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Raisins de la colère

Récoltes en berne liées au climat, effondrement des prix : des centaines de viticulteurs français détruisent du vin espagnol à la frontière

Des centaines de viticulteurs français ont tenu un barrage filtrant ce jeudi 19 octobre à la frontière franco-espagnole et ont détruit le contenu de deux camions pour dénoncer leurs faibles récoltes liées à la sécheresse et l’effondrement du marché du vin.
par LIBERATION et AFP
publié le 20 octobre 2023 à 11h59

Des litres et des litres de vin rouge déversés sur l’asphalte. Des dizaines de cubis de moelleux catalan débarqués de camions pour être projetés sur le sol. Des centaines de viticulteurs français, désespérés par l’effondrement du marché du vin et par les conséquences du réchauffement climatiques sur leurs récoltes, ont tenu un barrage filtrant pendant près de trois heures ce jeudi 19 octobre, sur l’autoroute A9 à la frontière franco-espagnole, au péage du Boulou (Pyrénées-Orientales). Le temps de détruire notamment le chargement de deux camions transportant du vin depuis l’Espagne.

Venus de plusieurs départements de cette région du sud-ouest de la France, dont l’Aude, l’Hérault et les Pyrénées-Orientales, ces viticulteurs énervés ont brûlé des pneus sur la voie et «contrôlé» les poids lourds arrivant d’Espagne, à la recherche d’importations de vin espagnol. Les cagettes de tomates d’un camion ont également été détruites et brûlées. Ils ont ensuite quitté les lieux, a précisé la préfecture des Pyrénées-Orientales, qui a recensé 380 manifestants sur place.

La Confédération espagnole de transport de marchandises (CETM) a dénoncé dans un communiqué des «agressions totalement injustifiées, qui mettent en danger la sécurité des chauffeurs professionnels et entraînent des pertes importantes pour le secteur», en appelant à des suites judiciaires.

«On n’en peut plus»

La mobilisation s’est poursuivie avec une opération escargot sur l’autoroute en direction de l’Aude jusqu’à 16 heures 30, puis des manifestants ont brûlé des palettes et des pneus devant le centre des impôts de Narbonne jusqu’aux environs de 17 heures. «C’est une révolte du bassin régional qui touche toute la région et même la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur», a expliqué le président du syndicat des vignerons des Pyrénées-Orientales, David Drilles. «On sort de quatre années d’aléas climatiques», a-t-il rappelé, en ajoutant : «on n’a pas d’argent, pas de visibilité […] On n’en peut plus. On attend des prises en charge, des aides du type de celles qui ont été attribuées aux éleveurs».

De son côté, le président du syndicat des vignerons de l’Aude, Frédéric Rouanet, dénonce depuis des semaines «un cocktail explosif» de facteurs défavorables : faible récolte à cause de mauvaises conditions climatiques, charges qui augmentent avec l’inflation, prix du vin qui ne suivent pas, d’autant que les importations par des négociants les font baisser. En 2022, la France a importé plus de six millions d’hectolitres de vin, selon l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), mais certains crus, rouges et rosés en particulier, subissent une chute des ventes.

Les locaux d’une société d’embouteillage et de négoce de l’Aude avaient même été incendiés dans la nuit du 4 au 5 octobre et tagués d’une revendication contre l’importation de vin étranger. Cet incendie, qui n’a fait aucun blessé, a été revendiqué par le Comité d’action viticole, émanation locale du Comité régional d’action viticole (CRAV) qui exprime, par la force et depuis plusieurs décennies, «la colère» du monde viticole languedocien. «Je ne cautionne pas ce genre d’actes, mais ils risquent de devenir quotidiens, vu la situation actuelle», avait déclaré Frédéric Rouanet.

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