitant d’être concentré.

Résultat après douze semaines de ce programme fitness : tous les volontaires ont vu leurs troubles mentaux – anxiété, inattention, perte mnésique, insomnie… – diminuer et tous ont amélioré leurs performances cognitives, notamment exécutives, les meilleurs résultats étant obtenus avec des changements de comportements quotidiens salutaires : davantage de sport, une meilleure alimentation, un sommeil plus stable…

Le fitness mental augmente la plasticité cérébrale

Comment ce programme de remise en forme agit-il ? On sait désormais que l’activité physique, une bonne alimentation et un sommeil réparateur sont bénéfiques à la santé non seulement physique, mais aussi mentale, et que les exercices cognitifs en tout genre – Sudoku, Memory… – améliorent la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives, la vitesse de traitement… La combinaison de ces interventions agit à plusieurs niveaux, tous stimulant, au bout du compte, ce que l’on nomme la « plasticité cérébrale ». D’abord, les chercheurs ont constaté une amélioration du flux sanguin cérébral, permettant un meilleur approvisionnement des cellules en glucose (source d’énergie) et en oxygène. On observe aussi une diminution du cortisol sanguin, une hormone du stress, et de l’inflammation cérébrale – que l’on sait délétères pour les neurones –, ainsi qu’une augmentation des facteurs de croissance des neurones, comme le BDNF, et de l’élimination des déchets cérébraux par le système dit « glymphatique ». Par ailleurs, l’entraînement cérébral accroît la quantité de vaisseaux sanguins dans le cerveau et la neurogénèse – la production de nouveaux neurones –, ainsi que leurs ramifications et le nombre de synapses, leurs zones de connexion. D’où une diminution de l’atrophie du cerveau liée à l’âge, voire un développement de la surface de certaines régions, en particulier, chez certains sujets de cette expérience, du cortex préfrontal et de l’hippocampe, respectivement impliqués dans les fonctions exécutives et la mémorisation.

Toutefois, selon les chercheurs, d’autres études utilisant des données issues d’IRM cérébrales et de biomarqueurs sanguins seront nécessaires pour identifier les mécanismes biologiques exacts mis en jeu par ce programme fitness. Malgré tout, il serait temps de considérer ce dernier comme une thérapie contre de nombreux troubles mentaux ou contre le vieillissement cérébral, afin de réduire la consommation de médicaments ou lorsque celle-ci n’est pas indiquée chez un patient.

Un programme fitness… pour le cerveau !

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2 pages 178.38 Ko
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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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