Garantir le secret des sources

La journaliste Ariane Lavrilleux a passé 39 heures en garde à vue ©AFP - Thomas SAMSON
La journaliste Ariane Lavrilleux a passé 39 heures en garde à vue ©AFP - Thomas SAMSON
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La journaliste Ariane Lavrilleux a passé 39 heures en garde à vue ©AFP - Thomas SAMSON
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C'est une offensive judiciaire et gouvernementale contre le secret des sources qui tombe au plus mauvais moment.

A la veille des Etats généraux de l’information qui devraient s’ouvrir la semaine prochaine sous le haut patronage de l’Elysée et de Reporters Sans Frontières, quoi de mieux pour détendre l’atmosphère que quelques arrestations de journalistes.

Et c’est ainsi que mardi dernier, vers 6 h du matin, des enquêteurs ont débarqué au domicile de la journaliste Ariane Lavrilleux et l’ont placée en garde à vue qui a duré 39 heures.

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En cause : une enquête qu’elle a publiée dans Disclose prouvant que des informations transmises par le renseignement militaire français à l’Egypte dans le cadre de la coopération anti-terroriste avaient été détournées par le régime pour réprimer ses opposants.

Quelques heures après qu’Ariane Lavrilleux ait été relâchée, ce sont trois journalistes de Libération qui ont été convoqués

Ismaël Halissat, Fabien Leboucq et Antoine Schirer, ont été convoqués pour être entendus en tant que suspects par la brigade criminelle de la police judiciaire de Lille. En cause cette fois-ci, une série d’articles sur la mort d’Amine Leknoun, tué par un policier de la BAC en juin dernier. Dans leur enquête, les journalistes de Libération soulignent les manquements de l’IGPN et de la juge d’instruction dans la conduite des investigations.

Tous ces articles dénoncent une vérité dérangeante et aucun n’a été démenti. Traiter leurs auteurs comme suspects pour avoir fait leur métier, les soumettre à un interrogatoire brutal pour découvrir leurs sources, franchit une ligne rouge qui n’aurait pas dû être dépassée.

Ces pratiques contre le journalisme par les autorités en France ont ravivé des souvenirs anciens

J’ai connu ce genre d'intimidations, puisqu’avant de devenir directeur de Libé j’étais le directeur du quotidien israélien Haaretz. Un de mes journalistes, Uri Blau, avait été mis en examen pour avoir révélé que l’armée avait falsifié des documents judiciaires pour pouvoir mener des opérations illégales dans les territoires palestiniens.

J’avoue ne pas m’être attendu à trouver de pareilles brutalités en France. On les accusait d’être un 4ème pouvoir, voici les journalistes français maintenant soupçonnés d’être une 5ème colonne. Ce message anti-démocratique résonne dans le monde entier. Le président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, ne s’y est pas trompé ce weekend. Interrogé à l’ONU sur l’arrestation arbitraire du journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, il a rappelé l’arrestation en France de la journaliste Ariane Lavrilleux pour illustrer la parfaite légitimité de celle du journaliste congolais.

Au classement mondial de RSF sur la liberté de la presse, La France est cette année à la 23e place; elle était 11ème il y a vingt ans. Il est temps de rejoindre les pays occidentaux qui ont inscrit le secret des sources journalistiques dans la loi et d'arrêter notre dégringolade.

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