« Plus de 700 décès d’enfants de moins d’un mois pourraient être évités chaque année en France »

La Société française de néonatologie a dévoilé des résultats « très préoccupants » sur l’état des services de soins critiques en néonatologie. Elle alerte sur l’urgence à réorganiser ces unités.

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Un service de réanimation en néonatologie dans la maternité d'un hôpital en France.
Un service de réanimation en néonatologie dans la maternité d'un hôpital en France. © Amélie Benoist/Image Point FR/BSIP via AFP

Temps de lecture : 4 min

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« C'est comme si les décès des nouveau-nés ne comptaient pas en France », dénonce le professeur Jean-François Rozé, président de la Société française de néonatologie (SFN). Pourtant, les données épidémiologiques sont alarmantes. À l'opposé des tendances observées dans la plupart des pays occidentaux, la mortalité des enfants de moins d'un an augmente en France depuis dix ans. Notre pays a ainsi dégringolé de la troisième à la vingtième position du classement européen.

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Or cet excès de mortalité est en grande partie lié à des décès survenant au cours du premier mois de vie. « Cela représente 74 % des cas, sachant que la première semaine de vie concentre presque 50 % des décès, détaille le professeur Rozé. Si nous affichions un taux de mortalité néonatale comparable à ceux des meilleurs élèves, comme la Suède, entre 700 et 800 décès d'enfants de moins de 28 jours pourraient être évités chaque année en France », estime encore le professeur Rozé.

Augmentation du risque de mortalité chez les grands prématurés

Dans ce contexte, la SFN a décidé de dévoiler, cette semaine, des résultats « très préoccupants » sur l'état des services de soins critiques en néonatologie en France. Selon plusieurs études qu'elle a menées entre 2021 et 2023, ces unités chargées de la prise en charge des nouveau-nés les plus fragiles – grands prématurés, souffrant de malformations congénitales ou de pathologies liées à un accouchement compliqué… – pâtissent d'un nombre de lits insuffisant, d'un sous-effectif devenu chronique et d'un taux d'occupation extrêmement élevé.

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En juin 2023, en moyenne 5 % des quelque 1 500 lits du secteur ont été touchés par des fermetures par manque de personnel. Ce pourcentage, qui peut sembler faible, doit être mis en perspective avec un taux d'occupation moyen des lits qui varie entre 91,3 et 93,8 %. En 2023, près de la moitié des services de soins critiques en néonatologie rapportent un taux d'occupation supérieur à 95 %.

« C'est une donnée qui doit alerter. En effet, il est clairement démontré que les taux d'occupation élevés sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés », souligne la professeure Elsa Kermorvant, qui a coordonné l'audit de la SFN.

Globalement, l'offre de soins critiques « reste insuffisante », selon l'experte. D'ailleurs, la quasi-totalité des quelque 70 services dits de types 3 – qui assurent soins intensifs et réanimation – a tenu à participer aux enquêtes réalisées par la SFN, témoignant de « l'inquiétude de tous nos collègues », pointe encore le spécialiste.

De plus en plus de nouveau-nés pris en charge en services de soins critiques

L'état du système de santé français n'est pas le seul facteur mis en cause dans l'excès de mortalité enregistré par notre pays. D'autres hypothèses sont évoquées, comme l'augmentation de l'âge des mères, celle des grossesses multiples ou encore la précarité grandissante de certaines d'entre elles. Mais une chose est sûre : le nombre d'enfants nécessitant des soins dans ces services augmente alors que près d'un service sur deux affiche au moins deux postes de pédiatre néonatologiste vacants.

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Cela s'explique notamment par le recul des limites d'âge pour la prise en charge de l'extrême prématurité et le nombre croissant de grossesses poursuivies alors que le fœtus est atteint d'une malformation grave et incurable (+ 200 % en dix ans, d'après les données de l'Agence de la biomédecine). Or, contrairement à la réanimation adulte et pédiatrique, les soins critiques en néonatologie n'ont pas bénéficié d'une nouvelle organisation avec la publication de nouveaux décrets en 2022.

Profils d'enfants hospitalisés plus complexes

Comment expliquer l'immobilisme constaté depuis 1998 ? « La réanimation adulte a été sous le feu des projecteurs lors du Covid-19 ; celle en pédiatrie est régulièrement dans l'actualité avec les épidémies de bronchiolite. Les soins critiques pour les nouveau-nés sont comme invisibles ou trop souvent confondus avec la réanimation pédiatrique. Cela nous dessert », regrette Elsa Kermorvant.

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En appliquant les ratios fixés par les décrets de 1998 – un infirmier pour deux lits en réanimation, un infirmier pour trois en soins critiques –, la SFN constate un sous-effectif infirmier pour près de 60 % des journées. « Ces ratios sont dépassés car certains soins et profils d'enfants hospitalisés sont devenus plus complexes et chronophages, analyse Elsa Kermorvant. Si l'on applique la grille d'évaluation des soins utilisée au Québec, et régulièrement citée comme une référence, ce sont 70,5 % des journées qui affichent un sous-effectif infirmier. »

Entre le constat épidémiologique accablant pour la France et les données préoccupantes sur les difficultés de fonctionnement des services, « la révision de l'organisation des soins critiques en néonatologie est devenue une urgence », insistent, en chœur, les représentants de la SFN. Jusqu'ici, le ministère de la Santé n'a pas réagi.

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Commentaires (4)

  • guy92

    OK pour sauver des nouveaux nés mais quel intérêt si on en fait des handicapés

  • INTERSTELLAR

    La Terre est déjà surpeuplée d’êtres humains.

  • sensdesmots

    Cet article pose deux questions : la validité de données globales qui ne disent rien de précis sur les causes, et donc sur les actions a mener. Le postulat habituel du manque de moyens vient trop facilement tout expliquer. Par ailleurs, si ces praticiens ont identifié ce problème, n’est-ce pas a eux d’abord d’apporter des solutions, de réorganiser leur service, sans toujours attendre la directive écrite du President de la République ?