Droits LGBT+L’obligation de stérilisation jugée « inconstitutionnelle » au Japon

Le Japon juge « inconstitutionnelle » l’obligation de stérilisation des personnes transgenres

Droits LGBT+L’obligation de stérilisation impose de « graves restrictions » à la vie d’une personne et « limite le libre droit des personnes à ne pas subir contre leur volonté une atteinte à leur corps », estime la Cour suprême
Des partisans de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT) posent alors qu'ils participent au défilé « Tokyo Rainbow Pride » à Tokyo le 28 avril 2013.
Des partisans de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT) posent alors qu'ils participent au défilé « Tokyo Rainbow Pride » à Tokyo le 28 avril 2013. - Yoshikazu Tsuno / AFP / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

C’était une décision très attendue par la communauté LGBT+. La Cour suprême japonaise a jugé « inconstitutionnelle » l’obligation légale faite aux personnes transgenres de se faire stériliser pour pouvoir changer de sexe dans les registres d’état civil, ce mercredi. L’obligation de stérilisation impose de « graves restrictions » à la vie d’une personne et « limite le libre droit des personnes à ne pas subir contre leur volonté une atteinte à leur corps », a déclaré mercredi la plus haute cour japonaise, dans un arrêt très attendu.

Au Japon, une personne transgenre souhaitant que les registres d’état civil reflètent sa transition de genre doit saisir un tribunal pour les affaires familiales après avoir subi une chirurgie de réassignation sexuelle, en vertu d’une loi adoptée en 2003. Elle doit aussi prouver l’absence de capacité reproductive, ce qui nécessite généralement une stérilisation, et ses organes génitaux doivent avoir une « apparence similaire » à ceux du sexe auquel elle s’identifie.

Une « grave violation des droits humains »

Toute personne souhaitant ce changement d’état civil doit également être célibataire, ne pas avoir d’enfants mineurs et être officiellement diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre, c’est-à-dire d’une détresse causée par une inadéquation entre le sexe assigné à la naissance et le genre auquel s’identifie une personne.

La Cour suprême japonaise avait été saisie à la suite d’une action en justice lancée par une femme transgenre demandant à être légalement inscrite comme femme sans subir d’opération chirurgicale, au motif que la stérilisation obligatoire constitue une « grave violation des droits humains et est inconstitutionnelle ». Sa demande a été rejetée par un tribunal pour les affaires familiales, puis par une juridiction supérieure.

Une décision différente en 2019

C’est la deuxième fois que la plus haute cour du pays était appelée à se prononcer sur cette question. En 2019, elle avait confirmé la loi, jugeant qu’elle avait pour but de prévenir des « problèmes » dans les relations parents-enfants pouvant conduire à de la « confusion » et des « changements brusques » au sein de la société. La Cour suprême avait cependant reconnu le caractère invasif de cette loi, ajoutant que la législation devrait être revue régulièrement au fur et à mesure que les valeurs sociales et familiales évoluent.

Seule une poignée de pays, comme l’Espagne cette année, ont récemment facilité le changement d’état civil des personnes trans. Mais les défenseurs des droits LGBT+ s’indignent des procédures médicales longues, invasives et potentiellement risquées auxquelles contraint le Japon – par ailleurs seul pays du G7 à ne pas reconnaître le mariage entre personnes de même sexe ou les unions civiles au niveau national.

Pas vers l’acceptation de la diversité

Dans un rapport publié en 2019, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a ainsi jugé que cette obligation était fondée sur une notion « péjorative » selon laquelle la transidentité relève d’une « maladie mentale ». « La procédure de changement légal de genre, qui nécessite une chirurgie de stérilisation et un diagnostic psychiatrique obsolète, est anachronique, nuisible et discriminatoire », a condamné HRW.

Le débat évolue cependant dans l’archipel, où un tribunal local pour les affaires familiales a rendu au début du mois un jugement sans précédent dans le pays, jugeant inconstitutionnelle et invalide la loi de 2003. Le Japon, traditionnellement conservateur, a aussi fait ces dernières années de petits pas vers l’acceptation de la diversité.

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