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Une grande majorité de mineurs figure parmi les détenus palestiniens qu’Israël juge libérables

Dans la liste des 300 détenus palestiniens libérables, fournie par Israël pour un échange avec les 50 otages, figure une grande majorité de mineurs. Une trêve débutera demain matin dans la bande de Gaza. Elle devrait permettre l’opération

Des proches et soutiens des prisonniers palestiniens à Ramallah, 21 novembre 2023. — © JAAFAR ASHTIYEH / AFP
Des proches et soutiens des prisonniers palestiniens à Ramallah, 21 novembre 2023. — © JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Le Ministère de la justice israélien a publié mercredi matin une liste des 300 prisonniers palestiniens libérables en échange des otages israéliens retenus à Gaza. L’opération sera effectuée à partir de 10h en Israël (9h en Suisse) jeudi, lorsque le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas devrait commencer. Il s’agit de 150 personnes pour commencer, mais Israël a indiqué que les échanges pourraient continuer si le Hamas parvenait à localiser d’autres otages, à raison d’un Israélien pour trois Palestiniens.

Cela tranche avec les chiffres faramineux des derniers échanges. En 2011, 1027 prisonniers palestiniens avaient été libérés en échange du soldat israélien Gilad Shalit. Un tiers purgeait des peines à vie pour avoir planifié ou mené des attentats – dont Yahya Sinwar, aujourd’hui chef du Hamas dans la bande de Gaza, condamné de facto à mort par Tsahal après l’attaque du 7 octobre.

A propos du plan: Otages israéliens: les dessous de l’accord entre l’Etat hébreu et le Hamas

Détenus sans procès

Sur la liste israélienne, 267 prisonniers palestiniens sont des adolescents entre 14 et 18 ans, originaires de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Seuls quatre viennent de la bande de Gaza, arrêtés alors qu’ils essayaient d’entrer sur le territoire israélien. Il y a aussi 33 femmes de 16 à 59 ans.

La liste publiée par Israël donne le nom, l’âge, l’origine géographique et le numéro d’identité de chaque prisonnier. Mais aussi leur affiliation et, pour beaucoup, cette case reste vide. Le Hamas n’a manifestement pas priorisé ses membres dans les négociations, ce qui aurait été de toute façon difficile à obtenir, mais sa cote augmentera certainement auprès de ses partisans car les libérés représentent, pour une écrasante majorité, des femmes et des mineurs arrêtés par Israël avant le 7 octobre.

Ces 300 prisonniers sont accusés de violences mineures et parfois ce qu’on leur reproche est peu clair. Presque tous étaient en attente de procès, ou en détention administrative, selon les organisations palestiniennes et israéliennes qui les suivent. Cet outil légal, hérité du mandat britannique, permet d’emprisonner sans procès un Palestinien dont on soupçonne qu’il pose un risque sécuritaire pour l’Etat. Tous les Palestiniens de Cisjordanie sont soumis au régime militaire qui régit ce territoire occupé: plus de 8000 d’entre eux sont aujourd’hui enfermés dans les prisons israéliennes, un record depuis la seconde Intifada. Et plus de 3000 ont été arrêtés depuis le 7 octobre.

Les femmes sur la liste des détenus libérables d’Israël sont en revanche emprisonnées pour des attaques au ciseau ou au couteau sur des Israéliens. Au moins trois sont accusées d’avoir participé à des attentats. Mais – et c’est crucial – aucune n’a de «sang sur les mains», c'est-à-dire n’a tué d’Israélien. Une condition essentielle à la réussite de l’accord puisque selon la loi israélienne, les familles d’Israéliens tués ont le droit de faire appel devant la Cour suprême pour empêcher la libération du coupable.

Lire aussi: Le Conseil fédéral interdit le Hamas, mais pas dans l’urgence

«Cet accord n’a aucun sens»

Une association de familles de victimes du terrorisme a déposé mardi un appel contre l’accord. Mais c’est plus symbolique qu’autre chose. Opposée à toute négociation avec le Hamas, une frange de la population est convaincue que seule la force permettra de vaincre. Comme Alice Zeeman, venue jusqu’à Tel-Aviv de sa colonie de Shavei Shomron en Cisjordanie pour manifester son opposition à l’accord devant le QG de l’armée israélienne mardi soir. «La pensée postmoderniste veut qu’on se sauve soi-même d’abord, mais cela ne correspond pas à notre identité. Nous, les juifs, nous sommes le peuple éternel. Si on réfléchit en tant que nation et pas en tant qu’individus, cet accord n’a aucun sens. En laissant le Hamas se réorganiser, il dessert le collectif», dit la jeune femme, regard bleu perçant sous son turban coloré.

Obtenir des informations sur la santé de ceux qui restent

Dans la nuit de mardi à mercredi, au parlement, les trois ministres de la mouvance la plus radicale des colons, le parti Force juive, avaient voté contre l’accord. Cela n’a pas suffi: les 34 autres ont bien compris que l’armée, comme tout le pays, veut voir revenir les otages. La libération de cette trentaine d’enfants, huit mères et douze autres femmes, selon les informations sorties dans la presse, devrait permettre d’obtenir des informations sur la santé physique et psychologique de ceux qui restent. Mardi, le premier ministre israélien a laissé entendre que le Comité international de la Croix-Rouge pourrait avoir accès aux otages, ce que demandent les Israéliens depuis longtemps. Du côté du renseignement, on espère aussi obtenir des informations cruciales sur la situation et le déploiement militaire du Hamas.

Mais le chagrin le dispute au soulagement. «Cela fait six semaines que nous attendons ce moment: nous nous sommes préparés, avec le Ministère de la santé, à soigner d’importantes séquelles physiques et mentales», explique Hagai Levine, directeur de l’équipe médicale du Forum des familles d’otages. Des unités spécialisées, à l’abri des médias, ont été ouvertes dans six hôpitaux israéliens. «Imaginez à quel point c’est difficile. Et derrière, il y a les autres familles qui attendent encore», conclut-il.