Sur les réseaux sociaux, les femmes sont reléguées au second plan, alerte une étude

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Sur les réseaux sociaux, les femmes sont reléguées au second plan, alerte une étude

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Les femmes sont largement sous-représentées sur les réseaux sociaux. C'est le constat que fait le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes dans un rapport publié mardi 7 novembre. Les contenus où elles apparaissent sont très souvent sexistes voir dégradants et violents, note l'étude.

"C’est la première étude de cette ampleur jamais réalisée en France sur le numérique. On a passé au crible trois des plateformes les plus consultées". C’est de cette manière que Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) décrit le rapport que son organisation vient de publier, mardi 7 novembre.

Pour cette enquête, intitulée "La femme invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme", des étudiantes de Sciences Po et une quarantaine d’experts des secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de l’entreprenariat ou encore du monde de l’entreprise se sont penchés sur les 100 contenus les plus visionnés sur YouTube, TikTok et Instagram. Leur constat est sans appel : les femmes sont largement sous-représentées sur les réseaux sociaux. Pire encore, dans les vidéos où elles apparaissent, elles sont souvent dépeintes de manière stéréotypée ou sont victimes de sexisme.

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Aucune femme dans une vidéo YouTube sur deux

Sur YouTube, par exemple, les femmes sont clairement minoritaires, selon le HCE. Parmi les 100 vidéos analysées (les contenus les plus vus en 2022 sur la plateforme par les utilisateurs français), seules huit proviennent de chaines gérées ou cogérées par des femmes. Dans quasiment une vidéo sur deux, il n’y a même aucune femme. Au contraire, il n’y a que trois vidéos sans aucun homme.

Au total, les femmes représentent à peine 34% des personnages présents dans les vidéos YouTube analysées et elles occupent principalement des personnages secondaires, avec une présence limitée à l’écran. "Cela a presque toujours été comme ça", analyse Sylvie Pierre-Brossolette, "le système numérique et les algorithmes font que tout s’accentue toujours et s’accélère de manière exponentielle. Le biais de départ, c’est qu’au départ, il n'y avait quasiment que des créateurs hommes sur YouTube. Cela a fini par créer un monde complètement masculin voir masculiniste".

Sur Instagram, les femmes restent surtout à la maison

Sur TikTok, le constat est à peine plus réjouissant. Sur 100 contenus analysés, 31 proviennent de comptes gérés ou cogérés par des femmes. Mais là encore, seulement 36% des personnages sont des femmes. C’est sur Instagram que les femmes sont un peu plus représentées. Parmi le top 10 des créateurs de contenus de cette plateforme, il y a quatre femmes, cinq hommes et un couple. Les femmes occupent 44% des rôles principaux dans ces contenus (contre 52% pour les hommes et 4% pour des enfants).

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Instagram n’est pour autant pas un eldorado pour les créatrices de contenu, selon cette étude. Si elles sont bel et bien plus nombreuses que sur les autres plateformes, elles sont cantonnées aux milieux privés et sont sous-représentées dans les milieux professionnels et les lieux publics en plein-air. Le HCE constate "une surabondance de contenus personnels mettant en scène des familles et des couples idéalisés". L'étude note que "les femmes sont ainsi présentées dans un rôle maternel et sentimental, assimilées à des poupées. Leur apparence physique est fortement mise en avant".

Le couple hétérosexuel et stéréotypé sur-représenté

Les contenus postés sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram. Sur les 100 contenus analysés, 52% mettent en scène une relation conjugale stéréotypée, généralement hétérosexuelle. Il y a par exemple des demandes en mariage, des annonces de grossesse ou encore des moments passés avec des enfants.  L'étude cite notamment les couples formés par Thibaud Delapart et Justine Becattini (TiboInShape et Jujufitcats sur les réseaux) ou encore Caroline Receveur et Hugo Philip.

Sur YouTube, les femmes n'échappent pas à ce type de contenus, selon le HCE. Les vidéos réalisées par des youtubeuses qui ont été analysées portent toutes sur le couple ou les relations amoureuses, quand les hommes produisent des contenus autour de l'humour, des vidéos d'expertise ou encore sportives.

Sexisme et violence sur tout petit écran

Au delà des représentations genrées et sexistes, un phénomène est particulièrement inquiétant. Sur Instagram,  TikTok et YouTube, la violence et les comportements dégradants sont particulièrement courants, selon cette étude. "Les plateformes, en particulier YouTube, abritent de nombreux challenges et défis extrêmes qui contribuent à instaurer un climat de violence. Les propos et actes sexistes sont, eux aussi, présents. Le sexisme n'est pas explicitement déclaré mais se manifeste de manière insidieuse à travers des contenus prétendument humoristiques", note les auteurs du rapport. Plus de 25% des vidéos visionnées sur YouTube contiennent des propos à connotation sexuelle, tandis que les vidéos contenant des propos sexistes représentent 22% du contenu visionné.

Sur TikTok, une image dégradante est présente dans 20% du contenu analysé. Sur Instagram, on compte 12% de contenus avec des manifestations de violence physique et 12% avec de la violence verbale. "On retrouve 9% de contenus dans lesquels les femmes sont humiliées", indique le rapport. "C'est très grave parce que cela contribue à forger les mentalités. Il ne faut pas s'étonner après que le nombre d'agressions sexuelles et de féminicides augmente quand la société est inondée par le secteur numérique porteur de stéréotypes et de sexisme", s'inquiète Sylvie Pierre-Brossolette.

Instagram et YouTube favorables à une "auto-évaluation" annuelle

Si les réseaux sociaux regorgent de contenus sexistes et dégradants, c'est parce que les plateformes sont le reflets de la société. Mais c'est aussi la faute des algorithmes, décrits comme sexistes par Sylvie Pierre-Brossolette : "ils reflètent les goûts des utilisateurs de plateformes. Comme ces utilisateurs sont sexistes, les algorithmes poussent tout naturellement les contenus les plus sexistes. Il y a un cercle vicieux qui se met en route. Il faut des algorithmes moins genrés. Les plateformes ont une part de responsabilité : elles peuvent décider de pousser à la place des contenus plus vertueux".

Face à ces constats,  le HCE fait plusieurs recommandations. A commencer par la mise en place d’une "auto-évaluation annuelle" des plateformes. Le Haut Conseil veut contraindre Instagram, YouTube, TikTok et les autres grands réseaux sociaux à analyser chaque année, sous le contrôle de l'Arcom, les contenus les plus visionnés. Selon Sylvie Pierre-Brossolette, Instagram et YouTube en France sont pours.

Les auteurs du rapport proposent également d'imposer un minimum de 30% de contenus créés par des femmes dans les contenus mis en avant par les algorithmes et de faciliter le parcours des filles dans les filières scientifiques et du numérique.

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