Aux États-Unis, des diététiciens font scandale. Payés par les lobbies de l’agroalimentaire, ils font la promotion de produits sucrés sur les réseaux sociaux, rapporte le quotidien américain “The Washington Post”.
Aux États-Unis, des diététiciens font scandale. Payés par les lobbies de l’agroalimentaire, ils font la promotion de produits sucrés sur les réseaux sociaux, rapporte le quotidien américain “The Washington Post”. DESSIN DE MARTIRENA, CUBA.

États-Unis. Des diététiciens influenceurs vendus au lobby de l’agroalimentaire

Les réseaux sociaux sont un excellent média pour diffuser de la connaissance. Mais ils sont aussi la cible de personnes malhonnêtes.

Comme le souligne The Washington Post, des diététiciens font la promotion, aux États-Unis, de produits sucrés après avoir été payés par les lobbies de l’agroalimentaire. Comme le groupe American Beverage Association, qui représente Coca-Cola et PepsiCo.

Selon l’enquête menée par “The Washington Post” et “The Examination”, au moins 35 posts de diététiciens sur les réseaux sociaux ont été financés par le groupe American Beverage.
Selon l’enquête menée par “The Washington Post” et “The Examination”, au moins 35 posts de diététiciens sur les réseaux sociaux ont été financés par le groupe American Beverage. PHOTO STAS KNOP/PEXELS

D’après l’enquête que le quotidien américain a menée avec The Examination (un média non lucratif spécialisé en santé publique), ces influenceurs rémunérés encouragent la consommation de sucreries et de produits sucrants, comme l’aspartame.

Ils véhiculent ainsi des “messages qui vont à l’encontre de décennies de preuves scientifiques sur l’alimentation saine”, assène le journal.

L’industrie agroalimentaire cible des diététiciens agréés dont les comptes sur les réseaux sociaux cumulent plusieurs millions d’abonnés, rapporte le Washington Post.

Cette stratégie a permis aux lobbies d’étendre leur influence. Et d’atteindre les adolescents qui s’informent sur les réseaux sociaux.

“En payant des diététiciens agréés, qui sont des professionnels de la santé spécialisés en nutrition, l’industrie agroalimentaire s’étend au-delà de la sphère d’influence classique. Elle exploite le prestige des experts pour véhiculer des messages publicitaires.”

Le quotidien américain The Washington Post

Steph Grasso, dont le compte TikTok cumule 2,4 millions de followers, fait partie des influenceurs spécialisés en diététique les plus populaires.

Elle rend ses vidéos attrayantes en en soignant la forme : elle fait du playback sur des chansons populaires tout en présentant ses recettes sucrées.

Des lycéennes à Berkeley (en Californie), en octobre 2014. Cette année-là, l’industrie du soda a dépensé 1,4 million de dollars à Berkeley pour empêcher le vote d’une taxe sur les boissons sucrées, rapportait à l’époque le quotidien “The New York Times”. La mesure a tout de même été votée, et la juridiction de Berkeley est devenue la première des États-Unis à adopter une telle mesure, plus tard rejointe par Philadelphie, en 2017.
Des lycéennes à Berkeley (en Californie), en octobre 2014. Cette année-là, l’industrie du soda a dépensé 1,4 million de dollars à Berkeley pour empêcher le vote d’une taxe sur les boissons sucrées, rapportait à l’époque le quotidien “The New York Times”. La mesure a tout de même été votée, et la juridiction de Berkeley est devenue la première des États-Unis à adopter une telle mesure, plus tard rejointe par Philadelphie, en 2017. PHOTO JIM WILSON/THE NEW YORK TIMES

Cette méthode est pernicieuse : la nature publicitaire des posts n’est pas systématiquement précisée. Dans les commentaires de plusieurs vidéos, le Washington Post relève que des internautes remettent en cause l’intégrité des diététiciens.

Dans une de ses vidéos TikTok, Lindsay Pleskot, une diététicienne agréée de Vancouver (au Canada) se met en scène en train de manger des cookies en se moquant des conseils scientifiques pour réduire sa consommation de sucre.

Dans un e-mail qu’elle adresse au Washington Post, elle raconte avoir d’abord eu honte de travailler avec les lobbies du sucre. Elle prétend toutefois avoir une mainmise totale sur ses contenus : “Mon intégrité est la chose la plus importante pour moi.”

Les diététiciens contactés pour cet article n’ont pas voulu dévoiler les sommes qu’ils touchent. Mais certains assurent percevoir des milliers de dollars pour une vidéo, rapporte le Washington Post. Un montant qui peut être multiplié par dix pour les influenceurs les plus populaires.

Selon les données du Bureau of Labor Statistics, en 2022, un diététicien américain percevait un salaire annuel moyen de 66 450 dollars, soit environ 62 000 euros.—

Marlene Schwartz, directrice de l’organisation de recherche sur la sécurité alimentaire Rudd Center for Food Policy and Health de l’université du Connecticut, résume ainsi ces pratiques dans le “Washington Post” : “Ce que font ces lobbies en un mot, c’est payer des diététiciens pour qu’ils fassent leur marketing à leur place.”
Marlene Schwartz, directrice de l’organisation de recherche sur la sécurité alimentaire Rudd Center for Food Policy and Health de l’université du Connecticut, résume ainsi ces pratiques dans le “Washington Post” : “Ce que font ces lobbies en un mot, c’est payer des diététiciens pour qu’ils fassent leur marketing à leur place.” DESSIN DE MARTIRENA (DÉTAIL), CUBA.