À quelques jours des législatives néerlandaises du 22 novembre, le journal belge Zeno a franchi la frontière pour tenter de prendre le pouls du pays voisin, qui a connu quelques péripéties. L’été dernier, le gouvernement de coalition de Mark Rutte (son quatrième !) tombait à la suite d’un conflit sur la politique migratoire.

Deux ans plus tôt, le même Mark Rutte démissionnait à cause du scandale des allocations familiales (dont l’État avait indûment réclamé le remboursement à des milliers de familles) – ce qui ne l’avait pas empêché de reprendre du service, après d’interminables tractations.

Entre-temps, les élections provinciales de mars 2023 ont consacré la percée historique au Sénat d’un nouveau parti, le mouvement paysan citoyen (BBB), qui porte la colère du monde rural contre la politique écologique de La Haye.

Égrenant cette succession de crises, le journal se demande en titre : “Qui sortira les Pays-Bas du bourbier ?”

Manque criant de logements

En couverture, le supplément hebdomadaire du quotidien De Morgen montre une affiche électorale du BBB – “les seules que les paysans d’Overijssel semblent accepter” de placer sur leur terrain. C’est dans cette province du centre-nord du pays que Zeno s’est rendu pour interroger les électeurs sur les principaux thèmes de campagne.

À commencer par la crise du logement, dans un pays où il manquerait 390 000 habitations – “un déficit qui ne pourra être comblé, au mieux, qu’à l’horizon 2030”. Parmi les autres questions centrales : le coût de la vie, et le droit fondamental “à un revenu, de la nourriture, des soins et l’enseignement”, ainsi que l’environnement et l’immigration – thème notamment porté par le parti d’extrême droite PVV, que d’aucuns disent en position de force.

Syndrome de Stockholm

“Mais la grande question de ce scrutin, estime Zeno, sera de savoir si l’arrivée récente de nouveaux partis va vraiment conduire à un renouvellement politique”. En juillet, l’inoxydable Mark Rutte, à la tête du pays depuis près de treize ans, avait annoncé, outre sa démission, son retrait de la vie politique.

Privé de sa figure phare, le champ politique promettait alors de grands bouleversements. Les regards se sont tournés vers les paysans citoyens du BBB – qui, depuis, ne sont plus crédités que de quelque 6 % d’intentions de vote. Puis vers le Nouveau contrat social, formation centriste du député Pieter Omtzigt, qui, d’après le même sondage Ipsos (effectué la semaine dernière), arriverait au mieux en deuxième position avec 16,7 % des suffrages.

Et c’est “ce qui est frappant dans cette campagne”, s’étonne le journaliste néerlandais Cees van der Laan : “Si l’on en croit les sondages, le VVD [le parti de droite libérale de Mark Rutte], avec désormais Dilan Yesilgöz à sa tête, demeure largement populaire” et se place en tête des intentions de vote.

“On croirait presque à un syndrome de Stockholm, qui verrait les électeurs sondés demeurer attachés à ce parti, alors qu’il est plus ou moins au pouvoir depuis 1994. Ce qui fait qu’en quelque sorte on pourrait attribuer tout ce qui est problématique dans ce pays au VVD.”

Pour ce qui est du marché rural de Deventer, en tout cas, les électeurs qu’y a rencontrés Zeno “donnent leur préférence à Omtzigt et au BBB, plutôt qu’à Dilan Yesilgöz et Frans Timmermans” l’ancien commissaire européen revenu de Bruxelles pour porter la campagne des écologistes et sociaux-démocrates.