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Giulia Cecchettin : le féminicide qui secoue l’Italie et le patriarcat

L'histoire de Giulia Cecchettin a bouleversé l'Italie : de nombreuses manifestations et hommages ont été organisés depuis sa mort, le 11 novembre dernier.
L'histoire de Giulia Cecchettin a bouleversé l'Italie : de nombreuses manifestations et hommages ont été organisés depuis sa mort, le 11 novembre dernier. © Marco Ottico / LaPresse/Shuttersto/SIPA
Jeanne Le Borgne

Un 105ᵉ féminicide depuis le début de l’année et un sursaut. Depuis la découverte du corps sans vie de Giulia Cecchettin, tuée de 26 coups de couteau par son compagnon, l’Italie est vent debout contre le patriarcat et « la violence masculine ».

Entre tristesse et révolte, la mort de Giulia Cecchettin a choqué toute l’Italie. Et à mesure que la presse révèle des détails sur la tragique histoire de cette étudiante de 22 ans, les manifestations « contre le patriarcat » gagnent en ampleur. Sur les chaînes d’informations en continu, le visage doux et souriant de la jeune femme tourne en boucle.

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Samedi 11 novembre, Filippo Turetta, 22 ans, a signalé à la police sa disparition, sans donner plus de détails. Et après huit jours de recherches, le corps sans vie de l’étudiante en ingénierie a été retrouvé au fond d’un ravin profond de 50 mètres, recouvert de plusieurs sacs-poubelles noirs. Et stupeur : la jeune femme avait reçu 26 coups de couteau « au visage, au cou, aux bras, aux jambes… ».

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Son petit ami arrêté en Allemagne

Rapidement, les soupçons se sont tournés vers son petit ami, qui a été interpellé dès le lendemain, dimanche 19 novembre, près de Leipzig, en Allemagne, à près de 1 000 km du lieu du crime. D’après « Corriere », l’homme était arrêté, phares éteints, sur la bande d’arrêt d’urgence, car il n’avait plus suffisamment d’argent pour remettre de l’essence dans sa Punto noire.

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Dans la voiture de Filippo Turetta, les enquêteurs ont retrouvé un couteau de cuisine avec une lame de douze centimètres. Des traces de sang maculaient les chaussures du jeune Italien, ses vêtements, ainsi que les sièges de l’automobile. « Preuve que la dernière soirée de Giuilia Cecchettin a été une véritable hécatombe », souligne la presse transalpine. L’homme a immédiatement indiqué, en anglais, avoir tué sa compagne et déclaré qu’il avait pensé « à plusieurs reprises à mettre fin à ses jours », mais qu’il n’en avait pas eu le courage

En parallèle, les enquêtes policières et médiatiques ont révélé aux yeux des Italiens, sous le choc, des détails insoutenables sur la mort de Giulia Cecchettin, mais aussi sur son quotidien avec Filippo Turetta.

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Une soirée d’une violence insoutenable

Le soir du drame, les deux amoureux étaient sortis dîner à McDonald’s et s’apprêtaient à repartir, quand sur les coups de 23 heures, une dispute a éclaté au sein du couple. D’après un témoin de la scène, la jeune femme aurait crié « À l’aide », puis « Tu me fais mal ». « Je l’ai vu lui donner un coup de pied alors qu’elle était au sol », assure également ce témoin. Sur place, les enquêteurs ont retrouvé des traces de sang.

Giulia Cecchettin est tout de même remontée en voiture avec Filippo Turetta, mais la Punto n’a fait que quelques kilomètres, avant de s’arrêter une nouvelle fois. La scène est cette fois filmée par une caméra de vidéosurveillance et décrite par la juge d’instruction : « À 23 h 40, une personne s’enfuit, poursuivie par une autre, plus rapide, qui la rattrape et la jette à terre. La personne poursuivie tombe violemment sur le trottoir et ne bouge pas ».

L’homme s’immobilise, puis disparaît du champ de la caméra, avant de réapparaître au volant de son véhicule. On voit alors Filippo Turetta charger le corps de Giulia Cecchettin dans sa voiture et repartir. Là, la police trouvera du sang, des cheveux et un ruban en tissu argenté que l’homme a probablement utilisé « pour l’empêcher de crier ».

La juge d’instruction parle de 22 minutes d’une « férocité inouïe ». Le rapport d’autopsie souligne, lui, que Giulia Cecchettin « s’est battue avec acharnement pour ne pas mourir ».

Le symbole d’une « culture patriarcale »

Du portrait dressé par les médias de Filippo Turetta, il ressort que le jeune homme de 22 ans était avare - détail sordide : c’est la jeune femme elle-même qui a payé son dernier repas (et celui de son meurtrier). La juge dépeint, elle, un homme « dans l’incapacité totale de se contrôler », « extrêmement dangereux », « imprévisible » et qui « pourrait réitérer un comportement violent envers d’autres femmes ».

Aussi, le meurtre de Giulia Cecchettin a rapidement été perçu comme le reflet de la « culture patriarcale » de la société italienne. D'une « violence masculine » dont la jeunesse ne veut plus. Elena Cecchettin, la sœur de la victime, a notamment établit un lien entre le meurtre de sa sœur et « une culture patriarcale de violence et de contrôle à l’égard des femmes, qui normalise le comportement toxique d’hommes comme Filippo Turetta ».

Les parents du jeune garçon ont toutefois tenté de défendre l’éducation que celui-ci a reçue. « Nous ne sommes pas des talibans, a-t-il assuré. Je n’ai jamais appris à mon fils à maltraiter les femmes. J’ai le plus grand respect pour ma femme et nous avons toujours condamné ouvertement tout type de violence sexiste à la maison. »

Une première victoire

Ces mots n’ont pas empêché de nombreux Italiens de descendre dans les rues du pays pour demander « la fin du patriarcat » : les médias transalpins parlent à ce propos d’une « mobilisation sans précédent ». Une députée démocrate a même demandé « l’approbation immédiate au Parlement d’une loi qui introduit l’éducation au respect et à l’affection dans toutes les écoles d’Italie ».

Et conséquence immédiate : le Sénat a voté une loi sur les violences faites aux femmes, ce mercredi 22 novembre. De nouvelles mesures visant à davantage protéger la gent féminine devraient voir le jour dans la foulée.

Filippo Turetta devrait, lui, être extradé d’Allemagne vers l’Italie vendredi 24 novembre. Il sera ensuite placé en détention provisoire à Rome, mais pourra être transféré à Venise pour les besoins de l’enquête.

Elena Cecchettin, la sœur de la défunte, se bat désormais pour que soit reconnu la circonstance aggravante que ce crime a été commis par un homme contre une femme, soit qu’il s’agit d’un féminicide - une notion qui n’existe pas dans le droit italien. Elle est soutenue dans son combat par de nombreux acteurs, musiciens, influenceurs, écrivains et simples citoyens de tout le pays, comme le rapporte « La Repubblica ».

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