Marie-Laure Piazza devant le CSM : "le ministre a les mains sales"

Une affaire peu banale à la Cour de cassation ©AFP - Amaury Cornu / Hans Lucas
Une affaire peu banale à la Cour de cassation ©AFP - Amaury Cornu / Hans Lucas
Une affaire peu banale à la Cour de cassation ©AFP - Amaury Cornu / Hans Lucas
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Une magistrate est poursuivie devant le Conseil supérieur de la magistrature pour divers manquements déontologiques à l'époque où elle présidait la cour d'appel de Cayenne. Une procédure "représailles" de son ministre, dénonce-t-elle à l'audience.

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C'est une affaire pas banale qui a été jugée cette semaine dans une salle feutrée de la cour de cassation, hôte du Conseil supérieur de la magistrature pour les audiences disciplinaires. Pas banale parce que c’est la première fois qu’une première présidente comparait ici, elle est même la première cheffe de cour à être poursuivie depuis 1996. Marie-Laure Piazza est magistrate depuis plus de 30 ans, au parquet puis au siège. Châlons-en-Champagne, Valence, Verdun, Toulon, Mamoudzou, Bastia, partout où elle a exercé, il n’y a que des éloges. Capacités exceptionnelles, infatigable, sens élevé de ses fonctions, force de caractère peu commune, maitrise de soi, "elle a l’étoffe d’une cheffe de juridiction", lit-on dans les rapports.

En 2017, elle obtient donc ce poste de première présidente à Cayenne, une des juridictions les plus sinistrées de France, et elle se bat pour développer la justice des mineurs, pour ouvrir une cité judiciaire à Saint-Laurent-du-Maroni, pour rendre la justice guyanaise attractive, pour obtenir un poste d’assistant informatique ou encore en veillant à ce qu’il y ait toujours du papier dans les toilettes. Elle veut faire avancer les choses, et que ça avance vite, "je ne suis quand même pas allée à Cayenne pour toucher les indemnités" résume-t-elle.

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Mais certains de ses collègues vont peu à peu la décrire trop exigeante, clanique, manipulatrice, humiliante

En 2021, le garde des Sceaux commande un examen de situation et l’année suivante, la première ministre lance un rapport d’enquête administrative, qui va donc conduire Marie-Laure Piazza à quitter son poste et à se retrouver aujourd’hui devant cette audience disciplinaire.

Audience discip-lunaire devrait-on dire. Les reproches portent sur des mails qu’elle n’aurait pas dû rédiger ainsi, sur des initiatives qu’elle n’aurait pas dû engager de la sorte, avec des témoignages parfois anonymes, parfois insuffisamment caractérisés. L’ancien procureur général de Cayenne, qui a travaillé trois ans avec Marie-Laure Piazza est sidéré par cette situation.

- J’ai eu avec elle le fonctionnement le plus harmonieux de ma carrière, témoigne Francis Nachbar, qui dénonce une procédure malhonnête, instrumentalisée et pervertie.

Mais diable, qui en veut autant à Marie-Laure Piazza ?

Dans le prétoire
3 min

La magistrate a bien sa petite idée - doux euphémisme. Car le 26 septembre 2016, alors qu’elle préside un procès d’assises tendu à Bastia, elle croise dans une coursive du palais de justice un des avocats de la défense qui lui adresse, je cite, des clins d’œil appuyés, et des mouvements de langue sur ses lèvres en se grattant la braguette. Sous le choc, Marie-Laure Piazza établit un rapport, déclenche une enquête, l’avocat est sanctionné d’un rappel à la loi. Et quatre ans plus tard, l’avocat est devenu garde des Sceaux.

- Dès sa nomination, je me suis dit que s’il pouvait me nuire, il le ferait, se souvient la magistrate.

- Ce dossier disciplinaire n’est qu’une affaire de représailles, se fâche son avocat. Il n’y a aucun fait contre ma cliente, que les mains sales de M. Dupond Moretti et l’instrumentalisation d’une administration pour régler ses comptes caractériels. C’est crapuleux, plaide Me Saint-Pierre.

Le représentant de la Chancellerie, le directeur des services judiciaires Paul Huber, conclut à l’existence de deux fautes disciplinaires et demande un blâme, la sanction la plus faible en la matière.

- Rendez-lui son honneur, conclut la défense.

Le conseil de la magistrature rendra sa décision le 7 décembre, c'est à dire après le procès du ministre de la justice devant la Cour de justice de la république pour ses autres accusations de conflits d’intérêts.

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