Le Monde doit des explications à ses lecteurs sur la façon dont a été traitée l’explosion meurtrière survenue, mardi 17 octobre, dans un hôpital de Gaza.
Ce soir-là, Le Monde a repris, à 19 h 18, une dépêche de l’AFP faisant état du bombardement de l’hôpital Al-Ahli, à Gaza, imputé à l’armée israélienne, dont le premier bilan s’élevait à 200 morts. Le texte mentionnait le fait que les autorités israéliennes procédaient à des vérifications et doutaient de la véracité de cette information. Cette publication a fait l’objet d’un titre à la « une » de notre site et d’une alerte, à l’instar des principaux médias de la planète.
A 21 h 57, nous avons fait état d’un démenti formel de l’armée israélienne qui attribuait cette explosion au tir d’une roquette réalisé par le Jihad islamique, une organisation alliée du Hamas. Au fil de la soirée, les doutes et les contradictions se sont accumulés au sujet de cette explosion. Nous les avons rapportés tout autant dans notre couverture en continu du conflit sur notre site qu’en « une » du quotidien du lendemain (journal daté du jeudi 19 octobre), qui revenait en titre, de manière plus générale, sur le « calvaire de la population » de Gaza et qui mentionnait « plusieurs centaines de civils morts » dans l’explosion à l’hôpital – le bilan, invérifiable, est à ce jour estimé entre 100 et 300 victimes par les services de renseignement américains. Nous faisions également part des accusations du Hamas et du démenti israélien.
Le jeudi 19 octobre, nous avons publié une enquête de notre service vidéo qui, faute d’apporter une preuve formelle, rassemble des images et des éléments de chronologie dont aucun n’étaye la thèse d’une responsabilité de l’armée israélienne. Ce travail s’ajoute à ceux d’autres rédactions et à de multiples avis d’experts qui tendent à montrer, à défaut de pouvoir le démontrer formellement, que l’explosion à l’hôpital Al-Ahli aurait été provoquée par la chute d’une roquette tirée de Gaza par un groupe armé palestinien.
Les investigations sur l’origine de ce drame continuent, mais ces éléments concordants nous conduisent aujourd’hui à considérer que nous avons manqué de prudence, le 17 octobre, en reprenant les informations sur cette explosion en provenance du Hamas.
Les précautions s’imposent d’autant plus que nous ne disposons malheureusement pas de moyens de vérification sur place. L’accès à ce territoire est en effet interdit par l’armée israélienne, la presse internationale y est absente. La rédaction du Monde ne peut y recueillir de témoignages qu’au gré de liaisons téléphoniques ou Internet déficientes, selon l’alimentation en électricité délivrée par Israël, et auprès de civils sous la menace permanente des bombardements.
Après évaluation des dangers, il est généralement de la responsabilité des médias d’envoyer, ou non, leurs reporters en zone de guerre. Ce n’est pas le cas cette fois.
Pour tenir compte de cette situation, que nous déplorons, nous serons amenés à rappeler régulièrement, dans nos publications, que certaines informations en provenance de la bande de Gaza, notamment les bilans des pertes humaines, ne peuvent être vérifiées. Pour être clairs sur l’origine de ces bilans, nous avons également décidé de faire évoluer la manière dont nous les présentons en indiquant désormais qu’ils émanent du ministère de la santé de la bande de Gaza « administrée par le Hamas ».
D’autres évolutions de nos usages pourront être adoptées dans les jours à venir, sur ce conflit entre Israël et le Hamas, qui n’est pas qu’un épisode de plus dans les tensions qui, régulièrement, enflamment cette région du monde.
Les événements en cours, depuis les atrocités commises par le Hamas lors de l’opération terroriste du 7 octobre, relèvent d’une guerre sans merci, qui s’annonce longue, porteuse de tragédies et d’ondes de choc multiples. Nous devons à votre fidélité et à votre confiance d’y répondre par une couverture éditoriale la plus complète et la plus fiable possible.
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