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Evasion fiscale : les « Panama Papers » et autres « leaks » ont rapporté 450 millions d’euros à la France

Les « Panama Papers » ont permis à eux seuls de faire rentrer près de 200 millions d’euros dans les caisses de l’Etat, à la faveur du redressement fiscal de 219 contribuables. Et le compteur tourne toujours.

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Publié le 22 novembre 2023 à 16h21, modifié le 09 avril 2024 à 09h22

Temps de Lecture 4 min.

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Le procès des Panama Papers s'ouvre le 8 avril

Nous republions cet article à l’occasion de l’ouverture du procès des « Panama Papers » : 27 personnes, dont les fondateurs du cabinet d’avocats Mossack Fonseca devaient comparaître à partir de lundi 8 avril au Panama dans cette affaire d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent qui a impliqué de nombreuses personnalités dans le monde.

A quoi se mesure l’intérêt public d’une enquête journalistique ? Aux dysfonctionnements et aux injustices qu’elle révèle, aux failles réglementaires qu’elle expose, mais aussi, sans doute, s’agissant des grandes affaires de fraude et d’évasion fiscale, aux millions qu’elle permet de rapatrier dans les caisses de l’Etat pour financer les dépenses publiques.

Or, à cette aune, les « Panama Papers » sont en passe de faire exploser les compteurs. A sa parution, en avril 2016, cette enquête d’une envergure mondiale alors inédite, conduite par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), et ses 109 médias partenaires à l’époque, dont Le Monde, avait secoué la planète. Elle avait révélé les avoirs secrets de chefs d’Etat, de milliardaires et de criminels dissimulés dans les paradis fiscaux, derrière le paravent de sociétés-écrans.

Sept ans et des centaines de vérifications plus tard, la France a déjà récupéré 195,5 millions d’euros de recettes fiscales pour le budget de l’Etat, selon un nouveau comptage obtenu par Le Monde auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cet argent, qui s’était évaporé dans des montages offshore, correspond à 219 dossiers de contribuables, personnes physiques ou entreprises, pris dans les filets des « Panama Papers ». Il est la somme de l’ensemble des contrôles terminés au 31 décembre 2022, ainsi que des régularisations effectuées.

Club de cinq pays

Le cap des 200 millions d’euros rapatriés devrait être franchi cette année. C’est 70 millions de plus que lors du dernier comptage, daté de 2019, publié dans un rapport d’information parlementaire. Et c’est, à titre d’exemple, l’équivalent du budget réclamé au gouvernement par les Restos du cœur pour permettre à l’ensemble des associations d’aide alimentaire de faire face à l’accroissement de la précarité.

Ces redressements installent la France dans le club des cinq pays à avoir recouvré plus de 100 millions d’euros d’impôts et pénalités grâce aux « Panama Papers », avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Australie.

Pour identifier les contribuables suspects, les services de Bercy se sont appuyés non seulement sur les articles du Monde et de ses partenaires, mais également sur les données mises en ligne par l’ICIJ dans son OffshoreLeaks Database, qui répertorie des informations basiques sur les sociétés-écrans (actionnaires, gérants, intermédiaires), non rendues publiques dans les paradis fiscaux. Grâce à cette « première base de travail », la DGFiP a pu identifier de potentiels fraudeurs, avant de mener des investigations plus poussées pour le vérifier.

Pour l’heure, en France, l’impact financier des « Panama Papers », avec leurs myriades de sociétés-écrans immatriculées au Panama, dans les îles Vierges britanniques, dans les Bermudes ou aux Caïmans dans les années 1990 et 2000, vient donc se classer tout en haut du palmarès des grandes enquêtes collaboratives sur l’argent caché offshore.

Un « butin » total d’au moins 450 millions d’euros

Ce « leak » panaméen talonne, en effet, en matière de résultats, les enquêtes liées à la banque suisse HSBC, impliquée dans un vaste scandale de comptes bancaires non déclarés au début des années 2000. Une première salve de données confidentielles avait été transmise au fisc français par l’ex-informaticien du groupe Hervé Falciani en 2008, suivie d’une seconde salve, révélée par l’enquête « SwissLeaks » de 2015, elle aussi pilotée par l’ICIJ grâce à un jeu de données obtenues par Le Monde. La DGFiP avait décidé d’agréger ces deux dossiers qui, à eux deux, ont finalement permis à Bercy de récupérer 243 millions d’euros, en additionnant impôts et pénalités.

Les sommes récupérées par le fisc français dans chaque affaire

Somme des rappels d’impôts et pénalités

Source : DGFiP / Le Monde

A combien s’élèvera finalement le « butin » caché offshore récupéré par la France grâce aux « leaks » exploités par l’ICIJ et ses médias partenaires ? Tout inclus, des « Offshore Leaks » (2013) aux « Pandora Papers » (2021), la somme recouvrée s’élève aujourd’hui à plus de 450 millions d’euros. Elle restera toutefois incomplète tant que tous les contrôles n’auront pas été bouclés.

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Or, outre les « Panama Papers », le compteur continue de tourner pour les « Paradise Papers », cette enquête, publiée en novembre 2017, qui a dévoilé les pratiques d’optimisation fiscale de dirigeants politiques, de grandes fortunes et de multinationales, tous passés par le cabinet Appleby, situé aux Bermudes. A ce jour, les « opérations menées par la DGFiP » ont permis de récupérer 15,3 millions d’euros pour quarante-quatre dossiers, sur un total de deux cent quarante contribuables contrôlés.

Enfin, le résultat des « Pandora Papers » n’est pas connu à ce jour. La DGFiP déclare ainsi qu’elle « examine actuellement les dossiers d’un peu plus de cent cinquante contribuables », mais qu’elle n’a « pas encore le recul pour chiffrer les enjeux des procédures » lancées sur la base de ces révélations.

Inciter à la régularisation

D’une façon générale, les investigations de l’ICIJ et de ses partenaires ont permis de mettre des chiffres, des noms et des schémas précis sur la finance offshore et des pratiques de fraude et d’évasion fiscales désormais totalement mondialisées, qui restent compliquées à appréhender sans vision d’ensemble – des sociétés-écrans immatriculées dans plusieurs juridictions offshore étant souvent empilées à la façon de poupées russes, pour empêcher de remonter la piste de l’argent et l’origine des fonds sur leurs comptes bancaires. Dès lors, la coopération internationale entre Etats, pour s’échanger des renseignements sur leurs contribuables respectifs, s’en est trouvée renforcée.

« Ces enquêtes présentent un réel intérêt pour la DGFiP, affirme-t-on à Bercy. Elles peuvent inciter certains contribuables, soucieux de leur réputation, à venir à la régularisation, comme ce fut le cas lors de l’affaire des “Panama Papers”. » Bon nombre de dossiers font l’objet d’une transmission à la justice, y compris lorsque les informations restent incomplètes mais accréditent une « présomption de fraude fiscale ».

Par ailleurs, ces investigations au long cours renseignent aussi les services de l’Etat sur la nature des circuits et des outils permettant d’éluder l’impôt, comme aussi, dans une certaine mesure, sur l’ampleur de la fraude fiscale offshore. Ce sont de précieuses informations pour la France, qui fait partie des Etats qui n’ont pas encore procédé à une évaluation chiffrée des sommes qui échappent à l’impôt, et qui vient d’être invitée à le faire sans délai par la Cour des comptes.

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N'hésitez pas à contacter de façon sécurisée notre équipe enquêtes, qui se tient à votre disposition pour échanger avec vous si vous disposez d'informations ou de documents d'intérêt public.

Avec la rubrique « Affaires à suivre », Le Monde suit dans la durée les répercussions et les développements des enquêtes publiées dans ses colonnes.

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