Un médecin ukrainien raconte l’horreur vécue dans un camp de torture russe: “Il y avait des scies et des tronçonneuses couvertes de sang”

Youri Armash se trouvait à Oleshki, une ville du sud de l’Ukraine, le jour de l’invasion de son pays par la Russie, le 24 février 2022. Les troupes russes avaient rapidement pris cette ville de l’oblast de Kherson. Un mois et demi plus tard, le jeune médecin militaire a tenté de rejoindre Zaporijia avec deux soldats ukrainiens. Ils devaient retrouver leur chauffeur à Nova Kachovka, à une soixantaine de kilomètres de là, mais ils ont été interceptés dans un champ par des combattants prorusses.

“Nous avons été arrêtés et emmenés dans leur tente en tant qu’espions ukrainiens. Ils nous ont confisqué nos téléphones, nous ont déshabillés et nous ont maltraités”, raconte aujourd’hui Youri dans un entretien avec des journalistes du Crimean Center for Investigative Reporting.

Le lendemain matin, ils ont été emmenés au poste de police de Nova Kakhovka, qui abritait l’une des pires chambres de torture de la région. “Ils nous ont déshabillés, ont vérifié que nous n’avions pas de tatouages et ont commencé à nous battre. Nous sommes restés attachés pendant une heure, mais nous avons insisté sur le fait que nous étions des civils. Puis, leur capitaine est entré dans la pièce et c'est à ce moment-là que les vraies tortures ont commencé”, se souvient Youri.

Le jeune homme affirme que ses bourreaux lui ont notamment planté des aiguilles dans le cou et enfoncé un couteau dans la cuisse, jusqu’à toucher l’os. “Lorsqu’ils ont compris qu’ils n’obtiendraient aucune réponse, ils ont pris un téléphone de campagne militaire et ont attaché les fils à mes oreilles. Ils m’ont ensuite donné des décharges électriques jusqu’à ce que je crie”, témoigne Youri Armash.

Lorsque les Russes ont découvert qu'il était médecin, ils lui ont demandé de soigner leurs soldats blessés. Youri Armash leur a répondu qu’il ne s’occuperait que des civils. Il a dès lors été amené à soigner d’innombrables Ukrainiens torturés. Avec les moyens du bord.

Le jeune homme raconte l’horreur dont il a été témoin. “Un ouvrier de la centrale hydroélectrique de Kakhovka était attaché au deuxième étage. Il avait une main attachée au radiateur et l’autre à un coffre-fort. Pendant son interrogatoire, ils ont utilisé du fil d’acier pour lui retirer les veines des bras”, dit-il.

Les interrogatoires se poursuivaient également la nuit. “Le plus jeune prisonnier - un garçon de 18 ans - a dû subir un traitement particulièrement cruel”, poursuit-il. “Ils lui ont arraché les ongles des orteils et l’ont ensuite jeté dans sa cellule. Ce n’est que quatre jours plus tard qu’ils m’ont amené à lui. Ses orteils étaient déjà pourris.”

Youri Armash se souvient également d'un homme d'une trentaine d'années emmené sur le fleuve Dniepr. Selon les dires du médecin ukrainien, les Russes lui ont attaché une corde autour du cou, l’ont serrée avant de le forcer à nager. “Lorsqu’il s’éloignait du rivage, ils tiraient sur la corde de sorte qu’il ne pouvait plus respirer”, poursuit-il. “Ils l’ont ensuite ramené sur la terre ferme, ont aspergé ses jambes d’essence, lui ont mis le feu et l’ont regardé. C’est ce qu’il m’a dit. Ses jambes étaient brûlées”, dit Youri.

Le poste de police de Nova Kakhovka comportait des pièces absolument terrifiantes, selon les termes du jeune médecin qui y est lui-même entré. “Au deuxième étage, j’ai vu une pièce avec des scies, des tronçonneuses, des haches et des machettes, toutes couvertes de sang. Il y avait d’autres pièces secrètes dans le bâtiment, mais on ne m’y a jamais emmené”.

L’un des personnages les plus tristement célèbres du commissariat s’occupait d’effacer les tatouages qui ne lui plaisaient pas. Cet homme, particulièrement dévot, décidait ainsi quels tatouages étaient “impurs” et les enlevait. Il les coupait parfois avec un couteau ou les brûlait avec des produits chimiques”, affirme Youri.

Youri Armash a finalement été libéré dans le cadre d'un échange de prisonniers après plus d'un an passé en détention. Non seulement à Nova Kakhovka, mais aussi à Sébastopol et dans la tristement célèbre colonie pénitentiaire numéro 12 de la ville russe de Rostov. Cette dernière est considérée comme un camp de concentration russe pour les civils et les prisonniers de guerre.

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