Le nettoyage ethnique, arme de guerre dans le Caucase

Les habitants arméniens du Haut Karabakh ont pris le chemin de l’exode vers l’Arménie, après leur défaite face à l’armée azerbaïdjanaise. ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
Les habitants arméniens du Haut Karabakh ont pris le chemin de l’exode vers l’Arménie, après leur défaite face à l’armée azerbaïdjanaise. ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
Les habitants arméniens du Haut Karabakh ont pris le chemin de l’exode vers l’Arménie, après leur défaite face à l’armée azerbaïdjanaise. ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
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Dans quelques jours il ne restera sans doute plus d’Arméniens au Haut Karabakh, un nettoyage ethnique qui s’inscrit dans une longue histoire. La République autoproclamée défaite par l’Azerbaïdjan a annoncé sa dissolution, signant ainsi son échec historique.

C’est une tragédie post-soviétique, mais aussi le reflet du dérèglement inquiétant du monde. L’histoire retiendra la dissolution de la République autoproclamée d’Artsakh, le Haut-Karabah, annoncée hier par ses dirigeants défaits. Mais elle retiendra surtout ce nouveau nettoyage ethnique de masse, une pratique moyenâgeuse qui se perpétue, de guerre en guerre.

Les images de l’exode des Arméniens de l’enclave du Haut Karabakh, reprise par l’armée azerbaïdjanaise, sont pathétiques. Plus de la moitié des 120 000 habitants de l’enclave ont déjà pris le chemin de l’Arménie - la République, leur seul refuge. Ils abandonnent tout derrière eux, avec la certitude de ne plus jamais revenir.

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Encore quelques jours, et ils seront sans doute tous partis. Pas un Arménien ne voudra rester sous domination azerbaidjanaise. Le nettoyage ethnique aura été achevé, une régression tragique que rien ni personne, dans le contexte actuel, ne peut empêcher.

L’Azerbaïdjan a repris en 24 heures de combats, la semaine dernière, le contrôle de cette enclave qui lui échappait depuis trois décennies. Il a utilisé la force à un moment où il n’y a plus ni gendarme, ni même d’arbitre des conflits.

C’est le produit d’une longue histoire, mais aussi de la géographie

Géopolitique
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Et aussi d'un enchevêtrement des peuples qui se moque des frontières. Une histoire multiséculaire en effet, qui a été gelée à l’époque soviétique.

A la fin des années 80, lorsque le carcan soviétique s’est assoupli, puis en 1991 lorsqu’il a volé en éclat, les vieux conflits ont repris le dessus. Les revendications territoriales entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont provoqué la guerre et les premiers exodes. Selon les historiens, il y a eu à cette époque le départ en masse de près de 200 000 Azeris qui vivaient en Arménie, et de 300 000 Arméniens installés en Azerbaïdjan.

Puis, lorsque l’Arménie a gagné la guerre en 1994, de nouveau, des centaines de milliers d’Azeris et de Kurdes ont dû fuir leurs villages autour du Haut Karabakh. Ils sont devenus des déplacés en Azerbaïdjan. Jusqu’en 2020, et la première victoire de Bakou.

Ces vies ballotées au gré des guerres sont les vraies tragédies d’un monde qui n’a pas su progresser et permettre la coexistence de peuples différents. Un échec total.

Est-ce la fin de cette histoire ? On peut craindre que ça ne soit pas terminé. La carte de la région montre d’autres abcès. L’Azerbaïdjan possède ainsi une enclave peuplée d’Azeris, le Nakhitchevan, au sud de l’Arménie, près de la Turquie. Bakou réclame un couloir pour relier ses deux territoires - couloir passant sur le sol arménien, mais aussi en bordure de l’Iran. S’il pousse son avantage pour obtenir ce passage stratégique, la guerre menace.

Le rôle de l’Iran est assez fascinant : la République islamique est en fait proche de l’Arménie chrétienne, contre l’Azerbaïdjan musulman. L’explication tient à la présence d’une forte minorité azeri en Iran, jusqu’au quart de la population, et au soutien d’Israël à l’Azerbaïdjan.

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Cette complexité humaine, géographique, stratégique, fait de cette région une terre de conflit. Le nettoyage ethnique fait hélas partie de l’arsenal guerrier. Tout est de nouveau à reconstruire afin d’éviter le prochain conflit.

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